LE MUSÉE DU JUDAÏSME MAROCAIN DE CASABLANCA

Entrevue avec la conservatrice de cette institution mémorielle, Zhor Rehihil

PAR ELIAS LEVY

Zhor Rehihil

Elias Levy

Elias Levy

Sis à Casablanca, dans les locaux réaménagés d’un ancien orphelinat, le Home d’enfants Murdoch Bengio, le Musée du judaïsme marocain est une exception dans le monde arabo-musulman. C’est l’unique musée juif en terre d’islam. Fondé en 1997 par la communauté juive du Maroc, avec le soutien du ministère marocain de la Culture, cette institution mémorielle est visitée chaque année par des centaines de collégiens et d’universitaires marocains ainsi que par de nombreux touristes provenant des pays arabes du Moyen-Orient. Feu Simon Levy, figure marquante de la communauté juive du Maroc et ancien leader de la gauche marocaine, a été le principal concepteur de ce musée. Zhor Rehihil, conservatrice du Musée du judaïsme marocain, a accordé une entrevue à La Voix sépharade à Marrakech, en marge de la rencontre qui a réuni, en novembre 2018, dans cette ville deux cent cinquante Marocains juifs et musulmans à l’invitation du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME).

Présentez-nous le Musée du judaïsme marocain.

Ce musée témoigne du riche patrimoine culturel, sociohistorique et spirituel de la communauté juive du Maroc. Les visiteurs peuvent admirer des collections d’objets représentatifs de la vie et de la culture judéo-marocaines : objets de culte, habits traditionnels, outillages des métiers archaïques d’antan, livres anciens écrits en hébreu, ouvrages et traités rabbiniques écrits en judéo-arabe — certains datant de plusieurs siècles… Le musée abrite une salle polyvalente, où sont présentés des expositions temporaires de photos et de peintures, des conférences et des films sur le judaïsme marocain, et trois salles qui accueillent une exposition permanente. 

Le musée joue-t-il un rôle éducatif important ?

Absolument. Aujourd’hui, le Musée du judaïsme marocain est une institution incontournable dans le paysage académique marocain. Chaque année, il accueille des centaines d’étudiants universitaires de toutes les facultés du Maroc. Ce sont de jeunes Marocains, de confession musulmane, qui portent un grand intérêt au judaïsme marocain, à tel point qu’ils lui consacrent leurs études et leurs recherches universitaires. Nous devons encourager ces derniers à poursuivre leurs recherches sur le judaïsme marocain. Pour cela, il faut leur octroyer des bourses afin qu’ils continuent leurs études supérieures et leurs recherches dans de grandes universités américaines, anglaises et européennes. Ils pourront ainsi côtoyer des chercheurs américains, anglais, israéliens et européens qui dédient aussi leurs travaux à l’histoire des Juifs du Maroc. Force est de rappeler qu’au Maroc, la recherche dans les domaines de l’histoire, de l’anthropologie et de la sociologie est limitée. Il n’y a pas de départements spécialisés dans la recherche sur le judaïsme marocain. 

Le musée a donc comme mission de faire découvrir aux jeunes Marocains musulmans les diverses facettes du patrimoine culturel juif marocain.

Oui. Les Marocains ont le devoir et la responsabilité de préserver et de transmettre à la nouvelle génération la mémoire et l’histoire des Juifs du Maroc.  La constitution marocaine est très explicite à ce sujet. Elle rappelle que nous avons au Maroc un héritage arabo-musulman et un héritage juif. L’identité juive, la mémoire juive et l’histoire juive ont aussi façonné l’identité marocaine. Ce travail de mémoire est nécessaire pour lutter contre les préjugés antisémites qui sévissent dans la société marocaine. Aujourd’hui, la majorité des jeunes Marocains n’ont jamais rencontré un Juif. À ce chapitre-là, un travail important doit être accompli sur le plan éducatif.

Les manuels scolaires marocains font totalement fi de l’histoire des Juifs du Maroc.

C’est vrai. Il faut pallier cette grande lacune. C’est pourquoi il est impératif que l’histoire du judaïsme marocain soit incorporée dans les manuels scolaires. Ceux-ci ne font aucune mention de l’important héritage culturel et historique juif marocain. Le Musée du judaïsme marocain comble ce vide en remplissant une mission éducative. En effet, à l’école publique, l’histoire du patrimoine culturel juif marocain n’est pas enseignée aux jeunes Marocains. Quand ils visitent notre musée, ces derniers découvrent avec curiosité, et souvent avec stupéfaction, la richesse de cet héritage millénaire.

Avez-vous un message à transmettre aux Juifs marocains vivant à l’étranger ?

Je lance un appel à tous les Marocains de confession juive pour qu’ils soutiennent l’importante mission mémorielle et culturelle remplie par notre musée. Nous les exhortons à nous aider à octroyer des bourses académiques aux étudiants marocains qui dédient leurs études à l’histoire du judaïsme marocain. Ça fait vingt ans que notre musée existe. Il est la voix d’un judaïsme vivace qui est le produit de la belle et grande civilisation arabo-musulmane que le Maroc incarne avec fierté. Dans tous les autres pays arabes, il ne reste quasiment plus rien de l’héritage juif. On a tout détruit.

Au Maroc, il y a encore une petite communauté juive, des synagogues, des cimetières israélites. Nous devons perpétuer l’esprit et le grand particularisme marocains.

 

Le Musée du judaïsme marocain est situé au 81, rue Chasseur-Jules-Gros, Oasis-Casablanca.
011-212-522-99-49-40.
casajewishmuseum@gmail.com
www.jewishmuseumcasa.com/

 

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