De la musique dans le houmous
Shai Haddad est fou de houmous. Il avoue en manger tous les jours, en a goûté des centaines – avec de l’ail ou sans, avec plus ou moins de citron, et même à base de beurre comme en Turquie –, et il est convaincu que c’est un des grands cadeaux du Moyen-Orient. Alors ce grand bonheur des papilles, il a eu envie de le partager. Et il y a quelques mois, il a repéré un vieux dépanneur de Ville-Émard qui cessait son activité, l’a totalement rénové et y a installé les cuisines de Baba Hummus – babahummus.com –, le joli petit atelier-épicerie frais et accueillant où sont travaillés avec soin pois chiche et tahini, comme harissa tunisienne (selon la stricte recette de sa grand-mère paternelle!), shoom (des copeaux d’ail dorés) et schug (la sauce épicée yéménite).
Le résultat? Son mets fin et goûteux, riche en saveurs et crémeux à souhait fait des heureux et est rapidement en train de faire son chemin dans les épiceries fines de la métropole. Baba Hummus n’a que quelques mois, mais a déjà conquis une bonne trentaine de hauts lieux gastronomiques – la fromagerie Atwater, Fraîchement Bon, L’Avant Goût, Milano, À la table by Hanna… Les commandes en ligne affluent aussi et le dimanche, des voisins de ce quartier populaire du Sud-Ouest poussent la porte pour s’installer aux deux grandes tables de bois de l’entrée et déguster un bon bol de houmous ou une tasse de café turc à l’eau de fleur d’oranger.
« En toute simplicité, comme on le fait chez un ami », dit Shai.
Au milieu d’une belle variété d’huiles d’olive et des appétissants pains de Pita Royale.
Car cet homme chaleureux qui n’est nul autre que le fils de Guy Haddad, l’une des voix familières de Radio Shalom, dont le visage règne en logo sur tous les produits de l’atelier (après tout, Baba c’est Papa!), sait très bien à quoi il carbure : à l’amour du bon et à la qualité irréprochable de ses ingrédients. Il se rappelle encore très bien ce jour pas si lointain où, après moult essais-erreurs, il a enfin retrouvé – Eurêka! – le subtil mariage de pois chiches, d’eau, de tahini et d’épices du houmous dont il se délectait déjà enfant à Haïfa où il est né et avec lequel il a grandi.
« J’avais trouvé et j’étais si ému que j’en ai eu des larmes de joie! »
À terre, de grands sacs de légumineuses sèches attendent sagement leur tour : il faut choisir de très beaux pois chiches, insiste Shai, et évidemment pas ceux en conserve qui éviteraient certes deux jours de travail à l’équipe mais donneraient un désagréable goût de métal au tout. Le tahini aussi doit être d’une qualité irréprochable – le meilleur sésame rôti pour le houmous provient selon lui d’Éthiopie ou du Soudan. Puis, comme dans le secret de toutes les marmites, tout est affaire de patience, de bons gestes et de temps…
Avec sa jolie petite épicerie gourmande, Shai a donné un visage à son entreprise. Et puis, comme il le dit joliment : « C’est un petit magasin un peu égoïste car on y trouve les trucs que moi j’aime. Dans la vie, je ne fais que ce que j’aime et j’ai toujours fait à ma tête : quand je me sens bien dans quelque chose, je fonce! D’ailleurs je suis sûr que quand on fait ce qu’on aime et qu’on le partage, les gens le sentent et te le rendent. »
C’était déjà comme ça quand, après ses études de marketing à l’Université Concordia, Shai a quitté Montréal pour Tel-Aviv, d’où il a tourné avec succès pendant dix ans avec le groupe israélien de rap et hip-hop Tact Family.
« Ça été un grand kif, dit-il, moi j’écrivais les textes et je chantais. Et puis la famille et Montréal ont commencé à me manquer, alors je suis rentré. »
À peine né, Baba Hummus est bien parti, mais fidèle à ses convictions, Shai ne se prend pas la tête pour autant. Il continue de gérer à plein temps des boîtes de start-up en technologie. Et même s’il adore faire la cuisine et pourrait aisément se diversifier dans toutes sortes de recettes, il a la ferme intention de s’en tenir à son houmous… mais il tient à ce qu’il soit le meilleur! Et de sa passion, il peut en parler pendant des heures.
« Pas d’Organismes génétiquement modifiés (OGM), pas d’agents conservateurs, ni huile de canola ni ail : c’est un produit propre et pur et entièrement casher ! »
Fermé, son houmous maison peut se conserver trois bonnes semaines, mais une fois ouvert, il ne résiste que trois jours.
« Ce qui est beaucoup, car on l’aura largement terminé avant ! » assure-t-il en riant.
Crédit photo : © Shai Haddad
