LES PROJETS FUTURS DE LA FÉDÉRATION SÉPHARADE DU CANADA : ENTRETIEN AVEC AVRAHAM ELARAR, SON NOUVEAU PRÉSIDENT

PAR ELIE BENCHETRIT

Avraham Elarar

Elie Benchetrit

Elie Benchetrit

Président de la Fédération Sépharade du Canada depuis seulement quelques mois, Avraham Elarar s’est donné pour mission de poursuivre le magnifique travail de M. Moïse Amselem, le président sortant, en y apportant sa touche personnelle. Homme d’affaires, mais également bibliophile, féru d’histoire et collectionneur d’ouvrages rares touchant à la littérature sépharade, le nouveau président se propose de mettre en chantier deux projets majeurs qui lui tiennent à cœur. Pour en savoir plus, pour le LVS, nous sommes allés à sa rencontre dans les bureaux de son entreprise. Entretien mené par Elie Benchetrit, journaliste et consultant en traductions.

Lors d’une récente entrevue au Canadian Jewish News, vous avez déclaré que le séphardisme ne pouvait s’épanouir qu’au sein de la grande famille juive. Qu’entendez-vous par là ?

A. E. – Les sépharades partout au monde sont au nombre d’un peu plus de deux millions d’âmes, donc une minorité au sein des 13 à 14 millions de juifs à l’échelle mondiale, majoritairement ashkénazes. Il ne s’agit pas, loin de moi cette idée, de séparer nos destins de ceux de nos frères et soeurs ashkénazes, mais de maintenir vivante notre culture tout en partageant notre particularisme aussi bien historique, cultuel et culturel avec eux, car nous formons pour toujours un seul et même peuple. Je tiens à insister sur le fait que notre esprit d’ouverture sur le monde, qui soit dit en passant a constitué tout au long de notre histoire notre marque de commerce, demeure un atout de taille au sein de la grande communauté juive de Montréal, mais également dans l’ensemble de la diaspora et bien entendu en Israël. Pour moi le rôle de la Communauté Sépharade Unifiée du Québec (CSUQ) est de demeurer celui d’un acteur actif aussi bien par sa présence que par ses programmes au sein de la communauté.

Au mois de juin, à l’initiative de la CSUQ se tiendront les états généraux de la communauté, avez-vous un commentaire à exprimer à ce sujet ?

A. E. – Le nouveau président de la CSUQ, M. Jacques Saada a pris une excellente décision en lançant ce grand débat qui enfin pourra nous permettre, en fonction des idées et des commentaires recueillis auprès des membres de notre communauté, d’établir un bilan de ce qui a été réalisé par notre institution depuis sa création il y a plus d’un demi-siècle et surtout de tirer des conclusions optimistes ou pessimistes quant à l’évolution de son rôle et surtout à son avenir en tant qu’institution communautaire. Pour cela, il faut que la participation à ce débat soit aussi large que possible et surtout celle des jeunes.

Pouvez-vous nous tracer les grandes lignes des projets de colloques ou conférences que la Fédération Sépharade du Canada se propose de réaliser en 2019 et 2020 ?

A. E. – Tout d’abord à l’automne prochain, et peut-être dans le cadre du Festival Sefarad, nous prévoyons un cycle de conférences-débats avec des historiens d’ici, d’Israël et de l’étranger qui porteront sur le thème de l’identité sépharade telle qu’elle se définit et se manifeste au 21e siècle. Je tiens à rappeler, si je prends le cas d’Israël, que je connais très bien pour y avoir vécu, le terme sépharade était uniquement appliqué aux juifs provenant de la Turquie et des Balkans, ainsi qu’à ceux de Syrie et du Liban, c’est-à-dire originaires de l’ancien Empire ottoman. Les « Olim » en provenance du Maroc étaient catégorisés comme des Marocains et les Yéménites et Irakiens comme des « Mizrahis ». Or, aujourd’hui le terme sépharade s’applique également aux citoyens de ces deux pays. On a simplifié le problème en statuant que ceux qui n’étaient pas Ashkénazes étaient donc Sépharades. Un fait est indéniable, que ce soit en Espagne, en Afrique du Nord ou dans l’Empire ottoman, les sépharades qui y ont vécu pendant des siècles n’ont cessé d’avoir des affinités et des échanges avec l’Islam. Je tiens à souligner que parallèlement à cette activité, la Fédération Sépharade prévoit en collaboration avec notre bureau de Toronto de tenir une conférence de jeunes sépharades canadiens et latino-américains à l’instar de celle que nous avions organisée avec la CSUQ, il y quelques années.

En évoquant cette influence islamique, j’en viens à ce deuxième colloque qui aura lieu en 2020 et qui coïncide avec l’anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz et qui portera sur « La perception de la Shoah dans les pays arabes », un sujet qui m’a travaillé pendant de longues années au vu du caractère négationniste exprimé à son sujet par de nombreux pays arabes. Je me suis basé également sur la lecture de l’ouvrage « Among the righteous » de l’historien juif américain, Robert Slatoff, directeur du Washington Institute of Near East policies qui développe une thèse assez intéressante et inédite. Ici encore, nous allons inviter des historiens arabes et juifs pour débattre de la question à savoir si malgré ce négationnisme que j’ai évoqué plus haut, il y a eu des justes dans le monde arabe qui ont pris le risque de sauver des juifs. Le Centre de Yad Vashem a dénombré 60 musulmans, majoritairement des Balkans, dont seulement 2 Arabes qui figurent dans son palmarès qui compte environ 23  750 noms. J’aimerais ajouter que des voix se font entendre aujourd’hui au Maroc pour que l’on introduise dans les programmes scolaires l’enseignement de la Shoah. S.M Mohammed VI, Roi du Maroc ne l’avait-il pas déclaré dans un discours à New York en septembre 2018 : « La bataille contre le fléau du racisme, de la xénophobie, de l’islamophobie, de l’antisémitisme, ne s’improvise pas. Elle n’est ni militaire ni budgétaire; elle est avant tout pédagogique et culturelle. Ce combat porte un nom : l’éducation. Et dans l’intérêt de nos enfants, il importe que nous les remportions, car ce sont eux qui en seront les bénéficiaires et les ambassadeurs  ».

 

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