Hanouka, la victoire de la lumière sur l’obscurité
par Rabbin Haim Nataf
Le Rav Haim Nataf est le Rabbin de la Congrégation Petah Tikvah de Ville Saint-Laurent. Il est le fondateur du Kollel (Formation de cadres rabbiniques) Petah Tikva et des institutions Maor Yisrael (Yéchiva et Beth Yaakov).
Chers amis,
À l’approche de Hanouka, la fête qui symbolise la victoire de la lumière sur l’obscurité, nous nous souvenons que ce n’est pas seulement une victoire militaire que nous célébrons, mais une lutte spirituelle profonde. Comme le souligne Rabbi Yitzhak Hutner dans son Pachad Yitzchak, Hanouka représente bien plus qu’une résistance contre une oppression étrangère : elle est une victoire contre les forces internes d’assimilation, face aux influences grecques qui tentaient de défaire l’âme du peuple juif, même au sein de la Terre d’Israël.
Rabbi Hutner explore un concept particulièrement pertinent aujourd’hui : un exil peut survenir même au cœur de notre terre ancestrale lorsque l’identité juive et la Torah sont écartées.
« כיוון שהתורה הודיעה על ארבע
הגליות בפסוק ‘גר יהיה זרעך בארץ לא להם’… כיצד זה התקיים בגלות יון »
Il souligne ici un paradoxe : l’exil de Yavan (la Grèce) n’a pas physiquement exilé le peuple juif de sa terre, mais a opéré un exil intérieur, spirituel, créant un état d’« étrangeté » même au sein de son propre foyer. Par leur sagesse rationaliste, les Grecs ont instauré un état d’éloignement spirituel dans la vie juive elle-même.
Ce message est essentiel aujourd’hui, en particulier pour nous, communautés de la diaspora, confrontées au défi constant de maintenir une identité juive authentique, enracinée dans la Torah. Nos Sages expliquent que le judaïsme ne se résume pas à des rituels isolés, mais est une vie entière, imprégnée de Torah et de mitsvot. En adoptant des idéaux et des valeurs grecs, certains membres du peuple juif se sont paradoxalement retrouvés en exil, bien que physiquement enracinés en Israël.
Rabbi Hutner qualifie cela de « גלות בתוך עריהם של ישראל עצמם » — un exil vécu non par une séparation géographique, mais par une coupure spirituelle, une perte de connexion avec la Torah.
Cette réflexion nous amène à considérer l’importance de préserver notre héritage et notre identité face aux influences extérieures, même lorsque celles-ci semblent positives ou modernisantes. Rabbi Hutner, à travers cette analyse de Hanouka, nous enseigne que l’identité juive se maintient non par une simple revendication de la terre ou des coutumes, mais par une adhésion profonde et continue à la Torah. Car c’est dans la Torah, et non seulement dans le lieu géographique, que réside la véritable vitalité du peuple juif. La lumière de Hanouka, qui brûle au-delà de ce que l’on pourrait rationnellement espérer, symbolise cette vitalité surnaturelle, cette capacité de l’âme juive à persister, même lorsqu’elle est confrontée à des forces d’assimilation puissantes.
La communauté : une lumière collective
L’allumage de la ménorah על פתח ביתו מבחוץ — à l’extérieur, face au domaine public — incarne une idée que Rabbi Hutner et Rabbi Joseph B. Soloveitchik partageaient : la lumière juive n’est pas faite pour rester confinée, mais pour illuminer le monde extérieur. Rabbi Soloveitchik, dans son approche dialectique de l’effort humain et de l’assistance divine, souligne que Hanouka symbolise non seulement notre foi en l’intervention divine, mais aussi notre responsabilité d’agir dans le monde en diffusant la Torah.
Cette lumière que nous diffusons n’est pas seulement la nôtre; elle est celle de toute une tradition, de générations de Sages et de Maîtres qui ont su la préserver malgré les adversités. Dans un monde où les influences extérieures menacent parfois de diluer notre identité, cette lumière collective nous rappelle que notre mission ne se limite pas à notre bien-être individuel, mais implique une responsabilité envers notre communauté et les générations futures. Nos synagogues et nos écoles doivent donc veiller à ce que cette lumière de Torah reste forte et vivante, malgré les défis modernes.
La leçon de Hanouka : de la lumière dans nos communautés
Hanouka nous enseigne également l’importance de l’unité face aux divisions internes. Comme les Maccabées ont su rassembler un peuple fragmenté pour défendre leur patrimoine commun, nous devons aujourd’hui nous efforcer de maintenir l’unité au sein de nos communautés. Rabbi Soloveitchik parle souvent de la nécessité de l’équilibre entre l’effort humain et la foi en Dieu. Les Maccabées ont combattu sur le plan matériel, mais leur véritable victoire, célébrée par le miracle de l’huile, venait de leur fidélité spirituelle. Ce modèle nous rappelle que nos actions doivent être ancrées dans la Torah, même lorsque nous faisons face aux pressions externes de l’assimilation ou aux tensions internes.
Pour notre communauté à Montréal, cela signifie que le maintien d’une identité juive vibrante repose non seulement sur nos institutions, mais sur l’engagement de chacun à diffuser et à vivre la Torah au quotidien. Rabbi Hutner nous rappelle que la lumière de la Torah est capable de nous protéger d’un exil intérieur, un état où la distance spirituelle nous éloigne de notre identité essentielle. Nos défis contemporains, bien qu’ils diffèrent en forme, partagent une essence avec ceux que les Maccabées ont affrontés : la nécessité de préserver notre lumière unique face à des forces qui tentent de l’éteindre.
La flamme de Hanouka, un appel au renouveau
Alors que nous allumons les bougies de Hanouka, nous nous rappelons que cette lumière représente bien plus qu’une commémoration. Elle symbolise une mission vivante, un engagement à maintenir la présence divine dans notre vie collective. Comme Rabbi Hutner et Rabbi Soloveitchik le soulignent, cette flamme, nourrie par l’huile de la Torah, est notre véritable héritage, une lumière capable de transcender les âges et de résonner à travers les générations.
En cultivant cette lumière dans nos maisons, nos communautés et nos institutions, nous répondons à l’appel de Hanouka : préserver une identité juive forte, unifiée et résiliente, qui brille même dans un monde de défis constants. Puisse cette lumière de Hanouka nous inspirer et nous guider, comme elle l’a fait pour nos ancêtres, dans notre quête d’un judaïsme authentique, vivant et fidèle à ses valeurs essentielles.
Hanouka Sameah.
Crédit photo : © Rabbin Haim Nataf