Le mythe de la taxe casher au Québec
PAR Éric Yaakov Debroise
En février 2013, un lecteur écrit au courrier des lecteurs du Journal de Montréal pour faire part de sa consternation au sujet des « taxes religieuses » au Québec 1. Il entend par taxes religieuses, le casher et le halal. Pour soutenir son argumentation, il s’appuie sur un reportage de l’émission J.E., une émission québécoise de journalisme d’enquête, diffusée sur la chaîne TVA, le 11 mai 2007. En fait, il s’agit ici d’une légende urbaine et sous certains aspects antisémites que nous allons décortiquer.
Qu’est-ce que la casherout?
La casherout est communément traduite de l’hébreu « kashrout hamitba’h véhamaakhalim » en français par « de la convenance de la cuisine et des aliments. »
Sans aborder toutes les questions de la casherout, voici quelques éléments la concernant.
- La vérification des animaux et poissons consommables ou non par observance religieuse du judaïsme, l’animal le plus connu non consommable est le porc, mais il y en a bien d’autres tels que les huîtres, les crevettes, etc.
- L’interdiction de certains mélanges. Par exemple, les produits lactés ne peuvent être mélangés aux produits carnés.
- Certaines régulations liées aux végétaux. À titre d’exemple, on vérifie qu’il n’y a pas de parasites ou des insectes à l’œil nu avec les fruits ou légumes.
- Les régulations liées aux jours saints. Un exemple, au début de la Pâque juive (Pessa’h) et la semaine suivante, il est interdit de consommer tous les aliments levés ou fermentés (Hametz). Bière et baguette aux oubliettes durant cette période.
Outre des considérations religieuses, sur le plan alimentaire la casherout renseigne les Juifs observants, les musulmans, les végétaliens ou encore, les personnes ayant des allergies sur l’absence de certains aliments ou de leur mélange par une description détaillée du produit. La casherout est ainsi un gage supplémentaire de sûreté sanitaire.
La casherout est-elle une taxe religieuse?
Sur le plan fiscal, une taxe est un prélèvement obligatoire perçu à l’occasion d’une opération à l’instar de la TVQ au Québec ou de la TPS au Canada. Au niveau juridique, une taxe est une contrepartie monétaire à un service rendu par une personne ou autorité publique 2. La casherout ne correspond à la définition ni fiscale ni juridique de ce qu’est une taxe.
Aux origines de la « taxe casher »?
Les aliments étiquetés casher le sont aussi bien en Amérique qu’en Europe. Pour autant, lorsque l’on regarde l’actualité européenne et, plus particulièrement en France, on s’aperçoit que ladite « taxe casher » n’existe pas. La « taxe casher » serait une spécificité nord-américaine.
L’histoire de la « Taxe casher » débute en 1991 par un dépliant du Klu Klux Klan, « The Kosher Food Swindle » (L’arnaque des aliments casher). Ce pamphlet avait pour objectif de faire croire aux consommateurs américains qu’ils payaient une taxe cachée finançant les activités juives ou sionistes selon les cas. Au regard des réactions, l’on constate qu’avec la publication et diffusion de ce pamphlet, le Ku Klux Klan, popularise auprès des consommateurs américains une accusation de « la taxe casher » qui ne sévissait jusqu’alors que dans l’extrême droite seulement 3.
Un autre succès pamphlétaire antisémite
D’une certification, gage de crédibilité et de confiance pour les consommateurs qu’il n’y aura pas de mélange ou l’absence de certains aliments, la casherout est depuis perçue comme une taxe parmi un certain nombre de personnes dans la population.
Pourtant, les certifications casher en sont une parmi les multiples certifications existantes telles que les certifications biologiques ou de commerce équitable. Les certifications casher n’augmentent d’ailleurs pas les prix de fabrication, par contre elle accroît la rigueur des entreprises dans le processus de fabrication de leurs produits. Comme pour toute certification, il faut des inspecteurs, des personnes qui vérifient si les entreprises respectent les conditions de ladite certification. Au risque, sinon, que cette certification soit vide de sens. Au final, la répercussion de la certification sur les prix est infinitésimale et serait de l’ordre de 0,0000065 cent par article 4.
La persistance de la légende urbaine
Malgré l’antisémitisme avéré de cette falsification d’une certification en taxe, la persistance de cette légende urbaine, et l’écho qu’elle rencontre au Québec reflètent moins un climat d’antisémitisme qu’un climat d’hostilité général à l’encontre des religions.
Notes:
- Duy Nguyen, Journal de Montréal, 13 février 2013, [En ligne] http://www.journaldemontreal.com/2013/02/13/les-taxes-religieuses ↩
- Encyclopédia Universalis. Taxe [En ligne] http://www.universalis.fr/encyclopedie/taxe/ ↩
- Voir Anti-Defamation League, The « Kosher Tax » Hoax : Anti-Semitic Recipe for Hate, Janvier 1991, [En ligne] https://www.adl.org/resources/backgrounders/the-kosher-tax-hoax-anti-semitic-recipe-for-hate#you-dont-have-to-be-jewish ↩
- Ibidem. ↩