Le prix pour manger casher à Montréal

PAR Éric Yaakov Debroise

 

 

 

 

 

La vie juive a un coût, manger casher aussi. Dans l’article intitulé « Le mythe de la taxe casher au Québec », nous désamorcions la légende urbaine sous certains aspects antisémites affirmant que les certifications casher sont un coût supplémentaire au consommateur moyen 1. Néanmoins, pour manger strictement casher, incluant la viande casher ou encore des produits laitiers halav yisraël ou méhadrin 2, combien cela coûte-t-il aux consommateurs juifs au Québec?Qu’est-ce que la casherout? 

Méthodologie

Dans le cadre de cet article exploratoire et non scientifique, voici la méthodologie adoptée pour comparer les prix. Nous avons comparé produits casher et non casher similaires de l’enseigne IGA Van Horne située dans le quartier Côte-des-Neiges où habite une communauté juive significative, notamment Chabad de Montréal. 

 

Autres éléments à souligner, nous avons privilégié les aliments carnés et laitiers, car il y a des certifications spécifiques pour ces produits. Les fruits et légumes n’ayant pas de certifications, ils ne font pas partie de l’étude.
Le prix des produits transformés est variable, casher ou non. Pourquoi donc de telles différences de prix entre les produits? Tout simplement parce que le prix des produits transformés ne dépend pas de la certification, mais du libre choix de la marge des producteurs.
Le panier d’épicerie d’une famille juive montréalaise peut se retrouver affecté par le prix :

• des produits carnés dont le coût supplémentaire varie de +9 % (poulet) à + 62 % (bœuf haché)

• des produits laitiers dont le coût supplémentaire varie de +29 % (lait méhadrin) à +147 % (camembert)

• ou encore du poisson tel que le saumon vendu sous vide avec un coût supplémentaire de +46 %

 

 

 

D’après notre tableau comparatif, le surcoût des produits mentionnés ci-dessus pour une famille juive montréalaise est de +25 %. Ce qui signifie que pour un achat moyen d’un panier d’épicerie québécois de 100 $ des produits mentionnés, une famille juive montréalaise devrait dépenser 130,34 $. Le panier d’épicerie D’après le MAPAQ 3, 14,6 % des dépenses moyennes d’un panier d’épicerie d’un ménage québécois en 2011 étaient consacrées aux produits laitiers et 18,4 % à la viande et aux volailles; ces deux dépenses représentaient 33 % du contenu du panier moyen d’un ménage québé-cois en 2011 4. Depuis, les habitudes alimentaires au Québec n’ont que très peu changé.
Nous n’avons pas de chiffres concernant les habitudes de consommation spécifiquement juives et encore moins sur le contenu d’un panier moyen d’une famille juive montréalaise. Néanmoins, si nous extrapolons les chiffres issus du MAPAQ, après ajustement, il se pourrait que les produits laitiers et carnés puissent représenter près de 40 % du coût d’un panier d’épicerie d’une famille juive montréalaise. Pour conclure, manger strictement casher a un coût et l’enjeu du coût de la cacherout pour la population juive montréalaise se situe principalement dans les produits carnés et laitiers, produits pour lesquels les écarts de prix sont importants ainsi que pour certains produits transformés. Il est nécessaire de trouver une juste adéquation entre les besoins de la population juive montréalaise et la rémunération des mashgiach 5. Peut-il y avoir des pistes d’innovation pour réduire les prix à la consommation tout en réduisant l’insécurité alimentaire de près de 20 % de la population juive montréalaise vivant sous le seuil de pauvreté? 6

 

 

3. Ce sont des produits transformés Marc Gomez, Qu’est-ce qu’un aliment ultra-trans-formé? La Nutrition, 5 octobre 2015. « Il s’agit de produits relativement simples, fabri-qués essentiellement avec des aliments naturels ou peu transformés auxquels on a ajouté du sel, du sucre ou d’autres substances dans le but de prolonger la durée de consom-mation de l’aliment. »

 

Notes:

  1. Voir dans le présent numéro, Éric Yaakov Debroise, « Le mythe de la taxe casher au Québec », LVS, avril 2020
  2. Termes de la loi juive qui font référence à tous les produits laitiers, notamment le lait et le fromage qui proviennent de lait traité sous la surveillance d’un Juif pratiquant ou bénéficiant d’une surveillance particulière.
  3. Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).
  4. Félicien Hitayezu et Karim Kesri, Le panier d’épicerie des Québécois. Portrait et évolution des dix dernières années. Bioclips +, février 2014, Volume 16, numéro 1, MAPAQ [En ligne] https://www.mapaq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/Bio-clips/BioClips+_PanierepiceriedesQuebecois.pdf
  5. Personne juive pratiquante et connaissant les lois relatives à la cacherout, chargée à ce titre de superviser la préparation des aliments en conformité avec les rites et lois alimentaires du judaïsme.
  6. Charles Shahar et Susan Karpman, 2001 Census Analysis Series. The Jewish Community of Montreal. Part IV, The Jewish Poor. November 2004. 7Charles Shahar et Susan Karpman, 2001 Census Analysis Series. The Jewish Community of Montreal. Part IV, The Jewish Poor. November 2004.
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