Quitter Montréal pour Israël : pour le meilleur, envers et contre tout
En 2024, plusieurs Montréalais juifs ont fait un choix que beaucoup ont eu du mal à comprendre : quitter la stabilité relative du Québec pour s’installer en Israël, alors que le pays vivait encore sous le choc des attaques terroristes du 7 octobre 2023.
Ce n’est pas la promesse d’un emploi ou d’un confort matériel qui les a guidés à vivre sur une terre qu’ils savent être la leur, mais un appel plus profond, parfois identitaire, parfois spirituel, souvent les deux.

Un an plus tard, alors que les tensions régionales n’ont cessé de s’intensifier, nous nous sommes entretenus avec Nadine Barchechath, qui nous raconte ses choix et sa première année en Israël, une vie nouvelle commencée en pleine tourmente, certes, mais en toute confiance avant toute chose.
Nadine, 45 ans, vit aujourd’hui à Tel-Aviv. Née à Montréal, diplômée en génie mécanique de l’Université McGill, elle travaillait à titre d’ingénieure dans une entreprise de logiciels lorsqu’elle a décidé de tout lâcher, tout quitter pour partir vers la Terre promise.
Plus jeune, chaque fois qu’elle séjournait en Israël, le temps des vacances, elle avait le sentiment qu’une partie d’elle y restait, bien que sans attaches familiales sur place. Rapidement, l’idée d’un vrai départ a germé, mais celui-ci semblait toujours difficile en raison, principalement, de sa proximité avec les siens, famille et communauté. Difficile aussi d’abandonner une carrière en plein essor.
En 2020, le grand saut est bel et bien programmé, papiers d’aliya officiels à l’appui. Mais c’est sans compter avec la pandémie qui vient contrecarrer ses projets. La vie reprend alors son cours, laissant Israël de côté, du moins, en apparence.
Le 7 octobre 2023 accélère les battements patriotiques de son cœur. Nadine prend un vol aller-retour. Donner deux semaines de son temps pour apporter son aide s’est imposé à elle.
« Je suis allée aider les familles déplacées, donner à manger aux soldats, cuisiner. Je suis allée dans les champs d’agriculture. C’est là où je me suis dit : this is my home ! », se souvient-elle.
De retour à Montréal, elle reprend les démarches pour officialiser son départ, une évidence, mais qui se vit malgré tout dans les larmes, car quitter sa famille n’est jamais facile. Laissant derrière elle les siens, un travail, un appartement, une voiture, elle atterrit à Tel-Aviv avec cinq valises pour entamer un nouveau grand chapitre de sa vie.
L’aventure est énorme, sans aucune garantie de réussite, mais hors de question de ne pas la vivre, de ne pas y croire, de ne pas foncer.
Si redémarrer professionnellement est encore plus complexe qu’ailleurs dans un pays en guerre, Nadine a parmi ses atouts son bilinguisme français-anglais et la chance de se débrouiller en hébreu. Son expérience dans la tech participe également aux perspectives qui s’offrent à elle, mais qu’elle déclenche en s’investissant à fond dans le développement d’un nouveau réseau social. Si l’euphorie des premiers jours demeure, avancer sans soutien familial sur place devient un défi supplémentaire.
Nadine met en lumière l’exemplarité des gens rencontrés qui s’appliquent à l’aider dans chacune de ses démarches, facilitant son intégration. Le choix de vivre à Tel-Aviv n’est d’ailleurs pas anodin. Elle savait qu’il serait plus facile d’y faire des rencontres et que le dynamisme de la ville permettrait des opportunités professionnelles.
« Quand je dis que les Israéliens sont tous là pour aider et qu’ils ont un cœur en or, je ne le dis pas juste parce que j’adore Israël, mais parce que c’est vrai », dit-elle en repensant à toutes les invitations qu’elle a reçues pour Shabbat ou les fêtes juives, nées parfois de rencontres fort brèves ou professionnelles.
Si Israël a ses sources de réconfort, le pays a également ses agents de stress. Celui du danger à ses portes est une réalité quotidienne. Nadine avoue avoir été traumatisée par l’attaque terroriste à proximité d’une station de train qu’elle venait de quitter fin septembre 2024, au moment où déferlaient des tirs de missiles provenant du Yémen, précédant une attaque directe iranienne. Cependant, même si elle cherche depuis à éviter certains lieux plus à risque, elle ne s’est aucunement privée de sorties ou de la vie qu’elle aurait menée dans un contexte sans conflit militaire.
« Pas question de peur, mais de vigilance », lance-t-elle.
Si elle redoutait jusque-là le moment de la première sirène ou du premier abri, elle s’est rapidement habituée aux consignes de sécurité, rassurée par une population qui veille à la sécurité de tous et par la confiance en la force militaire et protectrice de l’État d’Israël, le dôme de fer à l’appui.
« Une chose est sûre : tout est fait en Israël pour instaurer un sentiment de sécurité. Nul n’est livré à lui-même », rappelle-t-elle.
Évidemment, la guerre avec l’Iran a plongé les Israéliens dans l’inconnu, les attaques connaissant une ampleur inégalée jusque-là.
Si la possibilité de quitter temporairement le pays lui a été donnée, Nadine ne l’a pas envisagée. L’annonce du cessez-le-feu a marqué dès le lendemain la reprise du quotidien pour tous.
On pourrait se demander si son expérience en Israël a modifié son rapport à son identité juive.
Étant elle-même traditionaliste, Tel-Aviv lui apparaît comme une ville où il est parfois plus difficile de conserver ses traditions juives. Elle fait donc un effort particulier pour maintenir ses Shabbats en se rendant, par exemple, à la synagogue le samedi midi, ce qu’elle ne faisait pas forcément à Montréal.
Aujourd’hui, Nadine se sent plus apaisée qu’elle ne l’était au Québec, où l’avenir de la communauté juive l’inquiète. Après le 7 octobre 2023, elle avoue s’être sentie isolée, abandonnée, mal à l’aise soudainement dans une société parfois insensible à l’atrocité des faits et à la souffrance des Juifs de façon générale.
En Israël, pleinement comprise, elle s’épanouit.
Cependant, lele ne cache pas que toute immigration reste difficile, mais « pour un Juif, c’est la seule immigration où on rentre à la maison », conclut-elle.
