Quand rêver de créer donne naissance à l’art.
Rencontre avec la sculptrice Nicole Elarar
Par Edgar Galant
Nicole Elarar est née à Casablanca. Elle émigre en Israël avec sa famille à l’âge de 5 ans, pays où elle vivra jusqu’à son départ en 1977 pour s’installer au Canada, tout d’abord à Montréal, puis à Vancouver, avec un court intermède à Toronto. Elle a eu trois enfants nés respectivement à Montréal, Toronto et Vancouver avec son époux, Avraham Elarar, actuel président de la Fédération Sépharade du Canada.
Nicole n’est pas seulement une épouse, une mère et une grand-mère, elle se définit également comme une artiste autodidacte, une passion qu’elle exprime à travers la sculpture sur pierre depuis de longues années.
Elle a accepté de nous parler à bâtons rompus de cette passion qui s’exprime par l’originalité de son art, par sa technique ainsi que par le choix de son matériau.
Dans les cercles artistiques de Montréal, Nicole n’est pas une inconnue. Elle a par le passé exposé ses œuvres à la Sidney & Gertrude Art Gallery, au Saidye Bronfman Center for Arts, au Vanier College Gallery et pendant le Festival Sefarad de Montréal.
Depuis son enfance en Israël, et même pendant son service militaire, Nicole aimait ramasser des pierres et les collectionner, tout comme le sable.
« Les paysages sauvages d’Israël, dont la majesté sauvage des déserts du Néguev et de Judée, m’ont grandement inspirée », nous dit-elle.
Elle nous confie qu’elle a été influencée, durant son séjour à Vancouver, par les œuvres et la technique de sculpteurs canadiens de renom : Jerry-Lee Cerny, artiste visuelle connue pour ses sculptures en pierre et en bois, et Alberto Replanski, Canado-Argentin (1938-2008), connu pour ses sculptures en acier, dont la célèbre Multiple de 3 située au Meagan Ann MacDougall Park à Surrey, en Colombie-Britannique.
Questionnée sur les paramètres de son art qu’elle définit comme principalement abstrait, et où nous trouvons une dominance de thèmes féminins, Nicole nous explique ses trois composantes.
« Je les conçois dans cet ordre, le rêve, un élément incontournable, l’extraction de chaque éclat de roche et enfin le facteur temps pendant le processus de mise en œuvre du projet. Au début de chaque œuvre, il y a l’imagination enfantée par le rêve qui se présente à moi sous forme d’une image que je me force à raffiner dans mon esprit jusqu’au moment où je me sens prête à la dessiner. Une fois ce geste accompli, je choisis alors la pierre adéquate. Il m’arrive parfois que ce processus se fasse en sens inverse. »
Après avoir exécuté le dessin sur la pierre, elle passe à l’étape suivante, c’est-à-dire tailler directement sur la pierre en enlevant tout d’abord les gros morceaux, puis les éclats, et enfin les grains.
« Il m’arrive quelquefois que la roche se brise en deux parties, il ne s’agit pas d’un drame, mais au contraire de la naissance de deux sculptures différentes », précise-t-elle.
Il faut également prendre en compte le facteur temps pendant la taille, lorsque la pierre prend forme conformément à ce qu’elle avait imaginé au départ. Il lui arrive également que, au cours de ce processus, la pierre lui dévoile une autre forme que celle qu’elle avait imaginée. La sculpture devient alors une œuvre en mouvement, car elle change de forme et d’expression au fur et à mesure par rapport à ce qu’elle avait imaginé au début.
Quant au type de matériau choisi pour réaliser ses sculptures, Nicole nous confie que son choix se porte sur l’albâtre pour la magie de ses couleurs, la pierre savon ou stéatite pour sa tendreté et le marbre, matériau noble par excellence, mais difficile à travailler.

Ce désir de création ancré dans les tréfonds de son être que l’on pourrait comparer à une naissance lui fait immédiatement penser à cette sculpture de « la femme enceinte » ou à cette vieille femme marocaine allongée par terre, Leïla, dont le foulard attaché sur la tête, dit-elle, lui rappelle sa propre mère. Sans oublier cette noblesse d’expression sur le visage noir de Zipporah, la femme du prophète Moïse, qui est l’un des nombreux exemples criants de vérité parmi les nombreuses œuvres de Nicole.
En les découvrant, en s’attardant à l’expression humaine qui émane des profondeurs abstraites de la roche, on ne peut s’empêcher de penser à la citation bien connue de l’écrivain romantique du XIXe siècle, Alphonse de Lamartine, que toute une génération d’élèves a apprise sur les bancs d’école : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer? »
En contemplant les œuvres de Nicole Elarar, une artiste au sens noble du terme dont la simplicité, l’humanité et surtout ses rêves transparaissent au travers ses sculptures, on ne peut que donner raison à Lamartine.
Pour celles et ceux qui souhaitent découvrir ou redécouvrir les œuvres de l’artiste, une exposition aura lieu ce printemps, au mois de mai, au centre-ville, dans la célèbre Galerie 203, dont la directrice et propriétaire n’est autre que la sympathique et dynamique Corinne Asseraf. Cette dernière est bien connue dans la communauté juive et la communauté artistique montréalaise pour son engagement antérieur. Elle possède également deux autres galeries d’art en ville.
Site Web de Nicole Elarar : artelarar.com
Crédit photo : © N. Elarar