Arielle Meloul-Wechsler sur les ailes d’Air Canada
Par Sylvie Halpern
Quand on regarde son parcours – et celui, tout aussi spectaculaire, de sa sœur, Dany, à Radio-Canada –, on a envie de paraphraser une célèbre publicité qu’Esso avait lancée dans les années 60: « Mettez un tigre dans votre moteur! » Car quel tigre leurs parents immigrés du Maroc à la même époque ont-ils bien pu mettre dans le moteur de leurs deux filles pour qu’elles en viennent à décrocher l’une et l’autre le titre prestigieux de vice-présidente au faîte des sociétés les plus emblématiques de leur pays d’adoption?
« C’est drôle, dit Arielle Meloul-Wechsler dans un beau sourire, nos parents ne nous ont jamais poussées, jamais forcées à faire des choix ambitieux. Ou alors, ils l’ont fait très subtilement, en nous racontant leur histoire. Car au fond, je crois que c’est leur histoire qui nous a motivées et qui nous a donné des ailes: on ne pouvait vraiment pas ignorer tout ce qu’ils avaient rêvé de nous donner! »
L’histoire qu’Arielle connaît par cœur, c’est celle de ce jeune couple qui, tout juste marié – sa mère avait à peine 19 ans – a eu l’audace dès 1964 de quitter le Maroc et la chaleur d’une grande famille aimante pour débarquer dans ce Nord du nord que chantait Gilles Vigneault.
« Mon père a eu une belle offre au Québec (un poste à responsabilité au sein de ce qui était la Commission des Écoles protestantes). Mais surtout, nos parents souhaitaient sans doute un avenir radieux pour les enfants qu’ils n’avaient pas encore. Imaginez tous ces sacrifices qu’ils ont faits pour nous! »
Ils ont eu deux filles et ne leur ont certainement pas parlé de plafond de verre. À la maison, l’éducation, c’était sacré. Et après toute une scolarité dans le système public, quand Arielle hésitait sur son choix d’études universitaires, elle a bien retenu la leçon de son père : « Si tu n’es pas sûre de ce que tu veux faire, vise plus haut : c’est toujours plus facile de descendre que de monter. »
Alors, lentement mais sûrement, elle n’a jamais cessé de monter… Plutôt matheuse, elle a adoré ses études de droit à l’Université de Montréal.
« Le droit, c’est un formidable outil pour décortiquer des problèmes complexes et dans les affaires, c’est ce à quoi on fait face tous les jours! »
Mais son bac en psychologie obtenu à l’Université McGill lui a peut-être été encore plus utile, assure la vice-présidente générale et chef des Ressources humaines et des Affaires publiques d’Air Canada, qui se perçoit avant tout comme une rassembleuse.
« Comprendre les gens, les rencontrer là où ils en sont dans leurs attentes, décoder le non-verbal, écouter au lieu de parler, la psychologie m’est tellement précieuse! Créer par exemple des ponts entre vendeurs et acquéreurs lors des transactions au lieu de les regarder se déchirer. Ou dans les négociations avec nos syndicats, trouver des solutions qui fonctionnent pour tous plutôt que d’avoir juste à l’esprit de gagner! Moi, comme avocate, je n’ai jamais voulu faire du litige. »
Après avoir commencé sa pratique en droit commercial dans un gros cabinet montréalais, Arielle a eu l’opportunité d’entrer à Air Canada, qu’elle n’a plus quittée depuis. C’était il y a 27 ans.
« Avant, j’adorais donner des conseils à toutes sortes de sociétés; mais en me concentrant sur une grosse entreprise, j’ai pu approfondir, comprendre les pourquoi, suivre les transactions du début à la fin, prendre part aux processus de décision… C’est passionnant. »
Au cours de sa montée au pinacle, elle ne s’est jamais lassée. Entrée dans les années difficiles du rebâtissage et du refinancement d’Air Canada, elle s’est ensuite attelée, en ressources humaines, aux changements de culture: sous sa houlette, des conventions collectives de dix ans ont été pour la première fois signées avec les syndicats… Et aujourd’hui, figurent en bonne place à son agenda les communications internes et externes, comme les relations avec les gouvernements.
« Avec tout ce qui ce passe au niveau géopolitique, il faut regarder ça de très près! »
Plus tous ces grands défis auxquels toutes les compagnies aériennes sont confrontées : retrouver le volume de vols d’avant la pandémie de COVID-19, s’assurer des livraisons des avions et des pièces, améliorer le service à la clientèle (en français, notamment!) … Ouf! Mais Arielle n’a pas peur d’interchanger ses casquettes.
« Des pilotes aux mécaniciens jusqu’à la haute direction, c’est une industrie largement dominée par les hommes et comme partout, le plafond de verre a la vie dure. Mais on progresse, ça me tient à cœur, et si je peux servir de modèle. »
Au début de sa carrière, Arielle s’est beaucoup investie à la Fédération CJA, au niveau de la relève et de la collecte de fonds. Tout comme elle s’impliquait aux Centres Hillel de l’Université McGill et de l’Université de Montréal.
Ses jumeaux de 25 ans ont d’ailleurs fait leur primaire à l’École Akiva. L’un d’eux a obtenu sa maîtrise l’hiver dernier à l’Université Columbia, à New York. Un campus très agité. Bien sûr, elle a tremblé pendant ces journées si ardues.
« Ce que nous vivons est très lourd et ce qui est si traumatisant, c’est que l’antisémitisme soit redevenu tellement acceptable! Il faut croire qu’il était juste sous la surface… »
Crédit photo : © Air Canada