ENTREVUE AVEC LE PHYSICIEN YONATHAN ANAHORY. Une grande découverte dans l’univers nanométrique.

Par Karine Alloul

Le physicien Yonathan Anahory vient de mettre en lumière, grâce à des techniques développées dans le laboratoire qu’il dirige à l’Université Hébraïque de Jérusalem, des phénomènes magnétiques qui jusqu’alors n’avaient jamais été observés. Une découverte de premier plan très remarquée dans les cénacles scientifiques internationaux.
Yonathan Anahory est né à Montréal au sein d’une famille sépharade de langue et de culture espagnoles. Détenteur d’un doctorat en physique de l’Université de Montréal, une bourse d’études de la Fondation Azrieli, favorisant les échanges scientifiques entre le Canada et Israël, lui a permis de poursuivre des études postdoctorales au prestigieux Institut Weizmann des Sciences, sis à Rehovot. Établi en Israël depuis 2011, il est actuellement chercheur et professeur adjoint à l’Université hébraïque de Jérusalem.
Yonathan Anahory a accordé une entrevue à La Voix sépharade.

Yonathan Anahory

Yonathan Anahory dans son laboratoire de l’Université hébraïque de Jérusalem. (Photo : Yoram Aschheim-UHJ)

Qu’est-ce qui vous a motivé à poursuivre des études postdoctorales en Israël?

La recherche scientifique me passionne, les voyages aussi ! Les collaborations interuniversitaires te permettent de voyager partout dans le monde. Pendant mes études universitaires de premier cycle à Montréal, j’ai eu la possibilité de séjourner quelque temps en Espagne. Comme je maîtrisais la langue espagnole, grâce à mes parents, ce fut une expérience académique des plus enrichissantes qui m’a permis en plus de renouer avec le passé de mes ancêtres. Après l’Espagne, la suite logique était Israël, où j’ai poursuivi des études postdoctorales à l’Institut Weizmann. Au départ, je comptais rester en Israël trois ans, mais la vie en a décidé autrement. Voilà six ans, après cinq années d’études postdoctorales, que je travaille à l’Institut de Physique Racah de l’Université Hébraïque de Jérusalem. J’occupe un poste qui, au Canada, serait l’équivalent de celui de professeur adjoint. Il faut noter qu’en Israël, ça prend plus de temps qu’au Canada pour obtenir sa titularisation.

Avez-vous noté de grandes différences entre le milieu universitaire israélien et le milieu universitaire canadien ?

En Israël, les gens vivent beaucoup plus dans le moment présent. Il y a une culture de survie et de risques qui n’a pas son équivalent dans les sociétés nord-américaines. En général, la prise de décision est plus rapide qu’au Canada et demande moins de réunions de groupe. Au Canada, la recherche est beaucoup plus planifiée et requiert davantage de concertation avant d’aller de l’avant. Ça comporte des avantages, mais aussi des inconvénients. À mon avis, un bon dosage de ces deux approches est la meilleure option, car en recherche, planification n’est pas synonyme de réussite, les imprévus et les improbabilités étant nombreux. Donc, laisser un peu plus d’espace aux approches essais-erreurs permet parfois d’aboutir à des découvertes plus rapidement.

Parlez-nous de la découverte scientifique majeure réalisée dans votre laboratoire qui vous a valu une reconnaissance internationale.

C’est une découverte réalisée grâce à une technique que j’ai développée pendant mon postdoctorat à l’Institut Weizmann. Une équipe de chercheurs, que j’ai dirigée, a contribué au développement de cette technique. Celle-ci permet de mesurer l’intensité de champs magnétiques à une échelle nanoscopique. Cette technique a permis d’observer un nouveau phénomène magnétique appelé « magnétisme de bord ». Cette découverte est surprenante car normalement, en physique, les molécules qui sont en périphérie ont tendance à prendre certaines des caractéristiques environnantes. Pas dans ce cas-ci. Nous avons travaillé avec des nanoaimants. Nous avons été très surpris en analysant les images du magnétisme provenant de ces nanoaimants. C’était la première fois que nous observions un aimant se comporter de cette manière. Celui-ci ne conservait son magnétisme que sur son bord, en fait seulement à 10 nanomètres du bord. Il faut rappeler qu’un cheveu humain mesure environ 100 000 nanomètres. Les résultats de notre recherche ont été publiés dans la réputée revue scientifique Nano Letters.

Quelles seraient les applications pratiques qui pourraient découler de cette découverte ?

Le magnétisme est exploité dans beaucoup d’objets que nous utilisons quotidiennement : ordinateurs, cartes de crédit… Bien qu’invisible, le magnétisme est omniprésent de différentes manières dans la nature et dans les technologies. Cette découverte pourrait révolutionner la façon dont nous fabriquons la prochaine génération de dispositifs nanoélectriques dotés d’un système à consommation d’énergie réduite et de capacités de mémoire accrues. Dans le cadre de ma recherche, on travaille avec des aimants spéciaux. On a observé des choses très étonnantes qui remettent en question des principes de physique établis.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune souhaitant poursuivre une carrière en recherche ?

C’est important d’aimer ce que l’on fait. La recherche n’est pas un domaine facile. C’est un processus long, très exigeant en termes d’heures de travail et de sacrifices personnels. Mon premier conseil est de ne pas hésiter à approcher ses professeurs pour discuter avec eux. Grâce à ce réseautage avec les professeurs, un étudiant peut découvrir des opportunités dont il n’aurait pas eu écho autrement. Mon deuxième conseil : ne pas hésiter à postuler à des bourses d’études ou de recherche. Même si au début, ce sont de petites bourses, le fait qu’elles soient mentionnées sur le curriculum vitæ d’un étudiant le prédispose à obtenir d’autres bourses.

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