La cacherout de A à Z
PAR Sonia Sarah Lipsyc
La cacherout est un domaine important et complexe de la vie et de la loi juives
Les définitions qui suivent n’ont pas la prétention d’épuiser le sujet, loin de là, mais d’en dresser les grandes lignes. Toute autre question doit être posée à un rabbin. Nous avons notamment la chance à Montréal de pouvoir nous tourner vers un expert en la matière, le rabbin Ronen Abitbol qui répond aux questions en se référant aux décisionnaires sépharades et en usant notamment de divers médias sociaux. Je le remercie d’ailleurs d’avoir pris le temps de revoir ce texte.
Cacher, littéralement conforme.
Manger cacher signifie se conformer aux règles de la cacherout telles qu’elles sont prescrites dans la Torah, le Talmud et la loi juive. La cacherout concerne les animaux parfois même des parties de la bête qui sont permises ou interdites, les oiseaux, dont la volaille, les poissons et les insectes. Elle touche aussi, en ce qui a trait aux animaux, à la manière dont ils sont abattus et à l’interdiction de consommer le sang de la viande. Tout le végétal est permis (fruits, légumes et cé-réales), mais soumis à d’autres règles comme de bien vérifier un légume de sorte qu’aucun insecte ne s’y soit glissé.
Quels sont les animaux permis?
« Tout quadrupède qui a le pied corné et divisé en deux ongles distincts parmi les animaux ruminants » (Deutéronome 14 ; 6), comme le bœuf, le mouton ou la chèvre1. Sont exclus les animaux qui ne correspondent à aucun de ces deux cri-tères comme le cheval ou à seulement l’un d’entre eux tel que le porc qui a le sabot fendu, mais ne rumine pas.
Quels sont les oiseaux permis?
À partir de deux listes se trouvant dans la Torah (Lévitique 11 ; 13-19 et Deutéronome 14 ; 12-18) et complétées par les sages du Talmud (traité Houlin 63b), les rabbins ont identifié vingt-quatre oiseaux interdits. Les œufs de ces oiseaux interdits le sont également. Toutes les volailles de basse-cour sont permises comme le poulet, la dinde, l’oie et le canard.
Quels sont les poissons permis?
Ceux qui ont des nageoires et des écailles (Lev 11 ; 9-12), comme le saumon, le thon, le brochet, la sole, la carpe, le hareng ou d’autres; sont donc exclus, par exemple, les fruits de mer. Les œufs des poissons permis le sont, ceux des poissons interdits ne doivent pas être consommés.
Qu’est-ce que l’abattage rituel (cheh’ita)?
Pour qu’une bête ou une volaille autorisée puisse être consommée, elle doit avoir été abattue rituellement selon les règles de la cheh’ita qui consiste à fendre rapide-ment l’œsophage et la trachée avec un couteau particulier appelé h’allaf ou sakin. Ce couteau doit répondre à certaines exigences au niveau de la dimension, du tranchant, de la texture, etc. et être susceptible d’être affiné et poli avec un très haut niveau de netteté et de finesse requis pour la cheh’ita. Cette action est effec-tuée par un choh’et. D’autres règles président à une cheh’ita cachère comme l’ins-pection des organes internes de l’animal et si ces derniers montrent des signes de lésion, l’animal est considéré comme tref, c’est-à-dire non cacher.
Toutes les parties d’un animal sont-elles auto-risées?
Après la chech’ita, l’animal passe au nikkour, une procé-dure longue et fastidieuse qui consiste à retirer de l’ani-mal les parties interdites à la consommation. Il s’agit de certains organes, comme les reins et les intestins, les vaisseaux sanguins (au vu de la prohibition de manger du sang), le nerf sciatique, et le suif (h’elev). En pratique aujourd’hui, la partie postérieure de l’ani-mal est revendue sur le marché non-juif.
Enlever le sang
Le sang est impropre à la consommation. Dans les 72 heures qui suivent l’abattage, il doit être drainé de la viande par un processus de trempage et salage, cepen-dant de nos jours, la majorité de la viande cachère est vendue après avoir passé cette étape. Toutefois, le foie, par exemple, qui contient une grande quantité de sang nécessite un grillage particulier afin d’être consommé.
Viande et lait?
Le mélange entre le carné et le lacté est interdit pour tout plat en référence à une injonction exprimée trois fois dans Exode 23 ; 19 et 34 ; 26 et dans Deutéronome 14, 21. Il faut même attendre six heures pour consommer du lacté (lait ou fromages) si on a mangé de la viande (ou de la volaille). Il est possible, dans certaines conditions, de consommer du lacté avant du carné. Les vaisselles sont également distinctes.
Qu’est-ce qu’un aliment parvé?
Ce sont des aliments neutres qui ne sont ni viande ni lait comme tous les fruits, les légumes et les céréales, mais aussi les œufs (à condition qu’ils proviennent d’un ani-mal cacher) et le poisson. Ils peuvent ainsi être mélan-gés et consommés aussi bien avec des aliments viande qu’avec du lacté. Les œufs doivent toutefois être vérifiés pour s’assurer qu’ils ne présentent pas de tache de sang.
Y a-t-il des prescriptions concernant le lait?
Dans le Talmud (Âvoda Zara, 35b), on rapporte le décret de nos Sages interdisant de boire du lait qui n’a pas été trait sous la surveillance d’un Juif pratiquant. La raison logique concerne la peur d’un mélange subséquent du lait de vache avec celui d’un animal impur, tel que du lait de chamelle ou d’ânesse, qui est interdit par la Torah, au même titre qu’une tranche de porc. Pour éviter ce problème, il est impératif que le surveillant assiste au début de la traite; il s’enquiert de la propreté du ou des ustensiles qui doivent être vides d’autre lait. Dans certains pays occidentaux, comme les États-Unis et le Canada, il est illégal de vendre du lait d’animaux non cachers sous le nom de « lait ». Cette loi a servi de base à quelques grands décisionnaires contemporains, entre autres, le Rav Moché Feinstein (Zt’’l), qui ont écrit que, dans les pays dans lesquels la législation du pays elle-même interdit le mélange du lait de vache avec d’autres laits, on peut compter sur cette législation, et donc autoriser un lait trait sans surveillance. Cet avis n’est cependant pas partagé par tous, c’est pourquoi afin d’être bien certains de respecter toutes les opinions, certains ne préfèrent consommer que du lait étiqueté « H’alav Israël ».
Qu’est-ce qu’un fromage cacher?
Certains, pour optimiser l’emprésurage du fromage, au lieu de prendre l’enzyme que représente la caillette, ou en terme moderne la poudre de cette présure sé-chée, mettent directement le lait dans l’estomac de la bête, c’est pourquoi nos sages ont interdit de manière immuable le fromage. À moins que sa production n’ait été surveillée et étiquetée cacher.
En quoi un vin est-il cacher?
Il a été surveillé à tous les stades de la production jusqu’à la mise en bouteille, par exemple les récipients pour la vinification ont été passés à l’eau chaude et les fûts de chêne ont été remplis d’eau froide, trois fois en 24 heures, afin d’être certain qu’aucun élément non cacher n’y soit resté. Ce souci implique également que la bouteille soit ouverte par un Juif pratiquant. La règle est différente pour un vin pasteurisé, mevouchal ou cuit, qui peut être servi pour le kiddouch, prière de sancti-fication du shabbat et jour de fête.
Et le pain?
Il faut que le pain ne comporte que des ingrédients strictement cachers et que l’on s’assure que les tôles qui ont été utilisées pour le cuire n’ont pas été en contact avec des produits non cachers (comme la graisse animale utilisée souvent pour que la pâtisserie ne colle pas à la tôle). Un « Pat Israël » est un pain qui remplit ces conditions et qui vient d’un four allumé ou qui est enfourné par un Juif connaissant ces règles.
Existe-t-il des différences entre Sépharades et Ashkénazes pour les règles de la cacherout?
La cacherout est commune aux uns et aux autres, mais il existe quelques différences dont certains exemples ont été donnés ici.
Pourquoi ça coûte plus cher de manger cacher?
L’abattage rituel, la surveillance par des experts (mashgiah et chomer) à tous les stades de la production entraînent un coût supplémentaire répercuté sur le prix. Nous n’avons pas mentionné dans ce modeste article les prescriptions alimentaires concernant les jours de fête comme l’interdiction de manger du h’ametz (levain), du pain par exemple durant la fête de Pessah’. Et nous n’avons pas abordé les lois propres aux fruits et légumes d’Israël soumis à des règles spécifiques comme l’inter-diction de consommer les fruits des trois premières an-nées après la plantation d’un arbre (o’rlah) ou liés aux lois propres à la chemitah (année sabbatique).
Nous n’avons pas non plus avancé les raisons de la ca-cherout qui sont mentionnées dans le texte biblique (Exode 22 ; 30, Lévitique 11 ; 44-45 et Deutéronome 14 ; 21) liées à la distinction et à la sainteté du peuple juif. Hormis tous ces points, et bien d’autres, retenons que tout produit est cacher s’il porte l’une des certifications cachères délivrées par les autorités juives compétentes. Et qu’il ne faut pas hésiter à poser les questions à un rabbin.