Albert Bourla, Pfizer et le vaccin anti-COVID

PAR Annie Ousset Krief

Annie Ousset-Krief

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Albert Bourla

Son nom était inconnu du grand public jusqu’alors, mais l’épidémie du coronavirus et la course au vaccin qui s’en est suivi l’ont propulsé sur le devant de la scène : Albert Bourla, directeur général des laboratoires Pfizer, peut s’enorgueillir d’avoir produit le premier vaccin anti-Covid en un temps record. Prouesse scientifique s’il en est, accentuée par la nature même de ce vaccin d’un nouveau type : alors que la vaccination traditionnelle consiste en l’injection d’un virus inactivé (ou atténué) pour que le corps apprenne à se défendre, le vaccin à ARN messager 1 est sans agents infectieux, et est basé sur l’injection d’un ARN messager synthétique qui déclenchera une réponse immunitaire sous la forme d’anticorps. Cette technique est beaucoup plus rapide que celle du vaccin classique : le fragment d’ADN peut être synthétisé en quelques semaines seulement et dupliqué ensuite à des milliards d’exemplaires. Le monde entier pourra bénéficier de cette innovation lancée par Pfizer en collaboration avec l’entreprise allemande BioNTech – une lueur d’espoir après des mois de détresse.

Mais qui est Albert Bourla?

Il est né il y a 59 ans dans une famille juive de Thessalonique, l’ancienne « Jérusalem des Balkans ». Ses parents étaient parmi les rares Juifs à avoir survécu aux atrocités nazies. Médecin vétérinaire, titulaire d’un doctorat en biotechnologie de la reproduction de la Faculté de médecine vétérinaire de l’université Aristote de Thessalonique, il travaille pour la firme Pfizer dès 1993, comme directeur technique de la Division santé animale en Grèce. Deux ans plus tard, il est envoyé à Bruxelles. C’est le début d’une brillante carrière internationale qui le propulsera au sommet. Il s’installe aux États-Unis en 2001, où il occupe des postes de direction au sein des différentes divisions du groupe. En 2018, il est promu au poste de directeur des Opérations, dernière étape avant de devenir le directeur général de la société le 1er janvier 2019, une position qu’il décrivait ainsi : « Le poste de PDG, c’est beaucoup plus que la gestion d’une entreprise, il s’agit de dessiner la carte mondiale de la santé publique, prendre des décisions qui ont le potentiel de changer de manière significative des vies humaines 2. »

Scientifique et homme d’affaires, cet homme au parcours hors du commun accompagne depuis plus de 25 ans Pfizer dans sa croissance mondiale, et le lancement du vaccin contre la COVID-19 est l’ultime victoire de cette entreprise, leader de l’industrie pharmaceutique.
Seule ombre au tableau : des réactions antisémites dans son propre pays. Le journal grec Makeleio, dans son édition du 10 novembre 2020, l’a même comparé au criminel nazi Mengele et a décrit le vaccin comme un poison : « Un vétérinaire juif plantera l’aiguille! Compte à rebours de la terreur pour le vaccin obligatoire 3. » L’éditeur du journal avait déjà été condamné le mois précédent pour discours de haine contre le président de la communauté juive d’Athènes. Albert Bourla a conservé des liens très forts avec la Grèce. Il possède d’ailleurs une maison à Thessalonique. En avril 2019, le Prix Galien Grèce 4 l’a récompensé du titre de « Distinguished Greek Leader », saluant « son œuvre immense et son leadership, qui promeut notre pays aux quatre coins du monde 5. » Bourla est très attaché à ses origines juives, un lien que soulignait le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou : Israël avait très tôt entamé des négociations avec Pfizer pour obtenir des doses de vaccins dès sa commercialisation. Un accord a été passé pour 8 millions de doses. Benjamin Netanyahou s’était entretenu personnellement avec Albert Bourla. Il avait rapporté une « conversation très chaleureuse », et révélé qu’Albert Bourla était « très fier de ses origines juives de Salonique » et « très heureux des excellentes relations qui règnent entre Israël et la Grèce 6. » De fait, sitôt le vaccin homologué par la FDA 7, Israël a entamé sa campagne de vaccination. Au 30 décembre, 4 % de sa population était déjà vaccinée.
Lors de l’allumage des bougies de Hanoukka le 16 décembre 2020 – cérémonie virtuelle organisée par l’ambassade israélienne de Washington – Albert Bourla soulignait le fait que Hanoukka était « l’histoire de l’impossible qui devient possible » et ajoutait, « nous célébrons à la fois l’incroyable esprit humain et la détermination qu’il a fallu pour créer le vaccin contre la COVID-19 et la façon dont ces efforts ont rendu possible l’impossible – mettre au point un vaccin si rapidement 8. »

Notes:

  1. ARN : acide ribonucléique, fragment de l’ADN qui contient une partie des informations génétiques. Ce
    vaccin est une thérapie génique.
  2. .https://www.tahiti-infos.com/Le-patron-grec-de-Pfizer-ambitionne-de-dessiner-la-carte-mondiale-dela-sante-publique_a196272.html
  3. https://fr.timesofisrael.com/un-journal-grec-compare-le-pdg-juif-de-pfizer-au-docteur-nazi-josef-mengele/
  4. Le Prix Galien a été créé en 1970 en France pour récompenser des travaux de recherche en santé et
    innovations thérapeutiques. C’est la plus grande distinction mondiale en recherche pharmaceutique. De
    nombreux pays (dont la Grèce en 2013) ont suivi l’initiative française et créé leur propre prix Galien.
  5. https://www.prixgalien.gr/en/awarding-categories-honorary-awards/
  6. https://lphinfo.com/netanyahou-obtient-une-faveur-du-pdg-de-pfizer/
  7. .FDA: Food and Drug Administration. Administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments,chargée, entre autres, d’autoriser la commercialisation des médicaments aux États-Unis.
  8. https://fr.timesofisrael.com/le-pdg-de-pfizer-fils-de-survivants-de-la-shoah-allume-les-bougies-de-hanoukka/
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