KKL-FNJ : L’ÉCOLOGIE D’AVANT-GARDE
PAR EMMANUELLE YAËL BEILLARD
Emmanuelle Yaël Beillard est une écrivaine installée à Montréal depuis 20 ans. Elle a fait une partie de sa carrière à Radio-Canada et au Devoir comme journaliste culturelle.
Le KKL-FNJ, pour Karen Kayemeth LeIsrael et Fonds national juif, est la plus grande ONG écologique en Israël et le plus ancien fond vert au monde. Fondé par Théodore Herzl en 1901, au moment du 5e Congrès sioniste de Bâle, et à l’instigation de Zvi Hermann Shapira, le KKL-FNJ est indissociable de la création de l’État d’Israël.
Sa vocation initiale consiste à racheter, défricher et mettre en valeur des terres pour le retour du peuple juif au pays de leurs ancêtres, après deux millénaires d’exil. L’aventure commence par l’achat de terres arides en Galilée et en Judée. Au fil des ans, plus de terres sont acquises, et l’ensemble joue un rôle déterminant lors de la partition en 1948, au moment de la création de l’État d’Israël.
Achat de terres et plantation de forêts
Les premiers pionniers, ne se sont pas contentés d’exploiter la terre, ils voulaient, comme l’incite la tradition juive s’en occuper et la soigner pour en tirer le meilleur. Planter un arbre et l’arroser de manière intelligente, c’était une manière de redonner à la terre ce qu’elle produit. Les racines de chaque arbre planté en Israël ont permis d’ancrer le sol, de stopper l’érosion ou de maintenir l’humidité. Ces forêts, nées de la main des premiers pionniers, ont combattu la désertification ou asséché les marécages. « Au total, explique Galith Levy, directrice générale du Québec pour le FNJ Canada, ce sont plus de 240 millions d’arbres qui ont été plantés en Israël. De la simple forêt de conifères, nous sommes passés à des forêts variées qui hébergent une biodiversité changeante. Alors que les autres pays subissent une déforestation importante, Israël est le seul pays au monde qui verdit un peu plus chaque année », souligne-t-elle.
Parallèlement aux plantations, le KKL-FNJ s’est également investi dans la création de parcs naturels pour la faune et la flore, ainsi que dans la création d’aires de loisirs, de sentiers et de pistes cyclables qui ont transformé le rapport des Israéliens à la nature. « Nous venons d’inaugurer, dans la vallée du Houla, l’un des plus grands sanctuaires pour oiseaux au monde, un endroit crucial pour l’interprétation et le marquage de milliers d’espèces », souligne Galith Levy. Ce projet qui porte le nom de l’ex-premier ministre du Canada, Stephen Harper, a été porté en partie par le FNJ Canada et le KKL.
Gestion de l’eau : technologies et expertise de pointe
Avec la reforestation entamée depuis 1901 est venue la nécessité de gérer une autre ressource bien précieuse : l’eau. « Le contexte politique autour d’Israël étant plutôt hostile, explique David Smajovits, chargé des communications et du marketing au FNJ Canada, il a fallu trouver rapidement un moyen pour devenir autosuffisant en eau et en nourriture. Grâce à une vision étalée dans le temps, les membres du KKL-FNJ ont vu l’importance de créer des centres de R&D (recherche et développement), pour mettre au point de nouvelles technologies dans le traitement, l’arrosage et le stockage de l’eau », souligne-t-il. Par exemple, ils ont développé une technologie de l’irrigation inversée qui consiste à placer au pied de chaque tronc d’arbre planté des manches qui récupèrent la moindre goutte d’eau en l’empêchant de s’évaporer et en la condensant pour qu’elle revienne irriguer l’arbre dans un goutte à goutte très calculé. Les centres de R&D ont aussi inventé des systèmes avant-gardistes pour désaliniser l’eau de la mer ou stocker l’eau dans des réservoirs ultra-performants. Aujourd’hui, environ 80 % des eaux usées israéliennes sont traitées et 75 % sont utilisées pour l’irrigation agricole. Israël prévoit recycler 95 % de ses eaux usées pour l’irrigation d’ici la fin de 2025. C’est très loin devant l’Espagne qui est le deuxième pays le plus avancé avec seulement 20 % du recyclage des eaux usées.
Israël exporte chaque année 2,2 milliards de dollars en technologie et expertise dans le domaine de l’eau, en partie dues aux scientifiques du KKL. Au lieu de garder les avancées en agro-tech pour eux, le KKL-FNJ les partage avec d’autres nations, sur une base humanitaire et dans le cadre de cours de formation, de consultations et de projets. « Nous travaillons selon le principe du Tikkoun Olam, souligne Galith Levy, selon lequel on se doit de réparer le monde pour le ramener à son état d’origine, harmonieux et parfait », souligne-t-elle. Reconnu comme étant un leader mondial dans l’innovation technologique dans l’agriculture et l’environnement, le KKL-JNF s’implique aussi fortement dans la recherche en énergie, en santé, en éducation et en développement communautaire, en Israël, comme à l’étranger. L’argent du KKL-FNJ provient en partie des loyers générés par le 13 % des terres qu’ils détiennent encore en Israël. La deuxième source majeure des fonds est obtenue par des collectes de fonds organisées dans les 47 centres du FNJ dispersés dans le monde. Sans l’aide des bénévoles de la diaspora, l’organisation ne pourrait rien accomplir, ni à l’échelle locale ni à l’échelle mondiale. Le FNJ Canada est très présent localement, notamment auprès des écoles juives dans lesquelles ils font un remarquable travail d’éducation sur l’environnement et l’écologie. « L’idée du KKL-FNJ, termine Galith Levy, ce n’est pas de donner le poisson, mais d’apprendre à pécher, pour atteindre l’autosuffisance et réparer ce qui doit l’être. Lorsqu’on travaille main dans la main avec la nature, on est toujours gagnants », conclut-elle.
Le JNF KKL en quelques chiffres c’est :
+ 240 millions d’arbres plantés en Israël – 160 000 ha de forêts – 250 réservoirs d’eau – 1 200km de pistes cyclables – 700 000 acres pour les nouvelles communautés – 7 centres de R&D spécialisés dans la recherche et les technologies de l’eau, l’agriculture, la santé et de l’énergie – 400 millions de fruits et légumes produits dans les serres d’Arava situées entre la Mer morte et le golf d’Aquaba, et exportés, grâce aux technologies développées avec l’aide du KKL.