LE CHANTRE YEHUDA ABITTAN : UNE VOIX D’OR SÉPHARADE

PAR SYLVIE HALPERN

Sylvie Halpern

Sylvie Halpern a été toute sa vie journaliste en presse magazine. Elle a créé Mémoire vive, une entreprise de rédaction d’histoires de vie en publication privée.

Ses envolées nous ont émerveillés pendant 35 ans. Et même si le hazzan Yehuda s’éloigne de la Spanish, le rabbin Abittan ne s’arrêtera jamais de chanter.

Enrico Macias! Ou bien des pyiutim, des poèmes liturgiques. Ou encore les mélodies de Samy Elmaghribi, qu’il écoutait au Maroc. Déjà quand il a entamé sa formation rabbinique à Cleveland, puis à Chicago, Yehuda Abittan chantait tout le temps. Et ses copains le lui disaient tous, en l’entendant au dortoir ou dans l’escalier : « Yehuda, tu as une voix d’or! » Alors, depuis ses 17 ans, le rabbin Abittan ne s’est plus arrêté : pour Shabbat, pour les Fêtes, à toutes les occasions, ici et là et partout. Jusqu’à Montréal où il a débarqué en 1980 et s’est si naturellement retrouvé, quatre ans plus tard, hazzan (chantre) de la magnifique Spanish & Portuguese, relayant Salomon Amzallag, c’est-à-dire le célèbre Samy Elmaghribi de sa jeunesse, son maître et mentor.

Il pensait que cela durerait quatre ou cinq ans, le temps de finir ses études. Sauf que l’amour de la communauté et la passion pour ce qui est devenu bien plus qu’un métier ont fait leur œuvre : Yehuda Abittan est resté fidèle à la Spanish pendant plus de 35 ans. Et la Spanish à lui… Parce que ce charmant monsieur, doux et modeste est un homme-orchestre à lui tout seul. Chez lui, le hazzan qui projette sa voix a toujours su laisser la place au rabbin qui sait écouter, qui s’effaçait au besoin devant le moel, le circonciseur, l’enseignant, ou le poète. Est-ce qu’un hazzan chante encore mieux quand il est rabbin? « Ça aide énormément, dit-il, ça va ensemble! C’est bien de bien chanter, mais c’est encore mieux de pouvoir expliquer ce qu’on chante! »

Yehuda Abittan a toujours été conscient de son rôle de shaliah tsibour (de messager d’une congrégation). Et quasiment obsédé par la préservation des traditions liturgiques sépharades : il a d’ailleurs reçu en 2010 le prix de la Culture sépharade pour sa ferveur à les garder bien vibrantes. Il a longtemps présidé l’Association des hazzanim sépharades du Québec et si l’on en juge par tous ceux qui sont venus lui rendre hommage le 13 juin dernier à la Spanish, lors d’un gala en son honneur, la relève qu’il a tant travaillé à construire est bien assurée.

D’autres en seraient restés là, mais Yehuda Abittan a en plus fondé, en 2000, le Beit Hamidrash Helwani à la Spanish, et il n’a cessé de s’y investir pour enseigner la beauté et la force de la Torah tous les matins. Sans nostalgie, mais avec émotion, il m’a montré la belle salle d’étude remplie de livres où ses ouvrages ont peut-être trouvé leur place, notamment Zimrat Yehuda (la chanson de Yehuda), son recueil de cinq livres de poésie… Et maintenant? comme disait le Bécaud de sa jeunesse, chanson qu’il a sans doute fredonnée. Est-ce que ce sera l’aliya en Israël – deux de ses quatre enfants vivent d’ailleurs à Jérusalem? Est-ce qu’il écrira d’autres livres, continuera à enseigner? « Il faut donner du temps au temps… Mais une chose est certaine, je vais toujours continuer à chanter! »

 

Et maintenant, notre mini-questionnaire de Proust, à la sauce juive et sépharade!

Parmi tous les textes de la littérature juive, quel est celui qui vous inspire?
Je pense avec force à ce passage bien connu du Talmud où Rabbi Shimon bar Yochaï se cache dans une grotte avec son fils et en ressort douze ans plus tard… avec la Cabbale!

Quelle est, tous siècles confondus, la personnalité du monde juif qui vous a le plus marqué?
D’abord le grand rabbin d’Israël Ovadia Yossef qui a tant marqué le judaïsme sépharade. Et puis Maïmonide, qui était tellement ouvert d’esprit! Et notre ancêtre Abraham qui a su découvrir l’existence de Dieu parmi les idolâtres… Et puis Ben Gourion qui a été visionnaire tout en restant si simple.

Y a-t-il une citation de la culture juive qui vous vient souvent à l’esprit?
Une phrase tirée des Maximes des Pères dans le Talmud dont voici un extrait : « Si je ne suis pas pour moi, qui va l’être? Et si ce n’est pas maintenant, c’est quand?» J’y ai pensé quand j’ai décidé de prendre ma retraite!

Quelle est la fête juive qui vous touche particulièrement?
Pessah, c’est le début de notre existence en tant que peuple. Et en tant que hazzan, Yom Kippour. Ici, à la Spanish, Kol Nidré c’est royal!

Quel est le trait qui vous semble caractéristique de la culture sépharade?
La tradition, aussi bien dans la culture que la nourriture. Nous, à chaque fête, chaque bar mitzvah, chaque mariage, on ajoute du relief pour en faire encore plus!

Après les nourritures spirituelles, la table! Quel est votre plat préféré de la cuisine juive?
La dafina du shabbat. Et évidemment, j’adore les salades marocaines!

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