Élections au Québec: ce qui nous attend cet automne

Eta Yudin
Au printemps, les fleurs poussent. Cet automne, ce sont les pancartes électorales qui poussent à un rythme effréné. Depuis le déclenchement des élections, vous avez pu les voir apparaître sur les poteaux d’éclairage de rue, les poteaux de téléphone et autres éléments du mobilier urbain.
D’ici au 3 octobre prochain, nous aurons droit à deux débats en français, opposant les chefs des principales formations politiques québécoises sur les ondes de TVA et de Radio-Canada. Cette année, il n’y aura pas de débats en anglais, vu le refus de certaines formations politiques d’y participer.
En tant qu’organisme non partisan, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) a déjà commencé à rencontrer les représentants des principaux partis politiques québécois afin de leur faire part des enjeux et des préoccupations qui touchent notre communauté. Cela s’inscrit dans la même lignée que les représentations que nous effectuons entre les élections.
Des enjeux clés
En préparation à la campagne électorale, l’équipe du CIJA a tenu des rencontres avec plusieurs agences de la communauté, dont la Communauté sépharade unifiée du Québec (CSUQ), et ses partenaires de la Fédération CJA. Tous nous ont fait part de leurs priorités et des enjeux communautaires qui les affectent.
À partir de ces rencontres, nous avons identifié deux enjeux clés qui revenaient régulièrement dans nos conversations : la sécurité publique et la lutte contre l’antisémitisme.
Ci-dessous, vous trouverez certaines des principales recommandations que nous avons fait valoir lors de représentations menées auprès des principaux partis politiques québécois.
Il est important de noter que cette liste n’est pas exhaustive, et que cet article a été soumis à La Voix sépharade au mois de juillet. Pour la liste complète de nos recommandations, ainsi que pour suivre les derniers développements, nous vous encourageons à consulter le site Web du CIJA au https://fr.cija.ca/ et à cliquer sur l’onglet « Nos priorités ».
En matière de sécurité publique, voici les recommandations que nous avons soumises aux partis politiques provinciaux :
Création d’un programme de subvention pour la sécurisation des collectivités et des communautés culturelles.
Inspiré par le programme Subvention pour des collectivités sûres et dynamiques du gouvernement de l’Ontario, un tel programme permettrait aux communautés les plus à risque d’être victimes de crimes ou d’incidents haineux d’obtenir une aide financière du gouvernement provincial afin d’améliorer la sécurité de leurs édifices communautaires et de parfaire la formation d’agents de sécurité.
Renforcer l’unité de lutte contre les crimes haineux de la Ville de Montréal et mettre en place des unités similaires dans les grandes villes du Québec.
Les services de police de nombreuses grandes villes canadiennes se sont dotés d’unités spécialisées pour répondre aux crimes haineux. Ces unités sont composées de policiers et/ou de civils ayant reçu une formation spécialisée dans ce domaine. Elles peuvent assister les policiers sur le terrain, enquêter sur les crimes haineux, éduquer les corps policiers et sensibiliser les communautés affectées et celles avoisinantes.
En décembre 2021, le Module incidents et crimes haineux du Service de police de la Ville de Montréal ne comptait que cinq policiers. À titre de comparaison, le Service de police d’Ottawa compte davantage d’employés dans son unité équivalente, même si elle dessert une population deux fois plus petite que celle de Montréal. Les autres grandes villes du Québec, telles Laval, Québec et Sherbrooke, n’ont pas encore des unités de ce type.
Il conviendrait de doter ces villes, et de renforcer l’unité montréalaise, de policiers suivant une formation approfondie sur l’identification, l’enregistrement et l’enquête sur les crimes haineux afin de mieux répondre aux besoins des victimes. Ajouter des agents de liaison attitrés à chaque communauté à risque permettrait de mieux répondre aux besoins de ces communautés, de faciliter le signalement d’incidents et d’assurer une meilleure documentation de ces tristes événements:
En matière de lutte contre l’antisémitisme, voici les recommandations que nous avons soumises aux partis politiques provinciaux :
Encadrement accru en matière de crimes haineux par le ministère de la Justice.
Le Canada s’est doté de lois pour traduire en justice ceux qui ont commis, ou planifient de commettre des crimes haineux. Ces dispositions sont très peu souvent utilisées car les exigences à respecter pour pouvoir engager des poursuites, notamment l’obtention du consentement du procureur général, rendent leur application plus ardue. En établissant des directives claires, le ministère de la Justice du Québec s’assurerait que ces articles de loi puissent être utilisés de manière systématique lorsque ce sera nécessaire.
Un autre élément clé serait la mise en place de procureurs spécialement formés pour travailler sur les dossiers de crimes haineux. Ces procureurs spéciaux, ayant reçu une formation spécialisée en la matière, seraient mieux outillés pour traduire en justice les responsables de crimes haineux.
Fournir une formation ciblée aux forces de l’ordre sur les crimes haineux et l’antisémitisme.
La première étape pour lutter contre la haine et l’antisémitisme est de bien savoir comment l’identifier. Offrir une telle formation aux corps policiers permettrait la tenue d’enquêtes approfondies sur les incidents d’antisémitisme et, ultimement, le dépôt d’accusations criminelles, lorsqu’approprié.
Lutter contre le contenu toxique en ligne en tenant une campagne provinciale de littératie numérique. Celle-ci viserait à éduquer et à sensibiliser les Québécois et Québécoises quant à la puissance des médias sociaux et à l’amplification qu’ils peuvent donner à certains comportements destructeurs.
Nous nous engageons à continuer nos efforts pour faire valoir les priorités de la communauté auprès des élus, des employés gouvernementaux, des leaders de la société civile et de toute autre partie prenante appropriée.
Ceci dit, les candidats veulent aussi vous entendre. Lorsqu’ils appellent, lorsqu’ils viennent cogner à vos portes, c’est à la fois pour vous convaincre de voter pour eux, et pour mieux connaître les enjeux qui vous tiennent à cœur.
Faits importants sur la campagne électorale 2022
Lors de la dernière élection provinciale, en 2018, c’est à peine deux Québécois et Québécoises sur trois qui se sont déplacés pour aller voter. Depuis 2012, le taux de participation diminue lentement.
Dans les circonscriptions où notre communauté est présente en grand nombre, le taux de participation était encore plus faible.
Or, le fait de voter et de participer à l’exercice démocratique est l’un des meilleurs outils dont vous disposez pour vous assurer que votre voix se fasse entendre à l’Assemblée nationale.
Cette année, le jour du vote tombera la veille de Yom Kippour, le 3 octobre prochain. Les bureaux de vote seront ouverts toute la journée entre 9h30 et 20h00.
Cependant, si vous avez un empêchement le 3 octobre, vous pourrez voter par anticipation. Les bureaux de vote seront ouverts pour le vote par anticipation les 25 et 26 septembre prochains entre 9h30 et 20h. Si aucune de ces dates ne vous convient, cinq autres jours sont prévus afin de voter au bureau de l’un des 125 directeurs du scrutin répartis dans chaque circonscription québécoise. Nous vous encourageons à consulter le site web d’Élections Québec : (https://www.electionsquebec.qc.ca/) si cela s’applique à vous afin de connaître ces cinq dates et l’adresse du bureau du directeur de scrutin le plus près.
Bien sûr, si vous souhaitez vous impliquer et faire du bénévolat au cours de la campagne, nous vous invitons à consulter la page du Comité des affaires politiques canadiennes juives (CJPAC) au https://cjpac.ca/fr/ et à le contacter.
Quelques dates clés :
Déclenchement des élections et début de la période de campagne électorale: 29 août.
Vote par anticipation : 25 et 26 septembre, entre 9h30 et 20h00.
Rosh Hashana : 25 au 27 septembre.
Jour du scrutin : 3 octobre, de 9h30 à 20h00.
Yom Kippour : 4 octobre au soir et 5 octobre.
Montée de l’antisémitisme
Nous observons malheureusement une recrudescence de l’antisémitisme ces dernières années, incluant tristement une augmentation marquée en 2020 et 2021. Nous avons déjà abordé le sujet dans ces pages, mais il est important de bien comprendre le contexte dans lequel notre communauté se trouve à la veille de ces élections.
La communauté juive représente environ un pour cent de la population canadienne. Elle est la cible de 13 pour cent des crimes haineux signalés à la police selon les dernières données de Statistique Canada. Les chiffres sont particulièrement troublants lorsqu’on regarde les crimes haineux à motivation religieuse, puisque la proportion bondit alors à 62 pour cent. En bref, la communauté juive demeure l’une des cibles plus fréquentes de crimes haineux.
Si les données canadiennes sont inquiétantes, les données québécoises ne rassurent pas non plus. En 2019, le Service de police de la Ville de Montréal a reçu 34 signalements pour crimes haineux ciblant la communauté juive. En 2020, 42 signalements ont été reçus – une augmentation de près de 25 pour cent.
C’est pourquoi nous soulevons régulièrement les enjeux liés à la haine en ligne, la sécurité publique et la nécessité de lutter contre l’antisémitisme lors de nos rencontres avec les élus québécois.
Les politiciens ont déjà répondu à l’appel par le passé.
À la suite d’une série d’incidents antisémites en mai 2021, les élus québécois avaient condamné ces actes d’une seule voix en adoptant à l’unanimité une motion parrainée par des députés issus des cinq partis reconnus à l’Assemblée nationale.
En juin 2021, le gouvernement du Québec accédait à l’une de nos recommandations au Groupe d’action contre le racisme, soit l’adoption de la définition opérationnelle de l’antisémitisme, telle qu’écrite par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA). Cet outil permet au gouvernement de clarifier ce qu’il définit comme de l’antisémitisme, et d’éviter certains débordements comme nous en avons vu en Europe et ailleurs.
C’est sans compter la motion dénonçant l’antisémitisme adoptée par le Conseil municipal de la Ville de Montréal un peu plus tard le même mois.
Nous sommes reconnaissants pour leur soutien au fil des ans. Cependant, il n’en demeure pas moins important de s’assurer qu’ils continuent de dénoncer la haine et de faire preuve de leadership pour combattre ce fléau.