Le Perek Chira : Chant de la Création. Entretien avec le rabbin Samuel Mellul

Dr Sonia Sarah LIPSYC

Sonia Sarah Lipsyc

Samuel Mellul, directeur de l’Académie Yéchiva Yavne et Rabbin de la Congrégation de la C.S.U.Q., a accepté de répondre à nos questions au sujet de ce texte quelque peu méconnu que pourtant certains et certaines lisent régulièrement.

Que contient le Perek Chira?

Le Perek Chira est un recueil de versets de la Bible qui donne la parole en six chapitres à la Création. Les corps célestes, la nature, le monde végétal et animal louent ainsi la création par Dieu de l’univers. Par exemple, les cieux proclament : « Les cieux racontent la Gloire de Dieu et le firmament proclame l’oeuvre de ses mains » (Psaume 19; 2). La figue dit : « Celui qui veille sur le figuier jouira de ses fruits » (Proverbes 27,18). Le criquet s’exclame : « Je lève les yeux vers les montagnes pour voir d’où me viendra le secours » (Psaume 121; 1). Ce texte emprunte le plus souvent aux Psaumes, mais aussi à la Torah, aux prophètes et autres écrits des Hagiographes, la troisième partie de la Bible hébraïque.

Qui a composé le Perek Chira?

La tradition juive attribue au Roi David et à son fils le Roi Salomon, la composition de ce texte. Le Midrach (Ruth Rabba 1:17), ce texte du corpus rabbinique, avance même que le père et le fils connaissaient le langage des animaux. D’ailleurs, un autre Midrach (Yalkout Chimoni Tehillim, 889) nous raconte dans quelles circonstances, le Perek Chira aurait été composé. Lorsque David, roi d’Israël, eut terminé la rédaction des Psaumes, il ressentit une grande exaltation et dit devant le Saint béni soit-il : « Existe-t-il au monde un être créé qui dise des chants et des louanges mieux que moi? » Alors une grenouille se présenta et lui dit : « David, ton exaltation est sans objet, car je sais mieux que toi chanter et célébrer Dieu! (…) ». Donc ces deux rois d’Israël mirent en quelque sorte leur plume au service de la Création et des créatures afin de célébrer l’Éternel. La première édition du Perek Chira date du 16e siècle et fut imprimée à Venise, avec un commentaire de Moïse de Trani, dit le Mabit (1505-1585), dans son livre Bet Elokhim. Cependant, le Perek Chira est mentionné dès le 10e siècle dans la liturgie des mondes sépharade, mizrahi (Moyen-Orient) et ashkénaze.

Dans quelles circonstances lit-on le Perek Chira?

Le Mabit avance dans son ouvrage que la lecture du Perek Chira serait plus puissante que celle des Psaumes. Il s’agirait d’une « segoula », c’est-à-dire d’une lecture particulière dont la récitation serait appropriée pour de nombreuses demandes. Le rabbin contemporain, Mordechai Gross (shlita) de Bne Berak en Israël, écrit, par exemple, que cette segoula, celle de dire Perek Chira, monte aux plus hauts lieux du ciel pour recevoir une abondance de bénédictions et de bonté, pour soigner les maladies et se protéger des blessures ou autres événements néfastes. Cette segoula aiderait également grandement pour avoir des enfants, pour améliorer sa vie et ses moyens de subsistance (parnassa). On dit même que réciter le Perek Chira pendant 40 jours consécutifs aurait notamment une influence pour trouver son conjoint ou sa conjointe.

Il me semble qu’il faut dire Perek Chira le matin lorsque nous profitons nous-mêmes du renouveau de la création. Selon la tradition juive mystique, il y aurait un mérite dans ce monde-ci et dans le monde futur pour celui ou celle qui lirait le Perek Chira? En effet, l’une des grandes figures de la Kabbale, Rabbi Isaac Louria Ashkénazi (16e siècle) insiste beaucoup sur le fait de le dire chaque jour. Et déjà le philosophe juif du Moyen Âge, Joseph Albo, écrivait que tout celui qui lit le Perek Chira est assuré d’avoir une place dans le monde futur 1.

Mais quelle force attribuez-vous à cette lecture dans le cadre d’une conscience écologique?

Le Perek Chira fait parler quatre-vingt-cinq « protagonistes » de la Création depuis les corps célestes jusqu’au règne végétal qui exprime chacun un son particulier dans l’univers. En le récitant ne deviendrait-on pas comme un chef d’orchestre qui loue la Création de Dieu? Cette récitation nous inciterait au respect de notre environnement et pourquoi pas d’un point de vue mystique participerait à la préservation de celui-ci.

Notes:

  1. Voir Bacher Wilehlm et Eisenstien Judah David, « Shirah, Perek (Priké) » dans Jewish Encyclopedia
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