Les Pirates juifs des Caraïbes : une saga historique fascinante

Si vous êtes friand de récits historiques passionnants et d’aventures de capes et d’épées haletantes, entamez incessamment la lecture du livre Les Pirates juifs des Caraïbes. L’incroyable histoire des protégés de Christophe Colomb du journaliste et historien américain, feu Edward Kritzler. Cette fascinante saga historique vous donnera le tournis. Ce livre, dont la version française est parue initialement en 2012 aux Éditions André Versaille, vient d’être réédité dans la collection poche des Éditions L’éclat.

Elias Levy

Elias Levy

Elias Levy est journaliste à l’hebdomadaire The Canadian Jewish News (CJN).

Auteur de succès de librairie dans le monde anglo-saxon, Edward Kritzler, décédé en 2010, qui fut l’un des meilleurs spécialistes de l’Histoire de la Jamaïque, relate avec brio pour la toute première fois la fabuleuse histoire de ces Sépharades expulsés d’Espagne et du Portugal au XVIe siècle qui parvinrent avec une hardiesse inouïe à s’embarquer avec les plus grands explorateurs de l’époque pour gagner clandestinement le Nouveau Monde, où ils sont devenus de redoutables pirates !

L’accès au Nouveau Monde leur étant catégoriquement interdit du fait de leur religion, ils furent alors contraints d’adopter une nouvelle identité : celle de « nouveaux chrétiens » (par opposition à « vieux chrétiens », c’est-à-dire les chrétiens de souche).

Le Portugal n’exigeait pas encore, contrairement à l’Espagne, qu’ils « prouvent la pureté » de leur ascendance catholique.

Ces aventuriers juifs du Nouveau Monde, dont plusieurs étaient aussi de brillants navigateurs et cartographes, se distinguèrent particulièrement dans un domaine qui avait fait ses preuves dans la diaspora : le commerce international. Négociants ou armateurs, ils constituèrent l’embryon de la classe marchande de l’empire espagnol. Tant qu’ils prétendaient être de fervents chrétiens et livraient les marchandises à temps, personne ne les questionnait sur leurs origines identitaires. Ils fondèrent ainsi les premières plantations sucrières à grande échelle et initièrent les premières cultures de céréales, de café et de thé. Parallèlement, ils se lancèrent dans le commerce très lucratif du tabac et des métaux précieux : l’or et l’argent. Leurs principaux partenaires d’affaires étaient des marranes – des Juifs s’étant convertis au christianisme qui continuaient à pratiquer en catimini la religion mosaïque – de la péninsule ibérique. Les échanges commerciaux qu’ils promurent avec entrain forgèrent la colonne vertébrale du futur système marchand, qui allait s’avérer très bénéfique pour les royaumes d’Espagne et du Portugal.

Un pacte implicite liait ces Sépharades à la monarchie portugaise : le roi Manuel Ier du Portugal avait besoin de ces Juifs pour assurer son flot de transactions commerciales avec le Nouveau Monde, et ces derniers avaient à leur tour besoin de ce roi pour endiguer les velléités judéophobes des hérauts de l’impitoyable Inquisition catholique. Mais, vers la fin du XVIe siècle, le Portugal tourna casaque. Les autorités inquisitoriales catholiques se mirent alors à traquer les Juifs sans relâche.

Un bon nombre de ces Juifs persécutés, et leurs enfants, souvent alliés aux Hollandais ou aux Anglais, devinrent des pirates implacables et des guerriers hors pair. Leur objectif cardinal : semer la terreur dans les galions espagnols chargés d’acheminer vers les royaumes de Castille et d’Aragon les trésors pillés dans les contrées du Nouveau Monde. C’était leur façon de répondre « œil pour œil » aux inquisiteurs de la Sainte Terreur qui les pourchassaient d’une manière obsessionnelle jusque dans les terroirs du Nouveau Monde, où ils pensaient avoir trouvé un refuge sûr.

Mêlant les diverses phases de la conquête des Amériques à des récits d’espionnage époustouflants et à des chasses au trésor homériques, Edward Kritzler retrace l’itinéraire d’une foule de personnages sépharades iconoclastes et hauts en couleur.

On fera ainsi la connaissance de l’extraordinaire rabbin-pirate Samuel Palache, natif de la ville marocaine de Fès, qui monte encore à l’abordage à 60 ans passés et fonde la première communauté juive d’Amsterdam.

On croisera les frères Moïse et Abraham Cohen Henriques, deux fougueux corsaires en quête d’un Eldorado mythique : la fameuse mine d’or de Christophe Colomb.

C’est grâce à Moïse Cohen Henriques que l’amiral hollandais Piet Heyn parviendra à capturer la flotte du trésor espagnol en 1628, une prouesse militaire exceptionnelle, et que les soldats hollandais arriveront à envahir le Brésil, où verra le jour à Recife, au XVIIe siècle, la première colonie juive du Nouveau Monde, Zur Israël.

On découvrira les faits d’armes légendaires de l’inégalable pirate juif Sinan, un Sépharade d’origine espagnole qui trouva refuge en Turquie après son bannissement de l’Espagne, qui fut le commandant en chef du terrifiant Barberousse et l’ennemi juré de Charles Quint.

On y croisera aussi un personnage très flamboyant, Antonio-Abraham Carvajal, l’agent secret de l’une des figures politiques et militaires les plus controversées d’Angleterre, Oliver Cromwell…

Ces pirates foncièrement juifs et très épris de liberté ont grandement contribué à l’émancipation des Juifs, dans l’Ancien et le Nouveau Monde.

Edward Kritzler narre avec panache et une dextérité littéraire épatante ce chapitre totalement méconnu de l’Histoire du Séphardisme.

Un livre d’Histoire et d’aventures magistral à lire absolument !

 

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