RENCONTRE AVEC ARIELLE DI PORTO de l’Agence Juive

PAR ESTHER BIBAS

Ses fonctions la font voyager partout au monde : entre des passages à New York et Nashville où elle était invitée par les fédérations juives d’Amérique du Nord, Arielle Di Porto, directrice des services de l’alyah pour l’Agence Juive pour Israël, était à Montréal pour donner une conférence dans le cadre de la Campagne de la Philanthropie des Femmes de la Fédération CJA. Elle a accepté de nous rencontrer pour nous parler de son rôle au sein de l’Agence Juive.

L’Agence Juive pour Israël est une organisation non gouvernementale, créée en 1929 pour aider des Juifs de diaspora à l’alyah, l’immigration en terre d’Israël et à leur intégration. Elle a ainsi facilité l’immigration de plus de trois millions de Juifs. Après la fondation de l’État d’Israël, l’Agence Juive a aidé des centaines de milliers de Juifs originaires de pays en conflit avec Israël. Son rôle a donc été crucial pour des communautés diasporiques telles les communautés yéménite, irakienne ou russe. Aujourd’hui encore, l’Agence Juive joue un rôle fondamental dans le processus d’immigration, puisqu’elle est chargée de vérifier l’admissibilité des personnes à faire leur alyah, en conformité avec la Loi du Retour. Et au-delà de l’immigration, l’Agence Juive s’établit comme un trait d’union essentiel entre Israël et les Juifs de diaspora, avec pour mission de « faire en sorte que chaque Juif soit relié à Israël, peu importe où il se trouve dans le monde, afin qu’il puisse continuer à jouer un rôle majeur dans l’histoire du peuple juif 1. »

Arielle Di Porto évoque avec passion son travail, ou plutôt « sa mission », m’explique-t-elle. Car ce qu’elle accomplit depuis trente ans au sein de l’Agence Juive, « c’est au-delà d’un travail. Premièrement, je suis sioniste. Deuxièmement, je dois beaucoup à l’État d’Israël. Troisièmement, je pense que mon devoir est d’aider les autres Juifs, d’en sauver certains, et de les aider à s’intégrer en Israël. »

Sioniste, en effet. Elle a grandi au Maroc et revendique fièrement son identité de Juive marocaine – son identité première, ses origines. Après son baccalauréat, elle part étudier les mathématiques et l’arabe littéraire à Jérusalem.  Elle s’installe ensuite en Italie en 1985,  avant de faire officiellement son alyah en 1993. Ses fortes convictions sionistes la poussent à fonder à Rome un mouvement de jeunesse. C’est ainsi que l’Agence Juive l’a contactée et lui a demandé de travailler avec elle. C’est le début de ce qu’elle nomme « une love story » avec l’alyah et l’Agence Juive. Elle s’est d’abord occupée depuis l’Italie de l’alyah des Juifs d’Union soviétique (qui étaient en transit à Rome, avant de rejoindre les États-Unis ou Israël), puis des Juifs d’Albanie, une petite communauté de 350 personnes, qui souhaitaient émigrer en Israël, mais en avaient été empêchés par le régime communiste. Arielle Di Porto parle de son immense satisfaction – et même du privilège – d’avoir pu apporter cette aide aux communautés en difficulté.

Elle est aujourd’hui responsable de l’alyah pour les Amériques et l’Europe. La France représente la plus grosse source d’immigration. C’est une alyah qui oscille entre alyah de détresse et alyah de choix, dit-elle. Au début des années 2000, environ 1 500 personnes partaient chaque année. Mais après les attentats de 2012 et 2015, l’alyah a connu une forte augmentation : 7 000 olim en 2014 et 8 000 en 2015. Présentement, elle s’est stabilisée à environ 2 200 personnes par an. C’est une moyenne proportionnellement élevée, pour une communauté qui compte environ 500 000 personnes. Attentats, antisémitisme, les craintes multipliées poussent nombre de Juifs français à s’installer en Israël. Mais ils sont également très sionistes et très attachés à Israël. C’est donc une alyah qui vraisemblablement augmentera dans l’avenir.

Comparativement, l’alyah d’Angleterre reste très limitée : 600 olim par an en moyenne. C’est donc une alyah de choix, même si les dernières années marquent un accroissement des inquiétudes face à un nouvel antisémitisme. Alyah de choix également pour les États-Unis et le Canada : entre 350 et 400 olim canadiens par an, et environ 3 000 Américains. Ces chiffres restent stables depuis une dizaine d’années. Arielle Di Porto note que c’est une alyah très motivée, composée de beaucoup de jeunes, souvent religieux, des professions libérales aussi. Leur préférence va vers Jérusalem, alors que les Français s’installent plutôt à Netanya et Tel Aviv. L’alyah mondiale représente plus de 30 000 personnes par an, dont un tiers est russe. L’Ukraine est également une composante forte avec environ 5 000 olim.

L’Agence Juive propose de nombreuses aides, sous la forme de salons de l’alyah, de séminaires, où les personnes intéressées peuvent s’informer, être conseillées et guidées. Des oulpanim sont également organisés en partenariat avec l’Organisation sioniste mondiale. Car l’intégration en Israël fait aussi partie des tâches à accomplir, et l’Agence Juive intervient régulièrement auprès du gouvernement israélien pour notamment améliorer les conditions d’insertion professionnelle. La question de la reconnaissance des diplômes et de l’expérience professionnelle est fondamentale, et Arielle Di Porto note avec satisfaction les améliorations obtenues grâce à leur lobbying auprès du gouvernement. Les obstacles ne semblent pas impressionner cette femme de convictions, dévouée à sa tâche, remarquable par son enthousiasme et sa fidélité à l’idéal sioniste, et prête à relever tous les défis.

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