ENTREVUE AVEC LES COPRÉSIDENTS DE CETTE CONSULTATION COMMUNAUTAIRE, PASCALE DÉRY ET DANIEL AMAR

PAR ELIAS LEVY

Pascal Déry

Daniel Amar

Elias Levy

Elias Levy

La tenue prochaine des états généraux de la Communauté Sépharade Unifiée du Québec (CSUQ) est certainement un grand défi pour cette institution. Pascale Déry et Daniel Amar sont les coprésidents de cette importante consultation qui sera menée auprès de la communauté sépharade. Au cours d’une entrevue qu’ils ont accordée à La Voix Sépharade, Pascale Déry et Daniel Amar nous ont fait part de leurs vues et de leurs attentes sur cet exercice exigeant, mais fort nécessaire pour redéfinir la mission de la CSUQ.

Quel est le principal objectif des états généraux de la CSUQ ?

Daniel Amar : Ces états généraux sonnent l’heure de vérité. Pour la première fois, les Sépharades de Montréal seront largement consultés au moyen d’un sondage, de focus groups et durant une journée de réflexion à laquelle participeront divers intervenants. Ils pourront ainsi partager leurs visions, leurs ambitions et exprimer leurs attentes, mais également leurs préoccupations en regard de l’avenir de la communauté et de notre institution. On ne pourra plus suspecter la CSUQ d’être sourde aux préoccupations de la communauté sépharade. 

Pascale Déry : Le principal objectif de ces états généraux est de permettre à tous les membres de la communauté sépharade, sans exception, de s’exprimer sans ambages. Nous souhaitons que ces derniers nous fassent part de leurs attentes, de leurs aspirations et qu’ils nous disent avec franchise ce qu’ils pensent réellement de la CSUQ actuelle et comment ils envisagent son avenir. Cet exercice de consultation ne sera pas réservé qu’à un groupe restreint. Nous tenons absolument à ce que toute la communauté sépharade se prononce sur des questions qui la concernent grandement. C’est un grand défi à relever, car je suis consciente à quel point ce sera difficile de faire réagir la communauté sépharade et de la convaincre de s’exprimer par le truchement d’un sondage. Nous allons travailler tous très fort pour y arriver. 

Ces états généraux seront donc l’occasion de faire le point sur les principaux défis auxquels la CSUQ fait face.

D. Amar : La CSUQ fait face aujourd’hui à cinq défis majeurs :

1 – Une crise d’identité. Quelle est la mission de la CSUQ, sa raison d’être, son cœur de métier ?

2 – Une faible attractivité confirmée par notre difficulté à séduire et rassembler les jeunes de notre communauté.

3 – Un déficit de crédibilité face à la Fédération CJA, le principal organisme subventionnaire de la CSUQ.   

4 – Un problème de notoriété et de visibilité. Depuis plusieurs années, la CSUQ entretient peu de contacts avec les grands acteurs des scènes politique, économique, sociale, culturelle et médiatique du Québec.

5 – Un enjeu de viabilité en raison des problèmes de liquidité auxquels la CSUQ est confrontée de manière récurrente.

P. Déry : Nous savons tous que la CSUQ fait face à plusieurs grands défis : une crise d’identité, une crise de légitimité, un problème de visibilité… Il est temps de prendre le taureau par les cornes pour s’attaquer une fois pour toutes à ces problèmes majeurs qui affaiblissent cette institution.

Quelles seront les principales étapes qui précéderont la tenue des états généraux ?

P. Déry : Cette consultation débuterait dans le courant du mois de février, avec l’envoi du sondage, et devrait prendre fin en juin avec la tenue des états généraux au cours desquels nous analyserons les résultats du sondage. À la suite de ces états généraux, une série de recommandations seront formulées. Nous avons mis sur pied un comité de pilotage et un comité de travail plus élargi, qui superviseront les diverses étapes de ce processus. Le comité élargi est constitué d’hommes et de femmes provenant de divers horizons : des jeunes, des anciens leaders de la communauté sépharade, des orthodoxes, des non religieux… Nous tenions à avoir dans ces comités une représentation très large de notre communauté. Le sondage sera envoyé à tous les membres de la communauté sépharade par courriel et au moyen des réseaux sociaux. Il y aura aussi des groupes de discussion composés de représentants des différents segments de la communauté sépharade : jeunes adultes, étudiants, orthodoxes, non pratiquants… et des rencontres ponctuelles avec les membres des synagogues sépharades. Nous visons un public diversifié afin d’être capables de répondre aux attentes de tout un chacun. Nous allons faire un grand battage médiatique dans les journaux communautaires, sur les réseaux sociaux…    

Croyez-vous que Jacques Saada aura la latitude nécessaire pour mettre en œuvre les recommandations majeures qui émaneront de ces états généraux ?

D. Amar : Nous n’organisons pas ces états généraux pour gagner du temps ou conclure à leur inutilité. Notre ambition est de reconnecter la CSUQ avec la communauté, de répondre aux attentes de cette dernière et de définir un plan d’action sur un horizon de cinq à dix ans. Nous avons la chance d’avoir en Jacques Saada un homme de vision, de réflexion et d’action. Aidons-le à nous rassembler autour de priorités qui font consensus et de projets porteurs qui émaneront de la communauté. Il est minuit moins cinq pour notre institution. Soit Jacques Saada réussit, soit la CSUQ, et in fine la communauté, en sortiront plus affaiblies.

P. Déry : Nous ne nous sommes pas encore penchés sur la manière dont les recommandations qui découleront des états généraux seront mises en œuvre. Mais il y va de la crédibilité de la CSUQ. Je suis résolument convaincue que Jacques Saada veillera à ce que ces recommandations ne demeurent pas lettre morte, tout en s’assurant d’aller chercher un large consensus au sein de la CSUQ pour les mettre en application.

Ne portez-vous pas un jugement sévère sur la CSUQ ?

D. Amar : Nous avons mis l’accent sur les enjeux et les défis que doit relever la CSUQ. Mais l’institution compte également de nombreux atouts : un président rassembleur, écouté et profondément respecté, un comité exécutif de très haut niveau, un corps des gouverneurs totalement mobilisé, des bénévoles, à l’image de Chantal et Gérard Buzaglo, dévoués, et des professionnels qui méritent notre plus profond respect. J’ai travaillé avec eux et j’ai pu prendre la mesure de leurs compétences et de la profondeur de leur engagement. Nous manquons de reconnaissance à leur endroit.  

Les jeunes joueront-ils un rôle significatif dans ces états généraux ?

P. Déry : Absolument. Un bon nombre de jeunes adultes font partie du comité élargi de travail que nous avons constitué. Jacques Saada tenait énormément à ce que ces derniers soient associés à cet exercice de consultation. Leurs points de vue sont essentiels. Au cours des prochaines semaines, plusieurs groupes de discussion formés de jeunes seront à pied d’œuvre. Nous allons leur poser une série de questions fondamentales : la CSUQ répond-elle à vos attentes ? Quel rapport entretenez-vous avec l’identité et la culture sépharades ? Mon plus grand souhait, c’est de voir émerger de nouveaux leaders sépharades porteurs d’une nouvelle vision et de savoir ce que les jeunes Sépharades attendent de la CSUQ. Il est certain qu’un fossé important sépare la nouvelle génération de Sépharades de celle des pionniers bâtisseurs, fort dévoués, de notre communauté. C’est difficile de savoir vers où on s’en va ? Cet exercice de consultation arrive à point nommé.

D. Amar : Je partage le constat et le souhait de Pascale. Les points de vue et les réflexions des jeunes sont fondamentaux dans ce processus. Ces derniers sont la boussole de la communauté sépharade et les garants de son avenir. Ces jeunes répondront à des questions identitaires cruciales qui nous interpellent avec force : qu’est-ce qu’être Sépharade au Québec en 2019 ? Qu’est-ce qu’être Juif québécois ? Comment assurer un avenir prometteur au séphardisme dans une société de plus en plus mondialisée ?

Comment envisagez-vous l’après-états généraux de la CSUQ ?

D. Amar : À mes yeux, l’objectif ultime de cet exercice est de conférer une crédibilité renouvelée et un supplément d’âme à la CSUQ. Certes, ce sondage et les groupes de discussion ne règleront pas instantanément tous les problèmes auxquels la CSUQ fait face. Mais ils rendront plus lisible l’action du président de la CSUQ, donneront une nouvelle légitimité à sa démarche et aux actions qu’il entreprendra pour assurer la continuité de l’institution et le renforcement de la communauté en termes d’identité et de solidarité. Jacques Saada est la personne idoine pour revaloriser la CSUQ et faire en sorte que la communauté sépharade se réapproprie cette institution avec fierté.    

P. Déry : Ces états généraux ressemblent à un vote de confiance en politique. Dans ce cas-ci, ce sera un vote de confiance à l’endroit de la CSUQ. C’est un grand risque que prend Jacques Saada parce qu’il faudra assumer les résultats de cette consultation après avoir posé les bonnes questions. C’est la seule voie de salut pour la CSUQ. Ces états généraux nous permettront d’avancer et de trouver des solutions réalistes et viables afin d’assurer la pérennité du séphardisme au Québec.

 

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