Qu’est-ce qu’être Sépharade dans la société israélienne d’aujourd’hui?
« En mettant tous les non-Ashkénazes dans le même sac oriental, la question sépharade s’est totalement diluée »
Réflexions de l’écrivain et philosophe Ami Bouganim

Ami Bouganim. (Crédit : A. Bouganim)
Né en 1951 dans la ville portuaire marocaine d’Essaouira (Mogador), l’essayiste, romancier et philosophe Ami Bouganim est l’un des grands écrivains et intellectuels contemporains israéliens de langue française. Il est celui qui a le mieux retracé le déracinement de la communauté juive marocaine d’Israël ayant fait son Aliya dans les années 50 et 60.
Ami Bouganim, qui vit à Netanya depuis 1970, est l’auteur d’une cinquantaine de romans, nouvelles et essais, écrits parallèlement en français et en hébreu. Son dernier livre: Le livre violet (Éditions de Mai-Fondation Matanel, 2023).
Ami Bouganim nous a livré ses réflexions sur cette brûlante question identitaire. Il a répondu par courriel aux questions de La voix sépharade.
Vous êtes un écrivain prolifique. Parlez-nous de votre travail littéraire.
Il m’est difficile d’écrire sur ma production littéraire pour la simple raison que je ne l’ai jamais programmée et que je me suis laissé entraîner par mes intérêts et les commandes. Je ne suis ni un écrivain – je n’ai pas écrit les Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez et ne me suis pas acquitté d’une œuvre de l’envergure de celle d’un Kafka – ni un philosophe. J’ai tôt compris que la philosophie se traînait en prêches derrière les découvertes des sciences et les questions qu’elle soulevait. J’ai consacré de nombreuses chroniques à la vie des Juifs du Maroc dans des textes signés de mon nom quand l’action se situait à Essaouira-Mogador (Récits du Mellah, Le Dernier de Mogador, Le Livre violet) ou de pseudonymes selon les villes (Sid Maleh pour Le Chantre des murs blancs, qui retrace l’odyssée musicale du Casablancais David Bouzaglo, Neri Segrè pour Le Parchemin de Nietzsche, qui évoque le personnage haut en couleurs de Leibl Weisfisch). L’essai se glisse immanquablement dans ma narration littéraire tant pour lui donner des thèses – je ne m’intéresse pas à la littérature dénuée de thèses – que par tarissement romanesque.
Le pan hébraïque de votre production littéraire est aussi important.
Celui-ci se décline dans une série d’ouvrages qui traitent de personnages en transit entre la Diaspora et Israël. C’est la fin d’un certain Juif diasporique, le début d’un nouveau Juif israélien-diasporique. Ces ouvrages, à la croisée de l’essai et du romanesque, disent ensemble les déboires et les succès de cette génération de transition plus désorientée et narquoise que convaincue et rassurée par l’odyssée sioniste. Je ne sais pas à ce jour ce qui a motivé le départ des Juifs du Maroc. La peur de représailles de la part de populations hostiles à la création d’Israël? De la part des autorités qui reprochaient aux Juifs citadins une collaboration enthousiaste avec les colonisateurs français? Une mobilisation messianique qui couvait depuis des siècles, précipitée par un régime de brimades, d’humiliations et d’exclusions? Pour abandonner aussi précipitamment les tombes de leurs pères et de leurs mères, les émigrés devaient être pressés par des motivations plus impérieuses que la nostalgie pour Jérusalem, ritualisée au gré des siècles, sinon des millénaires, dans des prières qui leur tenaient lieu d’exutoires. La question du départ des Juifs du Maroc n’a pas été élucidée. Ce n’est pas la seule. L’histoire juive, tant en Orient qu’en Occident, est un recueil de questions éludées. Comme d’ailleurs l’existence et la survie juives. Les problématiques traitées par ces ouvrages devaient l’être en hébreu. Pour coller aux réalités et aux personnages. Pour atténuer le poids colonial du français qui entrave aujourd’hui encore la naissance d’une grande littérature arabe ou d’une pensée intéressante arabe. Je suis à la croisée de ces trois langues, je ne pouvais que m’acquitter d’un tribut en hébreu.
Parlez-nous de votre parcours de chercheur.
C’est un parcours plus accidenté et dispersé que concentré. J’ai orienté mes recherches vers des penseurs du judaïsme qui tentaient de donner le change à des philosophes. Le Testament de Spinoza reconstitue une biographie intellectuelle de Spinoza sous le double ascendant de Dilthey, qui prescrit de reconstituer l’atelier de création des grands auteurs, et du médiéviste Harry Austryn Wolfson qui, à Harvard au début du 20e siècle, posait qu’il n’est pas un traité qui ne soit la compilation, plus ou moins documentée et argumentée, des traités sur lesquels il repose.
De même pour une biographie de Franz Kafka comme dernier kabbaliste (sous le pseudonyme de David H. Berger), Hermann Cohen, Franz Rosenzweig, Dov Soloveitchik, etc.
Mes recherches sur Levinas et sur Heidegger m’ont amené à la conclusion que la philosophie traditionnelle, essentiellement herméneutique, commentant des prophètes ou des poètes, ne se composait que de prêches débordés de toutes parts par les sciences dites naturelles. Cela m’a conduit à dénoncer l’hagiographie qui anime ces gestes herméneutiques, à rompre avec le prêche philosophique et à m’orienter vers la philosophie des sciences. Mon intérêt pour la Pensée juive ne m’en a pas moins amené à m’interroger sur la condition juive au lendemain de la Shoah et de son traitement sioniste et à me poser en des termes réactualisés la nouvelle question théologico-politique du monde et d’Israël. C’était pour mieux comprendre les enjeux civilisationnels et ne pas en rester aux baratins intellectuels médiatiques. Le monde, irrémédiablement mondialisé et métissé, malgré les régressions souverainistes plus ridicules ou pathétiques que convaincantes, est confronté à de nouvelles problématiques théologico-politiques qui décideront du sort des nations en général et d’Israël en particulier.
Vous êtes très actif sur Internet et sur les réseaux sociaux. Vous avez votre propre Blog littéraire.
Ces dernières années, la plus grande partie de ma production est digitale. On ne peut écrire de nos jours sans prendre en considération les ressources littéraires et éditoriales que les réseaux sociaux mettent à notre disposition. Ils nous invitent à pratiquer la nouvelle, l’aphorisme, la remarque, le commentaire plutôt que la dissertation. S’est ainsi constituée une œuvre continue parallèle, tant littéraire (des nouvelles surtout) que philosophiques (des notes analytiques sur les sciences surtout). Les nouvelles technologies se proposent en véhicules de nouveaux modes de création et de réflexion qui ne seraient pas moins intéressants que les prêches qui dominent la civilisation livresque.
Quelle place occupe le sépharadisme dans la société israélienne d’aujourd’hui ?
Je reconnais ne suivre ni les recherches rabbiniques ni les recherches folkloriques sépharades, je ne saurais donc me prononcer sur celles-ci qui me semblent avoir épuisé la nostalgie qui les portait. En revanche, nous assistons à une véritable appropriation, sans récriminations et sans complexes, de la productivité israélienne par les Orientaux des deuxième et troisième générations. Leurs contributions à la recherche médicale, aux sciences astrophysiques, à la biologie et à l’Intelligence artificielle (IA) sont prometteuses. Nous assistons également à l’émergence de nouveaux artistes qui s’inscrivent dans des tendances mondialistes. Cependant, la classe politique sépharade reste aussi inintéressante et incompétente que par le passé, à l’exception notoire des femmes qu’elles soient de droite ou de gauche – du moins dans les formations non intégristes qui persistent elles à pratiquer une scandaleuse exploitation de la femme et sa réclusion, légitimée par toutes sortes de commentaires rabbiniques ou para- rabbiniques.
La « Question sépharade » dans la société israélienne, très aiguë dans les années 60 et 70, est-elle révolue ?
C’est de moins en moins la « Question sépharade », qui n’a plus cours qu’au Canada et dans certains milieux américains, que la « Question orientale ». En mettant tous les non-Ashkénazes dans le même sac oriental, la question sépharade s’est totalement diluée. On ne distingue plus entre Sépharades de Turquie et Sépharades de Bulgarie, Sépharades du Maroc (Mégorashim) et Berbères du Maroc (Toshavim)… La question est d’autant moins d’actualité que les militants – culturels, sociaux, politiques – se sont reconnus dans cette appellation et s’en sont réclamés, abandonnant le riche patrimoine sépharade d’Espagne, d’Italie et de Turquie à l’Université israélienne, au point d’avoir l’impression aujourd’hui que ni Maïmonide ni Moïse de Léon n’ont été Sépharades. C’est, pour le meilleur et pour le pire, à une expropriation symbolique que s’est livrée l’Université israélienne. Cela explique que rares sont encore ceux qui traitent de ce que vous nommez la « Question sépharade ». Même la communauté française n’a jamais été à la hauteur de cette question, sinon avec des maîtres comme Léon Ashkénazi –Manitou– qu’on tire ces dernières années du côté du Maharal de Prague et du Rav Kook alors qu’il était un maître du drosh maghrébin.
Même la « Question orientale » n’est plus aussi déterminante que par le passé. Elle est invoquée dans les disparités sociales et intellectuelles, mais elle n’est plus de mise dans l’armée, la police, les services de sécurité, les services publics, où les Orientaux ont accédé aux plus hauts postes et ont été investis des plus hautes charges. La voix des chercheurs orientaux est plus audible que par le passé, ils sont davantage sollicités plus sur des questions d’intérêt général que sur des questions sectorielles.
Je ne sais que penser de cette orientalisation de plus en plus accélérée dans des domaines d’activité comme la police ou l’éducation. On peut s’en féliciter comme on peut la déplorer. En l’absence d’un modèle de société vers lequel s’acheminer, on ne sait vraiment, malgré mon ton péremptoire, où réside la bénédiction et où la malédiction.
La question orientale – les tensions sociodémographiques, les ségrégations œuvrant dans les processus de cooptation, la marginalisation des patrimoines religieux et culturels des communautés d’Orient – cède le pas à des questions qui recouvrent de véritables menaces existentielles sur Israël, comme la question de la colonisation messianique (voir La mésaventure messioniste, paru sous le pseudonyme de Jacob Sasportas) qui, en ruinant les conditions à la création d’un État palestinien, condamne Israël à sa disparition dans un État binational ou la question intégriste qui précipite, par son irresponsabilité politique, la ghettoïsation d’Israël qui s’accompagnera, tant pour des raisons religieuses qu’économiques, de l’accélération d’un troisième exil.
L’influence politique du parti Shass s’explique-t-elle encore en grande partie par la lutte de celui-ci contre les discriminations à l’égard des Sépharades les plus démunis ?
C’est en tout cas l’argument de campagne de ce parti qui n’a œuvré qu’à la promotion d’une nomenklatura rabbinique sépharade qui calque ses positions et ses convictions sur celles, pour le moins anachroniques, de leurs parrains et maîtres ashkénazes. Le Shass pousse la caricature ashkénaze – vestimentaire, rabbinique, prédicatrice – au ridicule. Il continue de prendre exemple sur elle, de s’aligner sur des politiques d’ostracisme (des femmes, des réformés, des homosexuels, des intellectuels…) et de se garder de dénoncer les politiques de ségrégation en matière scolaire (on n’admet pas de jeunes Sépharades dans certains séminaires pour institutrices ashkénazes) ou maritale (les mariages intercommunautaires parmi les intégristes seraient mal perçus et mal vécus). Le Shass se propose en Shamash (bedeau) sépharade de l’intégrisme ashkénaze le plus obscurantiste. Sans que la mouvance traditionaliste qui forme la majorité de son électorat ne s’encombre de ses lubies et de ses lanternes, tant sur le statut de la femme que sur la nécessité d’allier une vie active à l’étude de la Torah.
Peut-on parler d’une « renaissance » de la culture sépharade en Israël – chants liturgiques (piyoutim), musique, cinéma, théâtre ?
Nous assistons à une création musicale qui brouille les limites entre les communautés. C’est tout Israël qui découvre les liturgies sépharades et en propose des adaptations qui en disent long sur la persistance d’une veine religieuse dans tous les secteurs de la population sans distinction d’origine. Je n’aurais pas dit la même chose pour le cinéma maroco-israélien qui ne s’est pas remis de la disparition prématurée de Ronit Elkabetz, qui était davantage qu’une actrice. Elle se disposait à révolutionner le cinéma israélien, à inscrire un chapitre marocain artistique au palmarès mondial du cinéma. Je ne m’émeus pas particulièrement du succès des séries marocaines. On trouve des phénomènes analogues en Turquie, en Inde, au Bangladesh et dans toutes les contrées où l’on se donne un cinéma populaire. Le théâtre, comme d’ailleurs le ballet, a toujours été un modèle de co-créativité intercommunautaire qui, parce qu’il ne privilégie que le mérite, a toujours réservé un bon accueil aux talents de toutes les communautés.
Quelle place occupent aujourd’hui les écrivains sépharades sur la scène littéraire
israélienne ?
Ceux qui se creusent leur veine sépharade se contentent de mémoires, ceux qui s’intéressent à leur citoyenneté israélienne sont parmi les meilleurs écrivains israéliens et sont peut-être appelés à succéder aux monstres sacrés de la littérature hébraïque. C’est encore trop tôt pour se prononcer, mais leurs ouvrages semblent prometteurs. Nous sommes visiblement en train de passer d’une veine récriminatrice à une veine créatrice. La littérature bénéficiera-t-elle du même prestige que par le passé? Dans la mesure où elle composera avec les découvertes et les acquis des sciences, dans la mesure aussi où elle s’enracinera dans des sociétés de plus en plus éclatées et mobiles. La créativité littéraire en Israël est confrontée aux mêmes entraves que partout ailleurs dans le monde. La crise de vocation de l’humanité dans ce domaine est la même.
La normalisation des relations politiques entre Israël et le Maroc en 2020, dans le cadre des accords d’Abraham, n’a-t-elle pas revigoré la marocanité des Sépharades d’Israël, notamment des jeunes, nés dans le pays, qui n’ont pas le même rapport avec le Maroc que leurs
parents ?
C’est une normalisation essentiellement militaire. Les Israéliens, en quête permanente de reconnaissance et de légitimité, la chargent de tant d’attentes qu’ils risquent d’être déçus et de déchanter. Je sais que les populations islamisées marocaines ne s’en accommodent que par la volonté du Roi Mohammed VI et que les intellectuels marocains sont toujours aussi réticents que par le passé.
Les parents maroco-israéliens entraînent volontiers leurs proches et leurs descendants sur les sites où ils prennent leurs racines. Les visites tournent souvent au pèlerinage. Mais les jeunes Israéliens, toutes origines confondues, ont leurs destinations de prédilection : elles sont davantage en Amérique du Sud, en Asie et en Europe qu’en Afrique. Les Juifs du Maroc, qui ne connaissent pas l’histoire de ce pays ni sa géographie physique humaine, ne communiquent à leurs descendants que le cadastre des tombeaux des saints. Je n’ai rien contre, mais cela devient à la longue morbide.
Je ne sais ce que réserve l’avenir. Les jeunes Israéliens feraient mieux de redécouvrir le judaïsme d’Espagne et d’Italie plutôt que d’obscurs textes qui ne parlent qu’aux chercheurs, d’autant que ce que ces derniers en tirent ne nourrit ni les âmes ni les esprits, à l’exception des productions poétiques de David Hassine et de David Elkayyam. La grande production des Juifs du Maroc remonte à la deuxième moitié du XXe siècle et celle-ci s’est déposée en français et en espagnol. Or, elle continue d’être occultée, tant par les chercheurs que par les amateurs. Nul n’a entendu parler des œuvres d’un Carlos de Nesry ou d’un Amram Elmaleh. Ils n’étaient pas sionistes à leur insu comme la plupart de leurs compatriotes, ils ne méritent pas d’être cités par de mauvais universitaires.
Plus généralement, je crois que la société israélienne a connu tant de péripéties que l’on comprend qu’un jeune Israélien de la troisième génération, né de grands-parents marocains, trouve son intérêt auprès des Grecs, des Latins, des Américains qui ont mieux à dire que les commentateurs que persistent à exhumer de petits rats des bibliothèques.
La question de l’identité sépharade n’a pas été vraiment traitée, ni par les Canadiens ni par les Français, et les Israéliens se sont contentés de replâtrer une identité ethnique plutôt qu’une identité culturelle. Je crois savoir ce qu’est le Juif berbéro-marocain, le Juif arabo-marocain, mais je ne sais pas ce qu’est le Juif sépharade marocain.
Comment envisagez-vous l’avenir d’Israël ?
Je ne l’envisage plus. Peut-être la vieillesse, peut-être l’accumulation des soucis. J’ai le sentiment qu’Israël est au terme d’un parcours théologico-politique sur lequel il risque de trébucher ou, au contraire, à un tournant dont il sortira régénéré et assuré de son destin. Il ne succombera ni aux missiles de l’Iran ni à ceux des Libanais, ni à sa frénésie technologique, qui le prive de ses cultures, ni à la violence qui sévit dans sa société entre tous les secteurs de la population. Mais à des tendances théologico-politiques qui œuvrent à sa théocratisation, à sa ghettoïsation, à l’exacerbation du débat public qui provoque la désertion des cerveaux excédés par ces vaines tensions civiles, la démoralisation des élites intellectuelles et la confortation des masses intégristes dans des mœurs et des pratiques surannées qui attentent à la souveraineté et à la productivité israéliennes.
D’un côté, les colons messionistes poursuivent dans leur aveuglement une politique de colonisation qui délégitime l’existence d’Israël par ses subtiles politiques d’apartheid made in Judea and Samaria; de l’autre, les intégristes vivant en autonomie rabbinique des subsides qu’un État des plus surchargés ne pourra plus assurer, et je ne parle pas des malheureuses allocations aux plus pauvres, parmi les Orientaux et les Occidentaux, qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté ni des subsides qui vont aux nomenklaturas parasites dans les deux camps.
Le salut ne viendra pas tant du Messie que les rabbins français, plus loufoques que sages, s’accordent à annoncer pour bientôt, que du côté des Juifs américains et des masses orientales. La communauté juive américaine n’a cessé de soutenir par amour Israël qui lui doit l’expansion de ses universités, la modernisation de ses hôpitaux, la consolidation philanthropique de sa société civile. Le salut viendrait encore d’un ressaisissement des communautés orientales qui s’aviseraient de prendre les rennes de leur destin des mains de politiciens véreux. Contrairement aux binationaux ashkénazes qui se sont empressés de reprendre leur nationalité européenne, ils n’ont pas où aller et ce sont de véritables patriotes de la terre d’Israël, contrairement aux intégristes qui le sont de leurs ghettos. Malheureusement, les Juifs américains, de plus en plus rebutés par le manège politique d’une classe politique irresponsable, niés dans leur âme juive par un establishment rabbinique intégriste obscurantiste, risque de s’éloigner d’Israël – si ce n’est pas déjà fait. Quant aux masses orientales, elles ne devraient pas se laisser tenter par une hérésie messianique qui recouvre une menace existentielle et se secouer de l’autorité d’une gérontocratie rabbinique qui persiste à voir Israël à travers le lorgnon de l’exil et de ses institutions sous prétexte de préserver un judaïsme qu’ils ne contribuent qu’à ternir.
Ce qui me chagrine, c’est d’assister impuissant à l’accroissement d’une embrouille théologico-politique où l’on ne sait plus ce qui sert la souveraineté juive et ce qui la dessert, ce qui consolide Israël et ce qui précipite sa déliquescence derrière le clinquant de ses tours et de ses campus. Ce n’est peut-être que mon vertige et pas celui d’une nation prise de transes messionistes dans le tourbillon de la mondialisation et qui n’aurait de commun qu’un traumatisme et une hantise.