Michael Benarroch prend les rênes de l’Université du Manitoba

PAR Sylvie Halpern



L’économiste s’est hissé au sommet de la plus grande université de la province. Une longue route depuis Tanger, au cœur d’une communauté mur à mur ashkénaze.

Le 1er juillet prochain, Michael Benarroch prendra officiellement en main la destinée d’une auguste dame de 142 ans en plein cœur de Winnipeg, la ville dans laquelle il a débarqué du Maroc à l’âge de trois ans, avec ses parents et ses deux grands frères jumeaux. C’était en 1963, il faisait très froid, et la communauté originaire d’Europe centrale – dont beaucoup de descendants de Juifs de Russie qui étaient venus se réfugier dans cette contrée inhospitalière pour fuir les persécutions tsaristes – a regardé avec étonnement ces Juifs d’un autre type venus d’ailleurs. Curieux…

Pourtant, dans ce bout du monde, les Benarroch ont tenu bon, s’intégrant de leur mieux aux synagogues ashkénazes de la ville et réservant leurs traditions sépharades à la maison : « Mon père a toujours su prier selon les deux rites, raconte Michael Benarroch, mais évidemment, ce sont les rites sépharades qu’il a transmis à mes deux fils quand ils ont fait leur bar-mitzva… Oui, nous avons grandi au milieu des Askhkénazes et je crois que c’est toujours largement le cas. Au fil du temps, des Sépharades ont essayé de s’installer ici, mais il n’y en a pas beaucoup qui sont restés. » Même si depuis une dizaine d’années, des Juifs venus d’Argentine sont venus un peu diversifier la communauté des quelque 15 000 Juifs de Winnipeg et qu’avec l’espagnol, ils ont apporté du soleil, sur le plan du rituel ils sont eux aussi tout autant ashkénazes.
Grâce aux contacts d’un beau-frère déjà installé à Winnipeg, le père de Michael avait pu devenir le sho’het (l’abatteur rituel) de la communauté et il l’est longtemps resté. Bien sûr, originaire de Tanger, il ne parlait que l’espagnol et vaguement le français; quant à l’anglais, il le baragouinait avec un drôle d’accent. Mais comme le temps a fait son œuvre et que les fils Benarroch et leurs cousins se sont peu à peu mis à cumuler les diplômes et les postes prestigieux, les regards portés sur eux par leurs coreligionnaires ont imperceptiblement commencé à changer…
Aujourd’hui, les deux frères aînés de Michael Benarroch sont devenus rabbins : l’un, Joseph, fait la navette entre Israël et le Manitoba; l’autre, Yamin, est bien connu des Montréalais puisqu’il dirige les études juives à l’École Maïmonide. Quant à Michael, lui, il est devenu un brillant économiste spécialisé en commerce et traités internationaux (comme l’ALENA) et à partir de 1989, il en a abondamment enseigné les rouages pendant des années à l’Université de Winnipeg.
En fait, pour lui cette université de Winnipeg a été son alma mater : c’est la plus petite des deux universités de la ville, celle-là même où il avait obtenu son premier diplôme avant de poursuivre ses études pour une maîtrise à l’Université Western et jusqu’au doctorat à l’Université Carleton, à Ottawa. Et c’est lui qui en a créé la faculté d’administration. Mais il faut toujours aller plus loin, plus haut… Michael Benarroch était déjà devenu doyen de la Asper School of Business de l’université du Manitoba, où il s’est notamment beaucoup investi pour développer des programmes spécifiquement destinés aux étudiants d’origine autochtone – une population longtemps méprisée et nombreuse dans cette province de l’Ouest canadien – quand en 2017, on lui a offert de s’exiler pour un pont d’or en Ontario, comme vice-président de l’Université Ryerson de Toronto.
Mais là, Michael Benarroch vient de se faire offrir un poste encore plus prestigieux. Et il est heureux à la perspective de rentrer bientôt chez lui, au Manitoba, de retrouver les siens dans la ville où il a grandi – notamment son jeune frère, le seul de la fratrie né en terre canadienne, qui dirige les Services juifs à la famille et à l’enfant de Winnipeg. Et puis son champion de basket-ball, Keenan, son fils qui faisait partie de l’équipe canadienne masculine qui a remporté en 2016 la médaille d’or aux Jeux Maccabi de Santiago, au Chili.

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