L’ONU et ses agences contribuent à l’antisémitisme
Le 21 juillet dernier, le premier ministre Trudeau a convoqué un Sommet sur l’antisémitisme codirigé par l’hon. Bardish Chagger et l’hon. Irwin Cotler. Le président de la CSUQ, l’hon. Jacques Saada, y a été invité comme panéliste. Voici, en substance, le texte de l’allocution qu’il a prononcée en présence de nombreux ministres, dignitaires et représentants de la société civile.
Mesdames et Messieurs,
Je tiens tout d’abord à vous remercier, M. le Premier mi-nistre, de vos paroles d’ouver-ture. J’y ai senti la profondeur et la vérité de votre engagement à combattre l’antisémitisme. Je veux aussi remercier les hôtes, l’hon. Bardish Chag-ger et l’hon. Irwin Cotler, de m’avoir invité à participer à cet important sommet sur la lutte à l’antisémitisme et à la haine. Irwin Cotler, que je félicite de sa récente no-mination comme envoyé spé-cial pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme. Je salue mes collègues panélistes. C’est pour moi un honneur de partager cette tribune avec eux.
Dans ma présentation, j’aurais aimé aborder de nombreux sujets touchant, par exemple, le besoin de responsabiliser les exploitants de réseaux sociaux, vecteurs d’antisémitisme et de haine. J’aurais voulu parler du besoin d’augmenter les investissements du gouvernement canadien pour la protection des populations victimisées, du renforcement des pouvoirs judiciaires de la Commission des droits de la personne et d’autres mesures législatives, de l’appui aux organismes de rapprochement interculturel.
J’aurais voulu parler d’éducation, seul instrument de portée réellement universelle pour lutter contre l’antisémitisme et la haine. À ce propos, j’aurais insisté sur le rôle majeur que joue le Musée de l’Holocauste de Montréal et sur le besoin pour le gouvernement canadien de soutenir financièrement le nouveau musée. Monsieur le premier ministre, vous avez fait référence à la mission essentielle de ce musée.
J’aurais voulu pouvoir commenter cette citation de Frantz Fanon, qui écrivait : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous. » Cette phrase illustre à merveille le fait avéré que l’antisémitisme ne touche pas que les Juifs. Il traduit une haine universelle dont il n’est bien souvent que le signe annonciateur.
J’aurais voulu pouvoir expliquer pourquoi, malgré ses caractéristiques uniques, l’antisémitisme doit nous faire réfléchir sur toutes les autres formes de haine, qu’il s’agisse de celles qui victimisent les Autochtones que l’on a violemment tenté d’acculturer ou de faire disparaître, ou qu’il s’agisse d’islamophobie ou d’asiatophobie. Bref, de toutes ces agressions qui victimisent des êtres humains qui ne sont coupables que d’être eux-mêmes.
Mais le peu de temps dont je dispose m’impose des Canada à l’égard de l’antisémitisme qui s’exprime sous le couvert de l’antisionisme.
Toute tentative d’expliquer l’antisé-mitisme est vouée à l’échec. Il n’y a pas d’explication de l’antisémitisme. Il n’y a que des prétextes : l’héritage de l’antijudaïsme chrétien, puis au XIXe et au XXe siècle, les théories de la race, et enfin, depuis la création de l’État d’Israël, l’antisionisme qui cherche à légitimer le nouvel antisé-mitisme. L’antisémitisme n’a jamais disparu. L’antisionisme lui a redon-né la liberté de parole. Comme disait l’historien Léon Poliakov, « l’antisio-nisme est devenu la permission de l’antisémitisme. »
Si l’on veut réellement combattre l’antisémitisme, il faut donc combattre les stigmatisations dont Israël est victime. Il faut combattre les manœuvres visant à démoniser ou à délégitimer Israël, ou à lui imposer un double standard.
On ne peut combattre un fléau que si on le définit. Je suis heureux que le Canada ait adopté la définition opérationnelle de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, définition qui se lit comme suit : « L’antisémitisme est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte. »
Le Canada doit poursuivre ses efforts en vue d’élargir l’adhésion à cette définition auprès des États, mais aussi auprès du secteur privé et de la société civile.
Personnellement, je soutiens que l’esprit même de cette définition tend à démontrer que l’attitude obsessionnelle de l’ONU et de ses instances à l’égard d’Israël favorise l’antisémitisme.
Faut-il rappeler qu’entre 2012 et 2015, l’assemblée générale a adopté 97 résolutions, dont 83 dénonçant Israël? Il faut comprendre le ridicule et l’injustice de la situation.
Nous parlons d’une période où la guerre civile fait rage en Syrie, où plusieurs États africains sont en crise majeure, où Daesh, l’État islamique, viole, pille, terrorise et assassine, une période marquée par la guerre du Donbass en Ukraine et la crise de Crimée, où les talibans assassinent de jeunes écolières. Où l’Iran et la Corée du Nord développent leurs capacités nucléaires sans cacher leurs velléités agressives. Sans parler de la Chine et du traitement inhumain de ses minorités.
Et dans ce monde chaotique, à quoi les Nations Unies consacrent-elles 86 % de leurs résolutions? À Israël.
Entre 2006 et 2016, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a adopté 135 résolutions, dont 68 dénonçant Israël. En 2016, l’UNESCO a adopté un rapport occultant totalement la présence juive sur le mont du Temple à Jérusalem. Le seul pays visé par des résolutions de l’Organisation mondiale de la Santé et de l’Organisation mondiale du Travail, c’est encore une fois Israël.
Faut-il rappeler le sommet de Durban de 2002 où Israël a été déclaré pays d’apartheid et pays raciste?
Faut-il rappeler que, alors qu’elle disposait déjà d’un Haut-Commissariat aux Réfugiés, l’ONU a créé un organisme, l’UNRWA, voué aux seuls réfugiés palestiniens auxquels on accorde ce statut de façon héréditaire?
Un descendant de réfugié continue d’être considéré comme réfugié, quels que soient sa situation, son lieu de résidence ou sa citoyenneté actuelle.
Ce statut héréditaire est tout à fait unique dans les annales de l’ONU qui, par ailleurs, n’a jamais reconnu les réfugiés juifs de pays arabes et d’Iran. Deux poids, deux mesures.
Faut-il rappeler qu’après le dernier conflit entre le Hamas et Israël, conflit déclenché par le Hamas, cette organisation terroriste qui a lancé des missiles sur des populations civiles et utilisé des boucliers humains, c’est Israël que l’on veut poursuivre pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité?
Le Canada a adopté des positions louables à tous ces égards. Il a dénoncé Durban et vigoureusement affirmé qu’Israël n’est pas un pays d’apartheid. Il a rejeté 88 % des résolutions onusiennes visant l’État hébreu refusant ainsi de tomber dans le piège de l’instrumentalisation de l’ONU. Il a mis le Hamas sur la liste des organisations terroristes, un Hamas dont la charte (notamment les articles 7, 17, 22 et 32) est truffée de références antisémites.
Le Canada a dénoncé le mouvement BDS. Faut-il d’ailleurs rappeler que ce mouvement est né à l’instigation de la Ligue arabe en 1945, soit avant la création de l’État d’Israël, pour en appeler au boycottage des commerces tenus par des Juifs? Il ne s’agissait donc pas d’un mouvement de soutien à la création d’un État palestinien, mais exclusivement d’un mouvement antijuif.
Si le Canada veut poursuivre son combat déjà louable contre l’antisémitisme, je l’invite à la plus grande fermeté à l’égard de l’Iran. Rappelons que c’est en 1935 que la Perse est devenue l’Iran, qui signifie Royaume des Aryens, par décision de Reza Shah en appui aux thèses hitlériennes. On ne peut pas lutter contre l’antisémitisme si l’on ne dénonce pas les manifestations organisées par le leadership iranien où l’on scande « Mort à Israël! Mort aux Juifs! »
Bien entendu, il faut s’interroger sur le contexte du rétablissement de la contribution canadienne à l’UNRWA.
Foncièrement, j’appuie la décision du Canada de contribuer aux actions de soutien du peuple palestinien en matière d’aide sociale, de santé et d’éducation. Un peuple qui continue de souffrir en attendant une paix qui ne vient pas.
Mais l’historique de l’utilisation de ces fonds doit inviter à une prudence extrême. Allégations ou confirmation factuelle de corruption, de népotisme, d’incitation à la haine et à l’antisémitisme dans les écoles palestiniennes, ou de formation d’enfants-soldats dans les « Camps de paradis », etc. Il faut espérer que le Canada s’est doté de moyens rigoureux de vérification de l’emploi des fonds qu’il verse à l’UNRWA.
Le temps qui m’est imparti touche à sa fin. Je voudrais donc brièvement résumer mes recommandations au gouvernement du Canada :
1. Encourager une adhésion toujours plus large à la définition IHRA de l’antisémitisme.
2. Continuer de combattre l’instrumentalisation de l’ONU et de ses agences comme vecteurs d’antisionisme et donc d’antisémitisme.
3. Dénoncer, voire sanctionner les États qui incitent à l’antisémitisme et à la haine.
4. Isoler et sanctionner le Hamas et les autres groupes terroristes qui s’abreuvent d’antisémitisme.
5. S’assurer que l’affectation des contributions canadiennes à l’UNWRA ne favorisent pas l’antisémitisme.
Einstein disait qu’il est plus facile de désintégrer l’atome que de briser un stéréotype. Malgré la difficulté de la tâche, j’invite le Canada, je nous invite tous, à poursuivre nos efforts en vue de briser les stéréotypes qui sous-tendent l’antisémitisme et la haine.
Merci.
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