Cercle de généalogie des Juifs du Maroc, Entretien avec Raquel Levy-Toledano

PAR Sonia Sarah Lipsyc

Dr Sonia Sarah Lipsyc

Sonia Sarah Lipsyc

 

 

 

 

 

 

 

Vous êtes la fondatrice du groupe « Généalogie des Juifs marocains » sur Facebook 1. Qu’est-ce qui vous a poussée à le créer?

Raquel Levy-Toledano

Raquel Levy-Toledano

Au cours d’un test ADN généalogique, je me suis aperçue que j’avais des centaines de « cousins génétiques » relativement proches (du 2e au 4e degré) dont j’ignorais totalement l’existence. Comment leur suis-je apparentée? Lorsque mes parents étaient de ce monde, ils auraient peut-être pu répondre à cette question…
Avec leur décès, nos aînés ont emporté une partie de notre mémoire familiale. Cette perte de mémoire est d’autant plus aiguë que, au Maroc, l’état civil n’a été instauré qu’en 1920, pour devenir la règle autour de 1955. Par ailleurs, l’exode des Juifs marocains vers diverses régions du monde – Canada, Israël, France, États-Unis, Amérique du Sud – a contribué à l’éclatement des familles élargies et à la rupture des liens familiaux.
Ce délitement progressif de notre mémoire familiale augmente inexorablement avec le temps. Il m’est apparu urgent de le freiner en créant ce groupe Facebook dont l’objectif premier est de restaurer notre mémoire familiale ou, à tout le moins, de limiter la perte d’information. Comment? En incitant ses membres à créer leur arbre généalogique sur une plateforme commune collaborative, Geni (Geni.com). Les doublons de noms de personnes que nous trouvons sur Geni ou les informations que nous recueillons dans le groupe nous permettent d’identifier des liens familiaux entre les arbres individuels. Ces liens nous aident à relier ces arbres individuels pour former un arbre « universel » juif marocain. Aujourd’hui, cet arbre comporte plus de 100 000 individus!

Offrez-vous de l’aide pour dresser l’arbre généalogique de sa famille?

Bien évidemment! L’arbre « universel » est extrêmement utile à cet égard. De nombreux membres m’ont confié leur arbre sous format papier ou gedcom (format utilisé par les programmes de généalogie) afin de l’intégrer dans l’arbre familial des Juifs marocains.

Ce groupe a pour vocation d’être aussi « un lieu de partage et d’aide pour retrouver des informations sur les familles ». Pouvez-vous nous donner un ou deux exemples à ce sujet?

C’est en effet un des objectifs que s’est donnés ce groupe. Il y a quelques mois, un jeune Américain en quête d’information sur sa famille a publié dans le groupe la photo de son trisaïeul, Abraham Toledano. S’il savait que ce dernier était né à Tanger, il ignorait jusqu’à récemment qu’il était enterré au Portugal. D’autres membres du groupe ont fait le rapprochement avec leur propre histoire familiale. C’est ainsi que trois ou quatre personnes qui ne se connaissaient pas ont découvert qu’Abraham Toledano était leur ancêtre commun!
Certaines personnes, dont seul l’un des parents ou des grands-parents est juif marocain, nous rejoignent parce qu’elles sont à la recherche de leur famille. L’arbre des Juifs marocains, ainsi que d’autres sites de généalogie tels que MyHeritage nous permettent parfois d’identifier des membres de leur famille ou de les orienter.
Par ailleurs, du fait que le groupe compte aujourd’hui un grand nombre de membres, il n’est pas rare que des amis ou des membres d’une même famille, qui se sont perdus de vue depuis leur départ du Maroc, s’y retrouvent fortuitement.

Pourquoi avoir choisi pour ce cercle généalogique le média social de Facebook?

Bien que n’étant pas un adepte de Facebook, il m’a semblé que c’était un moyen très efficace d’atteindre un grand nombre de Juifs d’origine marocaine, en particulier ceux qui vivent aujourd’hui en Israël où Facebook est très populaire. Bien que nous privilégiions l’utilisation du français comme langue d’échange sur le forum, la plupart des publications du groupe sont traduites en anglais et en hébreu afin qu’elles soient accessibles à tous.
Le groupe a été créé en octobre 2019. Un an plus tard, il totalisait plus de 1 000 membres.

Juifs marocains

Auriez-vous un message particulier pour la communauté marocaine de Montréal qui constitue la majorité de la communauté sépharade du Québec?

Voilà plus d’un demi-siècle que la majorité d’entre nous, Juifs marocains, avons quitté le Maroc. Nos racines, notre culture, nos traditions, notre cuisine, notre liturgie restent vivaces. Nous les transmettons à nos enfants et les faisons ainsi perdurer. Pourtant, notre histoire familiale se perd, car elle est basée sur notre seule mémoire. Cette dernière s’amenuise inexorablement avec le temps et le départ des anciens. Il est urgent de préserver ce qu’il en reste d’abord en interrogeant nos parents ou nos grands-parents, puis en établissant chacun notre arbre généalogique en répondant à des questions simples : Qui sont mes grands-parents? Leurs frères et sœurs? Mes arrière-grands-parents? Avec qui les membres de ma famille se sont-ils mariés? Vos lecteurs constateront vite que, seuls, ils seront très vite limités à leurs grands-parents, plus rarement à leurs arrière-grands-parents, en particulier pour ce qui concerne les lignées maternelles. L’arbre « universel » des Juifs marocains sur Geni pourrait les aider à reconstituer le leur. Je les encourage à y intégrer leur famille pour que les branches de leur arbre foisonnent.
Si vous n’avez pas accès à Facebook, si vous avez besoin d’assistance pour vous connecter à Geni.com ou pour construire votre arbre généalogique ou si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas à contacter Raquel Levy-Toledano à l’adresse courriel suivante :

rletole@gmail.com.

Notes:

  1.  https://www.facebook.com/groups/genealogiedesjuifsdumaroc
Top