MOT DU PRÉSIDENT MARS 2022

Hon. Jacques Saada

 

 

 

 

 

 

« La déformation ou l’oubli de l’histoire sont les instruments privilégiés de la perte d’identité et de l’assimilation. »

Chers membres de notre communauté,
Tout doit finir un jour. Pour la dernière fois donc, je signe le mot du président du LVS/La Voix Sépharade. Dans quelques semaines, mon mandat se terminera et l’heure sera aux bilans. Je vous les présenterai en temps et lieu avec beaucoup de fierté. Ensemble, nous avons accompli beaucoup. Mais pour l’instant, je me concentrerai sur le dossier spécial que nous vous offrons sur l’histoire sépharade et sur le lien évident entre l’histoire et l’identité.
Dès que l’on évoque les questions identitaires, on pense à l’exclusion et au rejet de l’autre. Nous ne sommes en mal ni d’exemples ni de démagogues populistes qui cherchent à exploiter l’identité comme une valeur que les « autres » cherchent à corrompre.
Dans les pays sous influence française, nous apprenions : « Nos ancêtres, les Gaulois ». Cela nous faisait parfois sourire de penser à Vercingétorix en train de réciter le Shema Israël ou de déguster un couscous. Pourquoi le colonisateur français tenait-il tant à nous convaincre que les Gaulois étaient nos ancêtres? Tout simplement parce que l’histoire définit l’identité. Et que pour être français, il fallait donc descendre des druides. Un thème que certains populistes tentent encore d’exploiter aujourd’hui, mais nous garderons cette discussion pour une autre fois. La déformation ou l’oubli de l’histoire sont les instruments privilégiés de la perte d’identité et de l’assimilation. Parlons-en aux autochtones de la planète. Parlons-en à ceux dont la langue a aujourd’hui disparu. Nous évoquons souvent notre fierté d’être sépharades. Mais nous craignons que les nouvelles générations nord-américaines, qui ne parlent plus l’arabe ou le ladino et qui ne voient les pays de leurs ancêtres que par les yeux de leurs parents, perdent cette fierté.
Quant à moi, cela ne signale pas nécessairement une perte d’identité, mais une évolution. Une évolution d’autant plus sereine qu’elle s’appuiera sur une histoire riche que nous avons le devoir d’enseigner. Pris dans le quotidien de nos vies, nous ne prenons pas toujours le temps d’évoquer, de raconter ou d’apprendre cette histoire. Parfois submergées par l’abondance toujours plus grande de la matière à enseigner, nos écoles juives ne trouvent pas toujours le temps de mettre en lumière notre histoire sépharade, une histoire pourtant si riche. Tout au plus connaît-on le nom de Maïmonide ou a-t-on entendu parler de l’Inquisition. Mais qu’en est-il de nos grands penseurs et de nos sages? Que signifiait-il d’être un dhimmi? Que sait-on de l’exil des Juifs de pays arabes et d’Iran? Que sait-on de la façon dont les Sépharades ont vécu la Shoah et que sait-on de ces « justes » arabes qui ne sont pas encore reconnus comme tels à Yad Vashem? Que sait-on de ces Sépharades qui, au cours des ans, se sont illustrés dans toutes les sphères de l’activité humaine? Que sait-on de leur apport à Israël? Que sait-on des grands communautaires qui, contre vents et marées, ont permis l’existence d’une communauté sépharade vibrante ici même, au Canada, à Montréal?
Ces préoccupations ont amené la CSUQ à inscrire l’enseignement de l’histoire du sépharadisme dans notre plan stratégique 2021-2026. D’où le thème de notre dossier spécial « L’histoire sépharade : des trésors trop bien cachés ». La publication de ce numéro de La Voix Sépharade sera d’ailleurs suivie d’un colloque portant sur l’enseignement de l’histoire sépharade dans les écoles juives de Montréal et d’ailleurs.
Sur un autre plan, depuis maintenant près de deux ans, nous travaillons sur le dossier de la cacherout. Nous avons consacré d’énormes énergies à tenter de convaincre le Vaad Ha’ir de l’injustice apparente qu’il fait directement ou indirectement subir à notre communauté. Peine perdue. La grande question est désormais de savoir jusqu’où nos rabbins seront prêts à aller pour signifier au Vaad Ha’ir que la page de sa mainmise sur la cacherout et de son manque de transparence et d’imputabilité doit être tournée. Jusqu’où les Sépharades seront-ils prêts à aller pour que leurs contributions à la cacherout se traduisent par des retombées communautaires justes, notamment en matière de hessed? Jusqu’où les investisseurs sépharades seront-ils prêts à aller pour monter des structures qui échappent à l’hégémonie du Vaad Ha’ir? C’est ce que les prochains mois nous permettront de mesurer.
Enfin, il est important de rappeler que l’année 2022 est une année électorale pour la CSUQ. Un nouveau conseil devra être élu au sein duquel des sièges ont été réservés pour des jeunes et pour des femmes. Ce conseil se dotera d’un nouveau président ou d’une nouvelle présidente. Je vous invite à suivre les informations que nous vous transmettrons au cours des prochaines semaines en espérant que vous participerez aux processus qui font vivre notre démocratie. La CSUQ vous appartient. Elle a besoin que vous contribuiez activement à son avenir. Elle compte sur vous.
Au nom de toute l’équipe de la Communauté sépharade unifiée du Québec, une équipe dont je suis très fier, je vous souhaite Hag Pessah Sameah.

.Hon. Jacques Saada,
Président, CSUQ

saadaj@videotron.ca

Top