« Le Hamas est une organisation terroriste vouée à la destruction d’Israël »
par Yvan Cliche
Une dissection décapante et profonde d’une organisation barbare et foncièrement antisémite.
Mohamed Sifaoui a accordé une entrevue à La Voix sépharade, réalisée par visioconférence le 1er octobre dernier.
Vous rappelez dans votre livre que le 7 octobre 2023 a révélé la vraie nature du Hamas : une organisation antisémite et totalitaire, entièrement vouée à la destruction d’Israël. Et que les cessez-le-feu réclamés par la communauté internationale depuis le début de la guerre à Gaza permettent en fait au Hamas de se renforcer. Comment expliquer la méconnaissance profonde des Occidentaux de cette entité qui règne d’une manière autocratique sur Gaza depuis 2007 ?
Depuis plusieurs années, je constate dans les pays occidentaux une méconnaissance totale de la réalité de l’islam politique et du monde musulman. J’explique cela comme une forme de manque de respect dû à son ennemi. Je ne parle pas ici de déférence bien sûr, mais de bien connaître son ennemi grâce à une étude minutieuse, comme l’Occident l’a fait du temps de la Guerre froide avec l’Union soviétique. Les Occidentaux savaient tout de l’URSS, du communisme, du fonctionnement de l’État soviétique, de ses services secrets, de l’armée rouge, etc.
Avec l’islamisme, il y a eu une sorte de dédain de cette mouvance, ce qui fait qu’à chaque fois, à chaque événement, les Occidentaux se montrent surpris.
Par exemple, les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis découlent d’une méconnaissance de la réalité opérationnelle de l’islamisme, du jusqu’au-boutisme de la mouvance djihadiste, de sa capacité à déjouer les modèles de surveillance. Cela s’est répété en Europe et, à chaque fois, c’est le même étonnement.
Concernant le 7 octobre 2023, il y a eu des signaux sur le fait que le Hamas et le Djihad islamique préparaient un coup très important. Les Israéliens n’ont pas pris la mesure du sérieux de la préparation du Hamas.
Quel est le principal objectif de votre livre ?
Pédagogique : amener le lecteur dans un territoire qu’il ne connaît pas, pour mieux saisir la nature profonde des ennemis d’Israël, car ceux-ci sont aussi des ennemis des démocraties. Celles-ci ont été indulgentes face à l’idéologie islamiste qui ne produit pas uniquement de la violence, sa manifestation la plus spectaculaire. Il y a d’autres éléments qui posent des problèmes : la question de l’égalité entre hommes et femmes; les droits des minorités sexuelles; la cohabitation entre les croyances.
L’islam politique nous place devant des défis dangereux, qui fragilisent nos démocraties, par exemple : l’autocensure devant la peur; la montée de l’antisémitisme sous couvert de critiques du gouvernement israélien, sans distinguo entre la critique légitime et le refus de l’existence d’Israël.
L’islamisme est le fascisme du monde musulman et, cela, malheureusement, beaucoup ne le comprennent pas. Derrière ces mouvements islamistes radicaux, il y a la République islamique d’Iran, qui joue un rôle de marionnettiste et qui instrumentalise les groupes islamistes de la région pour faire avancer ses intérêts stratégiques.
Ce qui est sidérant à la lecture de votre livre, c’est de constater qu’un mouvement terroriste et maladivement antisémite comme le Hamas puisse bénéficier d’autant de sympathie en Occident, comme on l’a vu ces derniers mois dans les campus nord-américains et européens. Comment expliquer cet engouement pour cette organisation terroriste ?
Je pense que notre jeunesse n’est pas suffisamment formée et informée. Plusieurs sont dans la posture, qui est le contraire d’une position réfléchie, pensée, argumentée. La propagande et le narratif du Hamas réussissent à séduire plusieurs composantes de nos sociétés. Le Hamas est une organisation qui se victimise énormément, et ce malgré une Charte officielle qui s’oppose à tout processus de paix et à la coexistence avec l’État d’Israël. Le Hamas joue sur un discours anticolonialiste, antiségrégationniste, pour plaire à des pays comme l’Algérie et l’Afrique du Sud. Il vise à pousser les gens dans une approche binaire de ce conflit : un méchant, Israël, et un gentil, le Hamas.
Or, quelles que soient les critiques que l’on peut formuler à l’endroit du gouvernement israélien, il ne faut pas oublier qu’Israël est une démocratie, menacée dans son existence. Quelle que soit la légitimité des revendications palestiniennes, celles-ci sont en ce moment essentiellement portées par des organisations terroristes.
On peut certes discuter de la légitimité de la création d’un État palestinien, ce que je favorise, mais il faut que cet État puisse être négocié dans un cadre de reconnaissance, de sécurité et de paix durable.
L’objectif ultime de guerre d’Israël est l’éradication du Hamas. Est-ce un objectif réaliste ?
Le Hamas ne considère pas que c’est une lutte perdue d’avance. Il croit qu’il va gagner la guerre. Il compte détruire Israël en menant une guerre d’usure.
Israël est une société divisée qui a peur. Je parle des parents qui voient leurs enfants faire la guerre, donc au péril de leur vie. Aujourd’hui, c’est un pays avec une économie à l’arrêt. Un tourisme en souffrance. Des symptômes post-traumatiques depuis le 7 octobre 2023, y compris chez les soldats. Tout cela va se poursuivre.
Les organisations islamistes le savent. Elles agissent dans la durée. Leur objectif ultime : que les Juifs de la diaspora ne songent plus à faire leur Alya, que les familles israéliennes envoient leurs enfants à l’étranger.
Ce que veulent les islamistes : créer des conditions d’insécurité permanente. Ils l’ont dit, l’ont écrit, ils veulent éliminer les Juifs du territoire, dans une logique de guerre totale. Ils veulent le délabrement de la société israélienne.
Israël est donc confronté à un défi existentiel : c’est pourquoi il est étonnant qu’il n’y ait pas plus de sympathie dans les sociétés démocratiques pour la cause que ce pays défend.
Pendant des années, Israël a facilité le financement du Hamas par le truchement du Qatar. Comment expliquer cette cécité politique de la part des gouvernants d’Israël ?
La première erreur d’Israël a été commise par Ariel Sharon en 2005 : le retrait unilatéral de Gaza, tout en sachant que ce territoire allait échoir au Hamas et au Djihad islamique.
La deuxième erreur est celle de la droite dure israélienne, qui refuse la reconnaissance d’un État palestinien et qui invoque sans cesse l’existence des mouvements terroristes pour justifier la non-reconnaissance d’un État palestinien viable.
Au surplus, le fait d’avoir demandé au Qatar de financer l’administration à Gaza est d’une incohérence totale : c’est le résultat du grand cynisme de Benyamin Netanyahou, ceci afin d’entretenir les conditions d’une instabilité dans le dessein de ne pas négocier avec les Palestiniens. Netanyahou est plus proche du camp des annexionnistes que du camp de la paix. Malheureusement, sa politique, comme je l’avais déjà prévu et écrit, ne pouvait mener Israël que vers la catastrophe.
Sur les plans militaire et idéologique, y a-t-il des similitudes entre le Hamas et son allié inconditionnel libanais, le Hezbollah ?
Ces deux organisations ont intégré un « axe de la résistance », soit un conglomérat d’organisations terroristes, du Yémen à l’Irak, le régime islamique iranien est la tête de cette pieuvre.
Cet « axe de la résistance » ne soutient aucune cause nationale. Il n’est au service que d’une seule stratégie, celle dessinée par le régime islamique iranien. La cause palestinienne ne sert aujourd’hui que de prétexte pour détruire Israël et encercler l’Arabie saoudite. Ces organisations islamistes ont effectué en quelque sorte une OPA (une prise de contrôle) sur la cause palestinienne.
Comment envisagez-vous l’après-guerre à Gaza ?
C’est bien difficile à prévoir. La stabilité à Gaza ne peut intervenir avant le démantèlement des tunnels, la neutralisation des combattants en armes du Hamas, la saisie des stocks d’armement, la stabilisation de la situation sur le plan sécuritaire. Il faudra au moins un an à Israël avant de maîtriser les différentes poches de combat, sans compter les risques d’attentats visant des intérêts israéliens à l’étranger. La guerre changera de visage, elle pourrait se déplacer. Il faudra redoubler de vigilance.
La question de l’après-guerre sera aussi liée au rôle des pays arabes (Arabie saoudite, Égypte, Jordanie), qui devront apporter leur contribution pour permettre la reconstruction du territoire de Gaza. Il y a aussi l’Autorité palestinienne, en Cisjordanie, qui doit se réformer pour que des acteurs politiques palestiniens plus aguerris, hors de l’influence de l’Iran, puissent négocier une paix véritable.
Crédit photo : © Éditions du Rocher