Éliette Abécassis raconte l’histoire de la Bible dans une superbe BD
Comme dit mon père, Armand Abécassis : « Les Juifs ne sont pas le peuple du livre, mais le peuple de l’interprétation du livre »
C’est certainement le livre le plus inattendu de la romancière Éliette Abécassis : une bande dessinée (BD) dans laquelle elle relate l’histoire de l’écriture de la Bible, de Moïse à aujourd’hui, Sépher. L’épopée millénaire de la Bible (Éditions Albin Michel, 2023).
Les dessins magnifiques et très originaux illustrant ce roman graphique sont de Néjib, auteur de BD à succès franco-tunisien.
Le professeur Armand Abécassis, père d’Éliette et éminent connaisseur du Talmud, est l’un des personnages centraux de cette BD brillante, captivante et très instructive.
Éliette Abécassis a répondu aux questions de La Voix sépharade.
Qu’est-ce qui vous a motivée à adapter, avec la complicité du dessinateur Néjib, l’histoire plurimillénaire de la Bible en BD ?
L’envie de raconter une histoire qui est celle du peuple juif, avec un angle original : un père qui transmet à sa fille, non pas l’histoire de la Bible, mais de l’écriture de la Bible. J’ai ressenti comme une urgence à poser la question actuelle de la transmission. Que transmettre? Comment transmettre? C’est le problème essentiel de notre époque.
Pourquoi ce choix de raconter l’histoire de l’écriture de la Bible ?
Ce choix est en effet destiné à rappeler l’importance du texte écrit dans une époque où la lecture est en train de disparaître, et plus encore, la transmission orale qui permet à notre culture et à nos valeurs de perdurer, malgré l’antisémitisme de toutes les époques. Nous le voyons aujourd’hui avec une violence inouïe et la seule réponse, c’est de se battre avec les armes militaires et les armes de l’esprit.
Pourquoi votre récit débute avec la découverte des manuscrits de la mer Morte à Qumran, en 1947 ?
C’est une histoire fondatrice à mon avis. Personnellement, c’est mon premier livre, Qumran, qui est un thriller sur l’épopée des manuscrits de la mer morte. Mais aussi, cette découverte archéologique a permis de montrer que le texte que nous lisons aujourd’hui est rigoureusement le même que celui de nos ancêtres.
L’un des personnages de cette BD est votre père, Armand Abécassis, éminent éxégète de la Bible. Son souci constant de la transmission de ce texte sacré est au cœur de votre récit.
Comme je l’ai écrit dans mon livre La transmission (Éditions Robert Laffont, 2022), mon père consacre en effet toute sa vie à la transmission. Il est habité par une mission qui le dépasse et le transcende, celle de perpétuer les valeurs de notre tradition, c’est ce qui donne un sens à sa vie, comme à celle de tous nos sages grâce à qui le judaïsme a pu persévérer malgré tous ses persécuteurs. Je lui rends hommage ici dans ce texte en en faisant le personnage principal de l’épopée de la bible.
Avec humour : il aime aussi beaucoup les westerns, et il raconte l’histoire à la façon d’un western!
Au fil de l’histoire, la Bible a été l’objet de tentatives incessantes d’annihilation, d’autodafés… Étonnamment, on apprend dans cette BD que les nazis ont confisqué des dizaines de milliers de livres sur le judaïsme afin de créer la plus grande bibliothèque juive d’Europe.
Oui, c’est cette histoire que j’ai découverte en effet. Les nazis ont pillé les bibliothèques juives pour créer un immense fonds à partir de tous les livres juifs. Au Moyen Âge, l’autodafé du Talmud par Saint Louis, tout autant que ceux de l’Inquisition, montre que dans l’antisémitisme il y a cette part de jalousie par rapport au trésor de notre tradition, qui est la Torah. C’est l’image de notre âme et c’est ce que l’on cherche sans cesse à nous retirer. Mais nous résistons. Et nous survivrons.
Vous nous rappelez à quel point le judaïsme n’est pas une religion figée sur un dogme mais qu’au contraire, ses textes primordiaux sont en constante évolution.
Oui, c’est ce qui fait la grandeur du judaïsme, à chaque époque, de Moïse jusqu’à mon père. Les penseurs, les rabbins et les sages juifs ont toujours interprété la Bible. Comme dit mon père :
« Les Juifs ne sont pas le peuple du livre, mais le peuple de l’interprétation du livre. »