Rabbin Jérémie Asseraf : rencontre avec un jeune Rabbin dynamique
Comme nous l’avions déjà annoncé dans notre numéro de Hanoukka, la Communauté Sépharade de Ville-Saint-Laurent Hékhal Shalom a engagé un nouveau Rabbin en la personne de Jérémie Asseraf qui succède ainsi au Rabbin Ronen Abitbol appelé à exercer ses fonctions en Floride.
À titre de journalistes pour LVS, nous sommes allés rencontrer Rabbi Jérémie dans son nouveau fief d’Hékhal Shalom. C’est un homme avenant et d’allure dynamique qui s’est prêté de manière spontanée à répondre à nos questions.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours rabbinique?
Je dois vous préciser que ce parcours est si j’ose dire atypique. J’ai quitté mes études secondaires en France alors que j’avais 13 ans c’est-à-dire alors que j’étais en secondaire 2 pour me consacrer à un cursus centré sur la Torah. Je tiens à mettre cette décision dans mon contexte familial, c’est-à-dire auprès de parents pour qui il était hors de question de faire pression sur leurs enfants pour qu’ils fassent carrière. Ma mère, de mémoire bénie, souhaitait avant tout que ses enfants soient heureux dans la vie à partir des choix qu’ils voulaient faire. Notre père nous disait toujours : « Faites ce que vous souhaitez faire, mais faites-le bien. » En ce qui me concerne, le choix était simple, mais clair : je voulais, plus que toute autre chose, consacrer ma vie à l’étude de la Torah. J’ai donc, dès mon jeune âge, commencé à fréquenter la yeshiva, l’école talmudique du Rabbin Yaacov Toledano à Rancy, et ce, pendant 3 ans. À la suite de cette période fort enrichissante, je suis parti dans une yéshiva à Manchester, suivi d’un séjour à Hevron à la yeshiva dite « des Français » dirigée par le Rav Grossman. De retour en France, j’ai réquenté la yeshiva du Rabbin Daniel Heyman à Épinay-sur-Seine et donné plus tard des cours à la yeshiva du Rav David Pinto tout en étant étudiant à son Kolel, lieu d’études talmudiques pour hommes mariés. Plus tard à Marseille, j’ai fait partie de l’équipe de rabbins dirigée par le Rav Ohana, grand Rabbin de Marseille. Une période faste dans ma vie, car cette équipe a accompli un tour de force, le renforcement de notre communauté à Marseille. Je me suis surtout investi auprès des jeunes du 9e arrondissement de cette ville afin de les ramener dans le giron de la Torah et de transformer cette communauté de Tifereth Israel en une communauté consistoriale. J’ai choisi plus tard pour des raisons familiales de m’installer à Montréal et de fréquenter, à mes débuts dans cette ville, la synagogue Petah Tikva de Ville-Saint-Laurent où j’ai été accueilli très chaleureusement par son Rabbin Haïm Nataf.
Racontez-nous votre embauche comme Rabbin à Hékhal Shalom.
Le départ du Rabbin Ronen Abitbol après de nombreuses années au service de son kahal (communauté), laissait un vide, je l’admets, fort difficile à combler et des amis m’ont conseillé de tenter ma chance parmi d’autres postulants. J’ai eu le bonheur d’avoir été choisi par le comité de sélection pour remplacer mon illustre prédécesseur, et en même temps, relever les nombreux défis qu’il faut affronter en tant que guide spirituel d’une communauté aussi vibrante que Hékhal Shalom. Je tiens à préciser que chaque nouveau rabbin qui prend la tête d’une congrégation a sa personnalité propre et sa vision concernant les problématiques auxquelles il devra apporter des réponses adéquates.
Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Notre communauté d’Hékhal Shalom, comme tant d’autres congrégations d’ailleurs a été confrontée ces derniers temps à ce que je définirai comme des pertes de vitesse : les déménagements de pas mal de ses membres à Côte-Saint-Luc exclusivement pour des raisons de regroupements familiaux, et bien sûr la pandémie de la COVID-19 qui a bouleversé nos habitudes à presque tous les niveaux. Ajoutez à cela le décès tragique de notre Hazan, Mokhluf Arzoine Z’’L 1 qui a laissé un immense vide dans notre communauté. Il fallait impérativement ranimer la flamme, ramener la vie dans cette communauté qui m’a été confiée. Je crois, en toute modestie, que selon moi, l’élément essentiel pour répondre à cette problématique résidait dans le fait qu’il fallait consacrer l’essentiel de mes efforts envers les enfants n’ayant pas encore atteint l’âge de la bar-mitzva. Nous avons l’habitude de dire que les enfants constituent l’avenir de notre communauté. Permettez-moi de le dire autrement : les enfants sont surtout et avant tout le « présent » de toute communauté et ce sont eux qui devraient bénéficier en premier lieu de notre attention. En me basant sur l’idée qu’il fallait attirer ces enfants dans notre synagogue, il était nécessaire de créer des incitatifs et quel meilleur moyen pour cela que d’offrir à ces enfants la possibilité de venir jouer et passer du bon temps dans un lieu qui ne serait pas seulement un lieu de prières, mais aussi un espace de rencontres, de loisirs et de chaleur. C’est ainsi que j’ai fait installer ici-même une table de ping-pong et des baby-foot. Je suis convaincu qu’une fois chez eux, ces enfants « éduquent à leur tour leurs parents » Pour moi une synagogue où résonnent les rires et les cris d’enfants est l’exemple d’une synagogue vivante et porteuse d’avenir.
Sur un plan plus général, vous n’êtes pas sans savoir que l’Honorable Jacques Saada, le président de la CSUQ a entamé depuis quelques mois une vaste action face au Va’ad Hair afin d’avoir plus de transparence quant à la gestion de cet organisme et surtout de veiller à ce que le prix de la viande cachère ne soit pas aussi prohibitif pour les nombreuses familles modestes que compte notre communauté. Qu’en pensez-vous?
Personnellement, je suis contre ce que j’appellerai un « totalitarisme de la cacherout » comme c’est le cas actuellement. Malheureusement cette situation se maintient en place par un manque d’unité dans nos rangs qui a des causes multiples, entre autres des conflits d’intérêts. Le problème est très complexe et fait appel à de nombreuses réponses comme celle d’implanter un nouveau marché de la viande avec un nouveau circuit et de nouveaux acteurs qui connaissent le secteur. Nous nous devons surtout de lutter contre le monopole actuel et d’essayer de créer un nouveau modèle où la compétitivité et la libre concurrence auraient leur place. Nous trouvons ce modèle en France et bien entendu en Israël. Nous devrions nous en inspirer.
Notes:
- Cet acronyme en hébreu signifie : « que son souvenir soit source de bénédiction ». ↩
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