Hommage à un grand leader communautaire, Elias Malka

Elias Levy

Elias Levy

 

 

 

 

 

 

« Ce n’est pas par hasard qu’on a surnommé Elias Malka le « père » de la Communauté sépharade du Québec » Bob Oré Abitbol

Elias Malka a été l’une des figures de proue de la communauté sépharade du Québec. Membre bâtisseur des principales institutions communautaires sépharades, qu’il a présidées successivement avec panache et dévouement, son legs communautaire est immense. Il est décédé à Montréal le 14 août dernier à l’âge de 95 ans.
Le bénévolat communautaire a toujours été pour lui une cause fondamentale dans laquelle il s’est investi avec abnégation.
Elias Malka a été l’un des principaux membres fondateurs de l’Association sépharade francophone (ASF), qu’il a présidée de 1968 à 1972, de l’École Maïmonide, qu’il a présidée de 1972 à 1976, et de la Fédération sépharade du Canada (FSC), qu’il a présidée de 1971 à 1975. Au début des années 70, il a été président de la section sépharade de l’Appel juif unifié (AJU) de l’Allied Jewish Community services (AJCS), ancienne appellation de la Fédération CJA.
Dans le milieu des années 60, Elias Malka a été l’un des pionniers du rapprochement judéo-chrétien au Québec. Il a coprésidé le Cercle du roi David, une association qui œuvrait pour un dialogue constructif et une meilleure compréhension mutuelle entre Juifs et chrétiens. Des personnalités renommées appartenant aux deux religions participaient régulièrement aux rencontres organisées par cette association.
« Ce n’est pas par hasard qu’on a surnommé Elias Malka le « père » de la Communauté sépharade du Québec. Sa contribution au développement de celle-ci a été gigantesque. Il a été un leader visionnaire et audacieux qui a travaillé sans relâche pour redonner ses lettres de noblesse au sépharadisme au Canada. C’était une époque où le projet d’édifier une nouvelle communauté relevait plus de l’utopie que de la réalité. C’était un pari fou. Pourtant, une poignée de pionniers admirables, dont Elias fut le chef de file, parvinrent à bâtir, en dépit des multiples écueils auxquels ils se sont heurtés, une communauté dynamique et des plus remarquables dont tous les Sépharades du Québec devraient s’enorgueillir aujourd’hui », rappelle son neveu, l’écrivain et homme d’affaires Bob Oré Abitbol, qui fut pendant de nombreuses années son plus proche conseiller.
À la fin des années 60, Elias Malka joua un rôle crucial dans la création de l’École Maïmonide, la première institution d’enseignement sépharade francophone au Québec, au Canada et en Amérique du Nord. Un énorme défi qu’il releva avec les deux autres grands bâtisseurs de cette école, le Dr Jean-Claude Lasry et Judah Castiel. Un pari des plus audacieux qui n’était pas gagné d’avance.
Les dirigeants de l’ASF, qu’il présidait alors, souhaitaient ardemment créer une école francophone qui tout en prodiguant une éducation profane de haute qualité conférerait une place importante à l’éducation juive et transmettrait à ses élèves le riche héritage culturel et liturgique sépharade. À cette époque, les choix pour l’éducation des enfants sépharades étaient des plus limités : l’école privée juive anglophone ou l’école publique protestante anglophone, qui accueillait aussi des
enfants juifs. L’école publique francophone catholique n’était pas une option pour les enfants sépharades, car à cette époque les élèves non juifs étaient contraints de suivre les cours de catéchisme. Par ailleurs, l’establishment juif ashkénaze montréalais percevait d’un mauvais œil le projet visant à créer une école sépharade francophone craignant que celle-ci ne fasse concurrence aux écoles juives anglophones existantes. « Toute sa vie, Elias Malka a été un rude batailleur. Les obstacles les plus ardus ne l’ont jamais découragé. En 1968, alors que les embûches entravant la création d’une école sépharade à Montréal se multipliaient, il a pris l’initiative de se rendre à Toronto, en compagnie des quelques autres dirigeants de l’ASF, pour solliciter le soutien moral des membres du Congrès juif canadien (CJC), réunis en assemblée générale, pour créer une école juive francophone. La résolution fut adoptée à l’unanimité , relate l’un de ses proches compagnons dans cette aventure communautaire, le Dr Jean-Claude Lasry, ancien président de l’ASF, de l’École Maïmonide et du Centre communautaire juif (CCJ).

Elias Malka

Elias Malka a assumé avec passion sa triple appartenance à ses trois pays, de naissance, le Maroc, d’adoption, le Canada, et de cœur, Israël.
Il a été un fervent ambassadeur du Maroc au Québec et au Canada. Il a œuvré d’ar-rache-pied pour renforcer les relations entre le Royaume du Maroc et le Canada dans divers domaines : politique, économique, cul-turel, touristique.
En 1983, feu le roi Hassan II lui décerna la plus haute distinction honorifique octroyée par le Maroc, l’Ordre du Ouissam alaouite, le pendant de la Légion d’honneur en France et de la Médaille du mérite civil au Canada, en reconnaissance de son profond attachement à son pays natal et de ses actions en faveur du rapprochement entre le Maroc et le Canada.
En 1985, il a été vice-président du Rassemblement mondial du judaïsme marocain. Le premier congrès de cette organisation, qui s’est tenu à Montréal, a réuni les leaders des communautés juives marocaines du Maroc, d’Israël et de la diaspora. Objectif de ce forum : jeter les bases d’un mouvement visant à défendre les causes politiques du Maroc sur la scène internationale et à jouer un rôle d’intermédiaire entre Israéliens et Palestiniens.

En 1993, pour souligner avec éclat le 65e anniversaire de feu le roi Hassan II, Elias Malka organisa un voyage mémorable de retour aux sources au Maroc au cours duquel la Troupe de théâtre, fondée et dirigée par feu Solly Levy, et la Chorale Kinor du CCJ se sont produites dans plusieurs villes du Maroc. Une tournée qui a connu un grand succès.
Au Québec, Elias Malka a joué un rôle majeur au chapitre du rapprochement entre la communauté sépharade et la société québécoise francophone. Il a noué des liens d’amitié privilégiés avec un bon nombre d’hommes politiques québécois, dont feu Bernard Landry, bien avant que celui-ci n’assume de hautes fonctions au sein du gouvernement du Québec, dont la charge de premier ministre. Il organisait régulièrement, dans son bureau et à son domicile, des événements communautaires auxquels il conviait des personnalités politiques et publiques québécoises, canadiennes, israéliennes et de la diaspora.
Israël faisait vibrer intensément ce sioniste de la première heure. Au début des années 70, durant son mandat de président de la FSC, il s’engagea pleinement dans le combat homérique mené par les « Panthères noires » pour améliorer les conditions de vie piteuses des populations sépharades déshéritées d’Israël. En 1972, il dirigea une délégation de leaders sépharades du Canada qui prit part au premier Congrès des Juifs d’Afrique du Nord à se tenir en Israël. À cette occasion, les délégués canadiens rendirent visite au premier ministre d’Israël, David Ben Gourion, dans son kibboutz, à Sdé Boker. En 1972, Elias Malka reçut l’une des plus hautes distinctions octroyées par l’État hébreu : la Médaille du premier ministre d’Israël.

La France l’a aussi honoré plusieurs fois en guise de reconnaissance pour sa défense de la langue et de la culture françaises au Québec et au Canada et sa contribution au rayonnement de la francophonie à l’échelle internationale. Il a été le récipiendaire de l’Ordre du mérite national de la République française et de la Médaille du 350e anniversaire de l’Académie française, qui lui a été remise personnellement par le secrétaire perpétuel de cette prestigieuse institution culturelle, l’écrivain renommé feu Maurice Druon.
En 2009, la Communauté sépharade unifiée du Québec (CSUQ) l’a honoré en lui décernant sa plus prestigieuse distinction : l’Ordre du mérite sépharade.
Son ami Sylvain Abitbol, ancien président de la CSUQ et de la Fédération CJA, lui a rendu un vibrant hommage dans l’éloge funèbre qu’il a prononcé le jour de ses obsèques.
« Lorsque mon ami Marc Kakon m’a demandé de prendre la parole en hommage à son oncle Elias, une réflexion de Sir Isaac Newton, à qui on a demandé comment il pouvait voir aussi loin dans la science, me vint immédiatement à l’esprit : « Je me tiens sur les épaules de géants , répondit Newton. Je me souviens que chez mes parents, alors que j’étais étudiant, des discussions se terminaient toujours par : « Il faut demander à Elias, qu’en pense Elias? » Il était le point focal de nos discussions communautaires. Lorsque j’ai rencontré Elias pour la première fois, j’ai été tout de suite séduit par cet homme au regard espiègle, à l’intelligence bouillonnante, au sourire convaincant et par sa capacité d’analyser un problème en une fraction de seconde et de répondre à une question avant même que celle-ci ne soit posée. Elias a joué un rôle prépondérant au chapitre du rapprochement entre la communauté juive anglophone et les nouveaux arrivants sépharades francophones de par son implication communautaire et ses succès phénoménaux dans le domaine de l’immobilier. Il était l’un de ces géants sur les épaules de qui nous nous tenions. Pour moi, Elias était une corrida à lui tout seul, le taureau qui fonce, le toréador qui se bat et la foule qui l’acclame dans l’arène qui a été sa vie. Adieu mon ami, ton sourire me manque déjà. » Elias Malka a laissé une trace indélébile dans le paysage communautaire juif montréalais.
Pour son neveu Marc Kakon, ancien président de la CSUQ et des Campagnes générale et sépharade de l’Appel juif unifié (AJU) de la Fédération CJA, Elias Malka a été un « self-made man » qui, pendant six décennies, a mis son intelligence, son temps, sa générosité philanthropique, son dévouement exemplaire et ses nombreux contacts au service d’une cause qui, à ses yeux, était sacrée : l’avancement et le bien-être de la communauté sépharade.
« Elias a été toute sa vie un bâtisseur inégalable de ponts interculturels. Il m’a transmis sa passion pour l’engagement communautaire. Il séduisait ses interlocuteurs avec son brio, son talent, sa grande classe et son sens légendaire de l’hospitalité. Notre communauté a été très privilégiée de compter dans ses rangs un leader de sa trempe. » 

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