« C’est un énorme honneur pour moi d’avoir votre confiance et votre précieux appui »
Entrevue avec Maître Esther Krauze, nouvelle présidente de la CSUQ
Maître Esther Krauze est la troisième femme à présider la Communauté sépharade unifiée du Québec (CSUQ). Elle succède dans cette fonction à Karen Aflalo, qui a complété avec succès un mandat de deux ans.
Née d’un père ashkénaze et d’une mère sépharade, cette avocate de 51 ans, œuvrant dans les domaines du droit des affaires et du droit immobilier au sein du cabinet d’avocats Lette & Associés, a un parcours communautaire très marquant.
Elle est activement impliquée communautairement depuis vingt ans, dont sept auprès de la CSUQ. Elle a été présidente de l’École Maïmonide, où elle a effectué ses études primaires et secondaires, et a occupé diverses fonctions au sein d’autres organisations communautaires.
« Mon travail me passionne certainement, mais ce n’est pas ma seule passion. J’ai très rapidement découvert une seconde vocation qui me passionne aussi : celle de redonner à notre communauté sépharade et de contribuer à son essor », confie-t-elle.
Esther Krauze nous a fait part de ses priorités et de sa vision de l’avenir de la CSUQ au cours d’une entrevue qu’elle a accordée à La Voix sépharade.
Qu’est-ce qui vous a convaincue d’accepter la présidence de la CSUQ?
Je suis très honorée d’être la troisième femme à présider la CSUQ et de suivre ainsi les pas des vingt-deux présidents qui ont façonné et bâti au cours des cinquante-huit dernières années une communauté forte, solide et structurée. Quand on m’a approchée pour que je considère ma candidature au poste de présidente, j’ai pris un temps de réflexion, car assumer cette fonction est certes un grand privilège, mais aussi une grande responsabilité.
Ma réflexion s’est inscrite dans la continuité de mon parcours communautaire. Présider un jour la CSUQ était une de mes aspirations à long terme, pas à court terme. Ce qui m’a motivée à accepter cette noble charge, c’est la flamme communautaire qui scintille en moi. J’ai une expérience, un bagage et une vision communautaires qui peuvent être bénéfiques pour la CSUQ. Je siège au conseil d’administration (CA) de cette institution depuis sept ans. Ce qui m’a permis de mieux comprendre les différents enjeux auxquels la CSUQ fait face, d’identifier nos forces et nos opportunités, de cerner nos priorités. Il est important de donner à notre communauté, chacun à son niveau et à sa manière.
Comment interprétez-vous le fait qu’une femme ait été élue à nouveau à la tête de la CSUQ?
C’est certainement une preuve patente de la maturité et de l’évolution de notre communauté. Il y a vingt-cinq ans, Maryse Ohayon a été la première femme sépharade élue à la présidence de celle-ci. Un changement drastique, jusque-là seuls des hommes avaient occupé cette fonction. C’était une autre époque. La nomination successive, en l’espace de deux ans, d’une deuxième femme à la tête de la CSUQ n’est pas seulement le signe d’une évolution, mais aussi d’une reconnaissance et d’un souci d’égalité. Sans oublier bien sûr qu’aujourd’hui, beaucoup de femmes sépharades se distinguent par leur leadership et leurs compétences dans de nombreux domaines.
Quels sont vos principaux objectifs?
J’ai cinq grands objectifs, les trois premiers sont prioritaires :
- Le financement;
- La préservation de l’identité sépharade;
- L’intégration et la valorisation des constituantes;
- Mieux desservir deux groupes d’âge : les 14-17 ans et les 40-55 ans, avec des programmes spécialement conçus pour eux;
- L’intégration au sein de la CSUQ et de nos constituantes des nouveaux immigrants sépharades francophones.
Je suis bien consciente que deux ans passent très vite, c’est pourquoi il faut profiter du momentum et battre le fer tant qu’il est chaud pour formuler une vision qui assurera la continuation de la mission de la CSUQ. Vision qui sera pleinement axée sur les objectifs priorisés. Je compte poursuivre ce vaste et ambitieux chantier amorcé par mes deux prédécesseurs, l’Honorable Jacques Saada et Karen Aflalo.
Le financement est un grand défi pour la CSUQ.
Oui. Depuis plusieurs années, la Fédération CJA a amorcé un virage en ce qui a trait au financement de ses agences. Les besoins de notre communauté ne cessent de croître. Dans la continuité de ce qu’ont entrepris l’Honorable Jacques Saada et Karen Aflalo, nous devons poursuivre et renforcer les partenariats avec la Fédération CJA et ses agences. Mais il est impératif aussi que la CSUQ renforce son autonomie et ses assises financières. Nous avons jusqu’à présent bâti, en collaboration avec la Banque Nationale du Canada (BNC), une fondation, présidée par un leader communautaire admirable, Armand Afilalo, et mis en place des campagnes de financement, notamment celle du programme Hessed, présidé par un autre leader communautaire hors pair, Marc Kakon, qui permettent l’autofinancement de nos programmes. Nous devons poursuivre dans cette lancée pour assurer l’autonomie financière de la CSUQ à moyen et long terme. Dans la continuité de notre plan stratégique qui s’étalera jusqu’en 2026, nous devons sortir des sentiers battus et explorer de nouvelles voies et méthodes de financement afin d’optimiser chaque dollar collecté et investi.
Comment assurer la pérennité de l’identité sépharade?
L’identité sépharade n’est pas monolithique, mais plurielle. C’est ce qui constitue sa force. Chacun a sa propre vision de l’identité sépharade. Plusieurs facteurs définissent celle-ci : la religion, nos pratiques religieuses, notre rapport à l’histoire sépharade, nos us et coutumes, le patrimoine que nous ont légué nos grands-parents et parents… Aujourd’hui, la communauté sépharade compte un grand nombre de jeunes familles orthodoxes. Nous devons tout faire pour qu’elles se sentent pleinement membres de notre communauté. Tout comme nous devons nous rapprocher de nos coreligionnaires éloignés de celle-ci.
Comment préserver l’identité sépharade dans le monde moderne dans lequel nous vivons? C’est une question profonde qui taraude beaucoup d’entre nous. C’est pourquoi je veux entreprendre une large consultation à ce sujet. Mettre sur pied des groupes de réflexion auxquels seront conviés des membres de notre communauté appartenant à différentes catégories d’âge. Leurs points de vue, surtout celui de nos de jeunes, sur cet enjeu crucial sont très importants pour nous.
La relève est capitale à vos yeux.
Oui, elle est vitale pour assurer la pérennité de notre communauté. Nous allons relancer prochainement le programme de formation du leadership, mis sur pied par ma prédécesseure, Karen Aflalo. Je me réjouis de la présence de plusieurs jeunes adultes dans le nouveau CA. Une relève ça se prépare. Objectif : outiller et former nos jeunes pour qu’à leur tour ils puissent assumer des responsabilités de leadership dans les affaires communautaires. Notre rôle en tant que communauté sépharade est d’attiser la flamme qui sommeille chez nos jeunes et la maintenir allumée de génération en génération.
Quelle place et quel rôle souhaitez-vous conférer aux constituantes de la CSUQ?
L’intégration et la valorisation de nos constituantes sont une grande priorité pour moi. Étant moi-même issue d’une des constituantes de la CSUQ, l’École Maïmonide, je comprends à quel point l’implication, la participation et la valorisation de celles-ci sont importantes. C’est un partenariat fondamental pour renforcer l’unité de notre communauté. Chacune de nos constituantes représente un secteur de notre communauté ou un kahal. À travers elles, nous pouvons être à l’écoute de l’ensemble de notre communauté, diffuser les programmes de la CSUQ et, vice-versa, promouvoir et soutenir les leurs. Nos constituantes sont l’actif le plus précieux de la CSUQ, nous devons les valoriser. Je souhaite renforcer leur place et leur rôle au sein des instances décisionnelles de la CSUQ et favoriser ainsi une collaboration plus étroite.
Quel est le profil du nouveau CA de la CSUQ?
Notre CA doit être représentatif de toute notre communauté. C’est pouquoi des représentants de nos constituantes siègent aux côtés des membres élus de celui-ci. Ces bénévoles remarquables, chacun avec ses compétences et son expérience communautaire, m’épauleront dans mes nouvelles fonctions. Le nouveau CA compte de jeunes adultes qui joueront un rôle majeur au chapitre de la relève, primordiale pour moi. Notre CA est un microcosme du pluralisme et du dynamisme de notre communauté.
Vous souhaitez desservir aussi des groupes d’âge négligés jusqu’ici.
Oui. Durant sa présidence, Karen Aflalo a mis sur pied un comité constitué de jeunes adultes qui avait pour mandat d’identifier les attentes et les besoins des jeunes et des jeunes familles de notre communauté. Pour donner suite à cette démarche, un nouveau programme, Jeunes familles-Jeunes entrepreneurs, a été créé, il est présidé par David Ohayon.
Je constate toutefois que certains groupes d’âge ont été quelque peu négligés, particulièrement les 14-17 ans et les 40-55 ans, non seulement dans les différents programmes offerts par la CSUQ, mais aussi par les autres organismes communautaires. Je pense qu’il est important que la CSUQ intervienne dans toutes les sphères de la vie communautaire sépharade. Elle se doit de servir toutes les générations.
Pourquoi le Dossier « Immigration » fait-il partie de vos principaux objectifs?
L’immigration est un dossier important. La CSUQ est bien outillée et a le savoir-faire nécessaire pour accueillir, orienter et soutenir les nouveaux arrivants provenant de pays francophones. Je suis consciente que les moments ardus que notre communauté traverse actuellement à Montréal, notamment la recrudescence des actes antisémites, font que le contexte est moins favorable pour attirer de nouveaux immigrants juifs. Mais dès que la situation sera moins tendue B.H., nous devrions mettre en place un programme pour attirer et accueillir de nouveaux immigrants, pas seulement sépharades, mais aussi francophones.
Avez-vous un message à transmettre à notre communauté?
C’est un énorme honneur pour moi d’avoir votre confiance et votre précieux appui. Je suis la troisième femme dans l’histoire de la CSUQ à assumer la fonction de présidente et à avoir l’auguste privilège de représenter la communauté qui a contribué à former la femme sépharade que je suis aujourd’hui. Je suis très fière de mes racines et de mon identité sépharades.
Tout cela n’aurait pas été possible sans les encouragements et l’appui inconditionnel de ma famille. Je tiens à remercier mon époux, David Bouzaglo, mes enfants, Olivia, Léa et Ness, les autres membres de ma famille et mes amis qui m’ont fortement encouragée à relever ce nouveau défi dans ma vie. Dans le livre Chroniques des présidents de la Communauté sépharade, vingt-deux présidents ont relaté la genèse et l’histoire de la CSUQ. Ensemble, nous continuerons à écrire les autres chapitres de la magnifique histoire de notre communauté.