Les Sépharades en Colombie

Leur histoire racontée par M. Victor Alfanderi, membre de l’exécutif de la Communauté juive Sépharade de Bogota et délégué représentant la Colombie auprès de Fesela, (Fédération sépharade latino-américaine) suivie d’une entrevue avec un jeune sépharade colombien, Isaac Yerushalmi.
La présence de Juifs sépharades en Colombie, figurant sur les cartes de l’époque comme le Royaume de Nouvelle Grenade, remonte à 500 ans, c’est-à-dire au temps de la découverte par les navigateurs espagnols de ce territoire surnommé également par certains l’Eldorado. La conquête de ce territoire coïncide avec l’expulsion des Juifs d’Espagne lors de l’Inquisition, dont un grand nombre s’exile en tant que « conversos » (convertis) dans plusieurs territoires du Nouveau Monde. Ces crypto-juifs, à la suite de l’instauration du Tribunal de l’Inquisition dans la Ville de Cartagena sur la côte caraïbe, et craignant de nouvelles persécutions, fuient vers l’intérieur du pays et s’installent sur le territoire montagneux de la Province d’Antioquia et fondent dans une belle vallée, la ville de Medellin. Ils pratiquaient la religion catholique à l’extérieur, mais continuaient à observer, de manière occulte, le rituel juif.
Il faut également considérer que de nombreux Juifs originaires des Pays-Bas émigrèrent, au cours du XVIIe siècle, vers les Antilles et les côtes de la Mer des Caraïbes, comme en Guyane hollandaise, au Venezuela, en Colombie et au Panama. Tous ces immigrants purent pratiquer leur foi juive et certains d’entre eux contribuèrent au développement de l’économie de ces pays et également au processus de leur indépendance vis-à-vis du Royaume d’Espagne.
À la fin du XIXe siècle, des familles sépharades originaires des Antilles Hollandaises s’installèrent au Venezuela, au Panama et en Colombie. Malheureusement sous l’effet de l’assimilation, ils perdirent la pratique de leur judaïsme aux alentours du début du XXe siècle. C’est à ce moment que les communautés juives sépharades commencent à se former dans diverses provinces de la Colombie et particulièrement à Barranquilla, un port très important face à l’océan Atlantique et à Buenaventura un autre port sur l’océan Pacifique. Plus tard, vers 1930, ces Juifs commencèrent à s’installer à Bogota, la capitale du pays.
La Colombie a compté dans les années 60 une population juive de 12 000 âmes (70 % Ashkénazes et 30 % Sépharades). Cette population en déclin constant ne dépasse pas le chiffre de 4 000 aujourd’hui. Malgré cela la communauté dispose d’organismes charitables, d’un Kolel (lieu d’études juives pour adultes) sépharade ainsi que d’une résidence pour aînés, « Bet Avot ». À l’heure actuelle, toutes les différentes communautés juives et leurs institutions sont regroupées sous la bannière de la « Confederación de Comunidades Judías de Colombia » qui est l’institution centrale qui les représente auprès des pouvoirs publics locaux et à l’international.
Nous avons eu également le plaisir d’avoir une entrevue d’un jeune sépharade colombien résidant à Bogota, Isaac Yerushalmi dont l’histoire est intéressante à plus d’un titre. Il exerce la profession de directeur d’une firme spécialisée dans le design d’intérieur. Il est marié et père de deux enfants. Il a réalisé des études juives en mettant l’emphase sur l’aspect talmudique au Ner Israel, Rabbinical College de Baltimore et plus tard à la Yeshiva Mikdash Melech à Jérusalem.
Il est le fils de parents israéliens embauchés il y a 33 ans par la communauté juive de Bogota, son père comme rabbin shohet, spécialiste de l’abattage rituel des bêtes et responsable de la cachroute et sa mère comme enseignante d’hébreu à l’école juive de la capitale. Il explique que son engagement communautaire tient du fait de sa formation religieuse qui le pousse à « apporter de manière positive, l’aspect religieux et spirituel de ma communauté ». Sa principale motivation qui lui sert d’inspiration est de veiller à ce que les nouvelles générations disposent d’un cadre adéquat où ils puissent développer une vie juive de la même manière que celle qu’il a eue.
Le problème de l’assimilation des jeunes fait partie selon Isaac d’un phénomène général parmi les jeunes. L’attachement de sa communauté à l’État d’Israël, avec qui le gouvernement colombien maintient une étroite relation par des accords politiques, économiques et militaires, est total et les autorités colombiennes maintiennent des relations amicales et respectueuses avec la communauté juive du pays.
La présence d’Isaac à Montréal lors du Congrès des jeunes sépharades à Montréal (en novembre 2019) venus d’Amérique latine, d’Israël, d’Italie, des États-Unis et de Montréal l’a énormément marqué et renforcé dit-il dans son identité sépharade. Il envisage à moyen terme de faire aliya, de monter en Israël avec sa famille.
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