La nouvelle haine des Juifs : l’antisémitisme islamiste

 

 

 

 

 

L’antisémitisme est en recrudescence partout dans le monde, et le Canada et le Québec ne sont pas à l’abri de sa propagation quasi virale. Bien que l’antisémitisme se retrouve tant au sein de l’extrême droite que de l’extrême gauche et notamment dans les cercles islamistes, le présent texte se penche sur les tactiques insidieuses de ce dernier groupe et sur son rôle dans la propagation de l’antisémitisme dans les sociétés occidentales.

Mutation de l’antisémitisme

En effet, depuis les années 2000, une nouvelle forme d’antisémitisme s’est installée sans que les sociétés prennent immédiatement la mesure de sa vigueur, ce qui lui permet ainsi de croitre sans être combattu efficacement – parce que sa définition, son origine et son mode d’action n’ont été ni compris ni appréhendés à temps.

Une fois de plus, l’antisémitisme a muté tant par sa forme et son expression que par ses représentants. Aujourd’hui, ceux qui s’en prennent aux Juifs le font pour leur soutien supposé ou réel au seul État juif pour la prétendue mainmise des Juifs sur les finances mondiales et les dirigeants de ce monde et ainsi que pour leurs prétendus avantages indus.

Il convient de noter que l’antisémitisme ancré dans les mouvements suprémacistes blancs ou néonazis demeure toutefois très préoccupant pour les Juifs, même si l’antisémitisme ne vient plus uniquement de l’extrême droite ou des mouvements néonazis.

Les nouveaux visages de l’antisémitisme

La haine d’Israël et des Juifs est désormais relayée et portée par des mouvements de gauche radicale et. Les individus radicalisés par un islamisme violent et sont poussés de l’avant par des « islamistes en cravate », d’apparence plus modérée et ayant accès à des tribunes plus larges que celles des djihadistes. Malheureusement, les évènements auxquels nous avons assisté à Montréal au mois de mai 2021 nous ont démontré la véracité de cette affirmation.  Et la prise d’otage dans une synagogue du Texas le 15 janvier 2022 s’inscrit dans cet esprit. L’individu, Malik Faisal Akram a tenu des propos antisémites et anti-Israël[1] avant de se rendre dans une synagogue pour sa prise d’otage.

Plus visible et plus violent en Europe depuis les années 2000, date de la seconde intifada, l’antisémitisme promu par les groupes islamistes a réussi à convaincre des jeunes de la centralité de la cause palestinienne tout en accusant quiconque dénonçait cette haine contre les Juifs, d’islamophobie et de racisme envers les musulmans.

Ce regain de haine contre les Juifs dans les pays occidentaux où ils sont pris pour comme cible pour leur soutien réel ou supposé à l’État d’Israël, a créé ou mis en lumière une association de destin entre l’État hébreu et les Juifs du monde entier. À titre d’exemple, le terroriste ayant abattu à bout portant des enfants et un enseignant dans une école juive à Toulouse en France en 2012,  avait revendiqué son geste au nom de la défense des enfants palestiniens après avoir été sujet à une radicalisation par ses proches, fervents islamistes. Bien qu’Israël soit souvent utilisé dans la propagande antisémite pour « rallier les troupes », il convient de préciser que la haine des Juifs dans la pensée islamiste précède la création de l’état moderne d’Israël puisque les idéologies islamistes identifient souvent les Juifs comme l’ennemi originel de l’Islam et c’est le cas notamment des Frères Musulmans, mouvement fondé en 1928.

Il n’est évidemment pas question ici de faire d’amalgames entre les musulmans et les islamistes ou encore entre la critique des politiques israéliennes et la remise en cause de l’existence de l’État d’Israël comme l’expression du droit à l’autodétermination du peuple juif. Ces nuances, ou plutôt la négation de ces nuances ont permis justement à tous les prêcheurs de haine de se jouer de ces subtilités en faisant taire toute critique, en censurant tout débat sur la question de ce nouvel antisémitisme, lui permettant ainsi de s’enraciner et de se développer librement.

Une étude réalisée par l’Union européenne a constaté que les auteurs des actes antisémites les plus graves sont pour 31 % des individus que les victimes ne connaissent pas, pour 30 % des individus se réclamant de la vision islamiste, 20 % des personnes se revendiquant à gauche politiquement et 13 % à droite[2].

Au Canada, la Muslim Association of Canada (Association musulmane du Canada, « MAC ») est une organisation, qui selon son site Internet est inspirée par le cofondateur des Frères Musulmans, l’Imam Hasan Al-Bana. En juin 2021, la MAC a reçu une subvention de 225 000 $ du gouvernement de l’Ontario pour la création de ressources éducatives numériques. Cette subvention, ainsi que d’autres subventions similaires, a été accordée pour contribuer à lutter contre l’islamophobie. Or, certaines des ressources éducatives créées par la MAC sont questionnables. Ainsi, dans une vidéo éducative sur le thème de « l’industrie de l’islamophobie », le cours fait référence à une étude réalisée aux États-Unis qui aurait identifié 74 groupes, dont « des féministes, des chrétiens, des sionistes et d’importants organes de presse ayant financé ou encouragé l’islamophobie ». L’éducatrice nous apprend que « ces sources médiatiques et la rhétorique islamophobe qui en résultent, de même que les politiques et les lois, ont un impact majeur sur la perception […] à l’égard des musulmans ici au Canada ». Et elle précise que « l’examen des acteurs clés de la fabrication de la haine antimusulmans et de leurs sources de financement permet […] d’exposer les grands systèmes de pouvoir et d’influence et, dans certains cas, les idéologies religieuses et politiques qui les sous-tendent, qui sont formées à partir de l’inculcation de l’islamophobie à l’échelle mondiale »[3]. Rappelons par ailleurs que la Gendarmerie royale du Canada avait démontré en 2014 que la MAC avait fait des versements à l’IRFAN, une organisation ayant donné 14,6 millions de dollars au Hamas.

Internet : un outil de propagation de la haine

Internet et la mondialisation ont permis d’abolir les frontières de la propagation de la doctrine islamiste, ainsi certains doctrinaires arrivent à convaincre des individus vivant à des milliers de kilomètres. Par exemple, Tarek Al-Suwaidan,  présenté comme un écrivain, historien, homme d’affaires et érudit musulman koweïtien bien connu au Moyen-Orient et dans le monde entier pour ses émissions de télévision et apparitions publiques, s’adresse à son auditoire en 2014 en ces termes : « Toutes les mères de la nation islamique – pas seulement les mères palestiniennes – devraient allaiter leurs bébés à la haine des fils de Sion. Nous les haïssons. Ce sont nos ennemis. Nous devrions inculquer cela dans l’âme de nos enfants, jusqu’à ce qu’une nouvelle génération se lève et les efface de la surface de la Terre. C’est ce que nous voulons »[4]. Toujours en 2014, il décrit les Juifs comme étant « la civilisation sale et sauvage de la barbarie des fils de Sion. Ajoutant : « Notre lutte avec eux nécessite le djihad ». 

Par ailleurs, comme nous l’avions mentionné[5] dans une autre édition de cette tribune, au Québec, un prédicateur islamiste, bien connu pour ses positions anti-Israël et soupçonné d’avoir été un agent de al-Qaïda, avait publié une vidéo accusant les pro-Israël d’ « insulter le prophète » et le lobby sioniste de radicaliser la société afin qu’elle se détourne de la cause palestinienne. Une diatribe reprenant les thèmes développés précédemment accusait les Juifs, non seulement de bénéficier d’avantages indus auxquels les musulmans n’auraient pas droit, mais en plus d’instaurer un climat islamophobe en dénonçant l’antisémitisme islamiste.

Des amalgames dangereux

Si ces tactiques peuvent s’avérer utiles pour radicaliser encore plus des individus en quête de reconnaissance et de causes à défendre, elles peuvent se révéler néanmoins préjudiciables à dans la lutte contre la haine à l’encontre des musulmans. En effet, à l’instar de la haine des Juifs, la haine contre des musulmans doit être définie et identifiée afin de pouvoir la combattre efficacement. Ces dernières années ont vu croître toutes sortes de discours polarisants et haineux dans le monde entier, ayant le plus souvent entraîné une hausse des incidents haineux, y compris des incidents contre la communauté musulmane. Or, si la critique de l’islamisme est assimilée à de la haine contre des musulmans, ces derniers se trouvent pris en otage les laissant impuissants à se défendre, preuve ultime de la toxicité de cette doctrine haineuse qui tente d’imposer au sein même du monde musulman sa propre lecture de l’islam, faisant taire toute divergence d’opinions. Là encore, la preuve en est donnée dans les contrées régies par des islamistes où les femmes, les homosexuels et toute autre minorité ethnique ou religieuse ne bénéficient pas des droits élémentaires.

Un récent exemple de la manifestation de cette censure et de l’amalgame malheureux entre islamistes et musulmans nous a été donné lors du retrait du soutien du Toronto District School Board (TDSB) à un club de lecture de jeunes filles. La raison? L’invitation lancée à Nadia Murad, l’activiste yézidie irakienne enlevée par Daesh lors de l’attaque de son village et qui a reçu quelques années plus tard le prix Nobel de la Paix pour son courage à dénoncer Daesh et son expérience traumatisante[6].

Les représentants de la Toronto School Board craignaient que les propos de la jeune femme « puissent offenser les élèves musulmans ». Cette décision qui a été largement critiquée et relayée au-delà des frontières du Canada[7]. Face à ces protestations concernant la décisio de bannir le livre de Murad par de crainte qu’il ne favorise l’islamophobie, le TDSB avait annoncé que le personnel s’engageait à lire l’ouvrage, l’approuver sous peu[8].

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Au-delà des musulmans et des Juifs, c’est toute la société dans son ensemble qui peut faire les frais des velléités totalitaires des islamistes. L’Histoire a prouvé que l’antisémitisme n’est que le premier signe d’une mise en accusation plus générale de la société.

C’est pourquoi cet antisémitisme doit être combattu le piège de l’accusation d’islamophobie. La lutte contre la haine sous toutes ses formes devrait être un objectif rassembleur. L’antisémitisme doit être condamné sans ambivalence par toute la classe politique. Plusieurs actions récentes[9], tant au niveau provincial que fédéral, sont encourageantes et ont démontrées que nos élus comprennent la gravité de la situation. Il est primordial d’envoyer un message fort à tous les citoyens : l’antisémitisme n’a pas sa place dans la société.

Pour citer la Dre Einat Wilf, une ex-députée israélienne membre du parti Haastmaout de Ehud Barak, (tous deux anciens membres du parti travailliste) : « L’une des caractéristiques permanentes de l’antisémitisme et de l’antisionisme est l’inversion des causes et des effets. La violence perpétrée à l’encontre des Juifs et d’Israël et les calomnies qui sont répandues seraient toujours, d’une manière ou d’une autre, le résultat d’actions juives et jamais d’une idéologie antisémite profondément ancrée et en constante mutation »[10].

[1] « Acte de terrorisme » au Texas : le preneur d’otages était britannique, Radio-Canada, en ligne : https ://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1854780/texas-acte-terrorisme-synagogue-texas-preneur-otages-britannique. Voir aussi « Antisemitic tropes cited by the Texas synagogue hostage-taker have deep roots », Washington Post, en ligne : https://www.washingtonpost.com/nation/2022/01/18/antisemitism-anti-jewish-texas-synagogue-attack/

[2] https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2018-experiences-and-perceptions-of-antisemitism-survey_en.pdf?fbclid=IwAR3a2L09rHmVhujaC-6ldPKpvvBlyXS5U6vkqt2H5olnGjOK4O-_RPBCmGc

[3] Traduction libre, voir: Muslim Association of Canada, “The Industry of Islamophobia”, en ligne: https://www.youtube.com/watch?v=tDV2gb6sMQU

[4] Traduction libre, voir: https://www.memri.org/reports/kuwaiti-muslim-brotherhood-leader-tareq-al-suwaidan-hamas-do-not-agree-ceasefire-until-they

[5] Voir notre article Retour sur la flambée d’antisémitisme à Montréal  paru dans le LVS à l’automne 2021 . https://lvsmagazine.com/2021/10/retour-sur-la-flambee-dantisemitisme-a-montreal/

[6] Livre de Nadia Murad : The Last Girl : My Story of Captivity and my Fight Against the Islamic State.

[7]Voir  https://www.lefigaro.fr/culture/de-peur-d-offenser-leurs-eleves-des-ecoles-canadiennes-censurent-nadia-murad-nobel-de-la-paix-2018-20211118

[8] TDSB reviewing nixing of Nobel Prize laureate appearance and book”, 25 novembre 2021, en ligne: https://torontosun.com/news/local-news/tdsb-reviewing-nixing-of-nobel-prize-laureate-appearance-and-book

[9] Nous pensons ici à titre d’exemple à la condamnation unanime de l’antisémitisme par l’Assemblée nationale du Québec en mai 2021, à l’adoption par le gouvernement du Québec de la définition de l’antisémitisme de l’IHRA en juin 2021 ou encore au Sommet national sur l’antisémitisme organisé par le gouvernement du Canada en juillet 2021 face à la vague d’incidents antisémites. Voir le dossier « Prévenir et contrer l’antisémitisme » dans le LVS de décembre 2021 : https://lvsmagazine.com/category/novembre-2021/la-csuq-prevenir-et-contrer-lantisemitisme/

[10] https://twitter.com/EinatWilf/status/1481558379126571008?t=Qus_EwrlgS-qa3tiwueQUw&s=08

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