La Mission économique en Israël du Premier ministre Couillard donne un nouvel élan aux relations
ENTRETIEN PAR ETA YUDIN
Eta Yudin, vice-présidente du Centre consultatif des relations juives et israéliennes-Québec, CIJA.
Longtemps, l’État d’Israël a souffert d’une représentation médiatique unidimensionnelle qui jetait dans l’ombre sa vitalité culturelle, scientifique et entrepreneuriale pour réduire l’État juif à la seule dimension du conflit israélo-palestinien. De même, les relations bilatérales qu’entretenait Israël étaient surtout de nature politique.
Au Québec, la ratification en 1997 des premiers accords de coopération entre les gouvernements du Québec et d’Israël allait asseoir les relations bilatérales entre les deux sociétés sous le signe de la coopération scientifique, culturelle et éducative. Le Québec et Israël s’ouvraient l’un à l’autre dans toute leur profondeur sociale sur la base de valeurs et d’objectifs partagés.
La communauté juive québécoise a toujours joué un rôle de premier plan dans le développement de la relation israélo-québécoise en tant que pont naturel entre les deux sociétés. Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes-Québec (CIJA-Québec), l’agence de représentation de la Fédération CJA, avait encouragé la reconduite et l’élargissement des accords Québec-Israël en 2007 et participé à la programmation de la première mission économique québécoise en 2008.
Il était donc naturel que le Premier ministre Philippe Couillard ait choisi l’occasion de la réception annuelle de CIJA-Québec à l’Assemblée nationale en novembre 2016 pour annoncer son intention de se rendre prochainement en Israël pour promouvoir les échanges commerciaux et la coopération scientifique entre le Québec et Israël. Le thème de notre réception était le centenaire de la Fédération CJA qui fut souligné plus tôt dans la journée par une motion unanime de l’Assemblée nationale. Aussi, comme la réception coïncidait avec le Jour de la commémoration de l’exode des juifs du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, Monsieur Benoit Charrette, député de la Coalition Avenir Québec pour Deux-Montagnes, a tenu à faire une déclaration à l’Assemblée nationale pour rappeler que « dans la foulée du conflit israélo-arabe, les Juifs d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ont été contraints de fuir l’exclusion, les spoliations, la persécution, la déchéance de nationalité et les violences. »
Fort de son expertise en matière de missions économiques en Israël, CIJA-Québec a été invité à siéger au comité consultatif de planification de la mission économique du Premier ministre. Notre rôle dans la planification de la mission nous a notamment permis d’organiser un inoubliable et convivial souper de Shabbat à Jérusalem en l’honneur du Premier ministre Couillard. Ce rôle m’a personnellement permis d’apprécier à quel point les relations israélo-québécoises avaient mûri depuis 1997 et combien l’émergence d’Israël à titre de leader mondial en matière d’innovation technologique n’est pas passée inaperçue de la classe politique et du milieu entrepreneurial québécois.
À la suite de plusieurs mois de préparation, j’ai eu le plaisir de me joindre à la mission économique du Premier ministre en Israël du 20 au 25 mai derniers. Outre la ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation Dominique Anglade, le député pour D’Arcy-McGee David Birnbaum et le Consul général d’Israël à Montréal Ziv Nevo Kulman, la délégation était composée d’une centaine d’entrepreneurs et de dirigeants universitaires. Les principaux secteurs économiques représentés étaient les sciences de la vie, les technologies médicales, de l’information et du numérique, ainsi que l’industrie aérospatiale.
La mission de cinq jours s’est déroulée à un rythme effréné en raison d’une programmation exigeante et fort pertinente qui a transporté la délégation de Jérusalem à Ramallah, à Tel Aviv, où le Premier ministre a reçu le Prix du Président de l’Université de Tel Aviv et assisté à la pose de la pierre angulaire de l’École d’architecture de la Fondation Azrieli dans ce même établissement.
L’entretien entre les Premiers ministres Couillard et Netanyahou à Jérusalem représente certainement l’un des faits saillants les plus significatifs de la mission. Non seulement cette rencontre au sommet traduit-elle la valeur qu’attache Israël à sa relation avec le Québec, mais elle a accouché d’une des plus importantes retombées du voyage, à savoir le projet d’un partenariat sur l’intelligence artificielle et les mégadonnées, deux secteurs économiques névralgiques au Québec et en Israël.
Parmi les autres retombées prometteuses, il convient de souligner l’entente de coopération bilatérale entre le gouvernement du Québec et l’Autorité israélienne de l’Innovation, le partenariat en cybersécurité entre Hydro-Québec et la Corporation électrique israélienne et l’annonce du Premier ministre Couillard de plans pour ouvrir un bureau commercial du Québec en Israël, une idée préconisée par CIJA-Québec lors de la consultation publique sur la nouvelle politique internationale québécoise. De même, l’importante couverture médiatique accordée à la mission aura exposé des milliers de Québécois à des facettes méconnues d’Israël et aux bénéfices mutuels qui découlent de la relation Québec-Israël.
Le moment le plus émouvant de la mission fut très certainement la visite de Yad Vashem. À peine atterris, le rabbin Reuben Poupko, coprésident de CIJA-Québec et moi-même y avons accompagné le Premier ministre qui y a rendu hommage à la mémoire des victimes de la Shoah. Le rabbin Reuben Poupko, coprésident de CIJA-Québec, s’est dit impressionné par la profonde connaissance de la Shoah démontrée par M. Couillard qui, visiblement ému par la visite, a écrit dans le livre d’or du mémorial que la Shoah est une « tragédie unique qui a montré le pire de la nature humaine ».
En tant que Juive québécoise, je suis fière d’avoir fait partie de la première visite officielle d’un Premier ministre du Québec en Israël. Les retombées de cette mission historique sont impressionnantes. Elles ont revitalisé la relation Québec-Israël et promettent de l’étendre et de l’approfondir à court et moyen termes.
CIJA-Québec a toujours cru que le Québec et Israël sont des partenaires naturels. La mission économique du Premier ministre, celle du maire de Montréal Denis Coderre en 2016, l’ouverture de nouvelles liaisons directes entre Montréal et Tel Aviv, témoignent d’un vif désir de rapprochement entre les deux sociétés. Et notre communauté continuera de former un pont naturel dans ce rapprochement mutuellement bénéfique à ces deux sociétés à la fois si éloignées et si proches.
Vers une représentation permanente du Québec en Israël
À la conclusion de sa mission économique en Israël, le Premier ministre Philippe Couillard a annoncé qu’il comptait ouvrir un bureau commercial du Québec en Israël. En octobre 2016, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes-Québec (CIJA-Québec) avait soumis au gouvernement, dans le cadre de sa Consultation publique concernant une nouvelle politique internationale du Québec, un mémoire plaidant pour l’ouverture d’une représentation permanente du Québec en Israël. Extraits :
La coopération entre le Québec et Israël remonte à 1949 avec l’ouverture à Montréal de la première mission diplomatique israélienne au Canada. Depuis, les relations Québec-Israël se sont développées au gré des visites fréquentes et réciproques d’élus québécois et israéliens, d’échanges culturels et de partenariats commerciaux et scientifiques. Le maire de Montréal dirigera d’ailleurs une mission économique et scientifique en Israël au mois de novembre prochain. Des ententes de coopération entre le Québec et Israël furent signées à l’Assemblée nationale en 2007, ainsi qu’à Jérusalem en 2008, à l’occasion d’une délégation commerciale et scientifique d’envergure sans précédent en Israël. À cette dernière occasion, le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, avait alors déclaré :
« Le Québec doit non seulement maintenir, mais également accroître ses relations et ses collaborations avec ce pays dont les expertises sont variées et étonnantes. »
Nous croyons qu’il est aujourd’hui temps pour le Québec de passer à l’étape suivante et de considérer l’ajout d’une représentation permanente à Tel Aviv. Le Québec compte aujourd’hui près d’une trentaine de délégations, de bureaux et d’agents locaux, mais ne compte aucune représentation permanente en Israël. Nous croyons que cette absence nuit aux opportunités d’affaires entre le Québec et Israël et que l’ajout d’une telle représentation permettrait de soutenir plusieurs objectifs de la politique internationale du Québec de 2006, soit la promotion de l’identité et de la culture du Québec, le renforcement de la capacité d’action et d’influence de l’État québécois, et finalement, la stimulation de la croissance et de la prospérité du Québec.
Avec plus de 700 000 francophones, soit près d’une personne sur dix dans le pays, la vivacité de la Francophonie en Israël ne fait aucun doute et fait du pays un partenaire de choix pour le Québec. Pour que ce partenariat puisse atteindre son plein potentiel cependant, il est nécessaire d’établir une représentation permanente pour que les outils soient disponibles afin de soutenir les projets futurs entre Québec et Israël.
Nous croyons que l’avenir de la politique internationale québécoise passe par le renforcement des relations bilatérales entre Québec et Israël, et que ce renforcement doit se traduire par une présence permanente du Québec à Tel Aviv. Nous croyons que le Québec a tout à gagner à y être représenté.