Message de Roch Hachana du Grand Rabbin du Québec, David Sabbah
par Grand Rabbin du Québec, David Sabbah
Avant tout, permettez-moi de vous exprimer mes vœux les plus ardents de Chana tova Oumborekhet – שנה טובה ומבורכת. Puisse הקב”ה combler chacune et chacun de joie, bonheur, santé, prospérité et surtout longue vie.
Puisse le peuple d’Israël retrouver la Paix, le Shalom, la plénitude et l’unité dans un monde qui a recouvré sa foi dans la coexistence et l’entente entre tous les peuples de la terre.
Les prières de Roch ha-Chana s’ouvrent par Ahot Kétana, pièce liturgique dont le refrain, Tikhlé chana véquilélotéha – תכלה שנה וקללותיה (que l’année finisse en emportant ses malédictions), exprime le ferme espoir de voir disparaître toute source de malheur et de souffrance. Elles s’achèvent sur le vœu fervent de vivre la nouvelle année pleine de bonheurs : Tahèle chana oubirkhotéha – תחל שנה וברכותיה (que la nouvelle année nous apporte ses bénédictions). Il s’agit vraiment de ce besoin absolu de paix et de bien-être qui nous soulagera des souffrances et des épreuves récentes.
La Torah appelle Roch ha-Chana Yom hazikarone – יום הזכרון (jour du Souvenir), car le souvenir de tous les êtres monte auprès du Créateur pour les juger. En fait, le mois d’Éloul qui le précède permet à chacun de se préparer activement à ce jour. D’ailleurs, Adam, après avoir fauté en ce jour, comparut devant le Créateur et, ayant réalisé un repentir, bénéficia de l’indulgence divine. Ce jour sera Yom ha-Din – יום הדין (jour de Jugement) pour tous ses descendants. Et de même qu’Adam, pour mériter l’indulgence divine, dut réaliser un repentir, ses descendants, pour ce faire, doivent également recourir à la Téchouva (תשובה), au repentir.
À Roch ha-Chana, la Torah prescrit de sonner le Chofar (שופר), la corne de bélier. Rambam dut recourir à l’interprétation symbolique pour donner un sens à cette mitsva (מצוה), une prescription qui est en fait un décret divin dont le sens demeure caché aux hommes. Pour lui, la sonnerie du Chofar est un appel à notre vigilance morale, qui se trouve dans un état de torpeur. Son cri se charge de nous réveiller pour réaliser un examen de conscience, le bilan moral de notre conduite de l’année, et de prendre les résolutions qui s’imposent, sans chercher des justifications ou des circonstances atténuantes mais plutôt les causes véritables de notre défaillance. Ces résolutions viseront donc à rendre meilleur notre comportement, c’est-à-dire à embellir notre activité morale. C’est, dit-il, la signification du terme Chofar qui fait allusion à Shapérou ma’assékhém – שפרו מעשיכם (embellissez vos actions).
Sans doute cet examen nous révélera-t-il combien il faut réclamer de chacun de nous d’aimer le prochain, de chercher l’unité au sein de la communauté, et surtout de quitter ce masque d’indifférence et l’absence de compassion. La transformation morale de toute la communauté passe nécessairement par la transformation de chacun. Ce qu’il pense trouver comme défaut chez l’autre n’est en fait que le reflet de son image que lui renvoie l’autre. Alors, l’effort que tu voulais exiger de lui, exige-le donc de toi, et la paix et l’entente deviendront une réalité.
Rappelons ce magnifique enseignement talmudique (Kidouchine 40b) : « L’homme doit se considérer en tout temps comme s’il était moitié coupable, moitié innocent, de même que le monde est moitié coupable, moitié innocent. En réalisant une bonne action, heureux soit-il car il fait pencher vers l’innocence, aussi bien pour lui que pour le monde entier. Mais au contraire, s’il fait une mauvaise action, malheur à lui et au monde car il a fait pencher le monde et lui-même vers la culpabilité. » Voilà, le devenir du monde, de ta communauté, et leur bonheur dépendent de ton comportement. Une seule bonne action peut changer l’image et la situation morales du monde.
Avant Sa révélation sur le Mont Sinaï pour octroyer Sa Torah à Israël, Hashèm la proposa à tous les peuples. Chacun invoqua une raison pour refuser. En effet, quiconque accepte d’adhérer à la Loi divine à l’exception d’un principe ou d’un article rejette en fait toute la loi. Israël fut le seul qui, d’emblée, répondit de manière unanime, Naassé vé-nichma – נעשה ונשמע (nous réaliserons et nous obéirons). Nos Maîtres z”l disent que sans cette acceptation unanime, une seule voix en désaccord aurait suffi pour mettre le monde en péril, la Torah étant la base fondamentale du monde.
Mais au moment où Hashèm parle à Son peuple, le cri du Chofar allait en s’amplifiant si bien que le texte souligne la grande terreur qui s’empara du peuple d’Israël. Pourquoi? La crainte de Hashèm, suggérée par la sonnerie du Chofar, agira comme l’élément unificateur d’Israël. Sans cette unité, la Torah éclaterait et donnerait naissance à plusieurs Torot. Or, de même que Hashèm est Un, la Torah est Une et Israël est Un. C’est la raison pour laquelle Israël se doit de veiller à son unité pour ne point briser ce cycle unitaire.
Par ailleurs, le Chofar serait l’instrument de l’annonce de l’arrivée du Libérateur d’Israël. Dans les trois prières quotidiennes, nous revenons sur cette imploration : Ték’a béchofar gadol l’hérouténou Véssa nès léqabbèts galouyoténou – תקע בשופר גדול לחרותנו ושא נס לקבץ גלויותנו (Sonne avec un grand Chofar notre délivrance et lève haut le drapeau pour le retour des exilés). Le Chofar est l’instrument de notre délivrance. Faut-il rappeler que tout dépend de notre fidélité à Hashèm, à Sa Torah et, surtout, de l’amour du prochain qui débouche sur l’unité de tout le peuple, condition essentielle à la délivrance messianique.
Ces trois fonctions du Chofar — l’appel au repentir, la réalisation de l’unité d’Israël à travers la mise en pratique de la Torah et l’annonce de la délivrance future — se rattachent toutes au bélier sacrifié à la place d’Itshaq. Sans l’amour qu’Abraham vouait à Hashèm et qui ne se fit pas prier pour obéir à l’ordre divin de sacrifier son fils unique pour prouver aux yeux de tous l’amour et le respect qu’il avait pour Hashèm, Israël, en tant qu’héritier d’Abraham, aurait du mal à mériter la sollicitude et la protection divines. Nos Maîtres z”l affirment d’ailleurs que les cendres du bélier d’Itshaq sont toujours devant Hashèm pour que le mérite de ce sacrifice plaide en faveur d’Israël et lui procure compassion, pardon et soutien divins, Amen.
Chana Tova oumtouka.