Elles et ils ont publié – avril 2019
PAR SONIA SARAH LIPSYC
BERNARD WERBER
La boîte de Pandore, Albin Michel, 2018
À la faveur d’une hypnose régressive alors qu’il est choisi comme « cobaye » au cours d’un spectacle, René Tolédano renoue… avec ses vies antérieures. Il n’aura de cesse alors d’explorer les plus significatives d’entre elles, notamment la première de ses incarnations… Geb, un Atlante avec qui il dialoguera tout le long de cette odyssée surréaliste. Et c’est là, justement, l’une des idées de génie de l’auteur, l’échange du héros avec les différentes incarnations de son âme, voire le fait même qu’elles se découvrent entre elles. La métempsychose existe dans la tradition juive ésotérique et même si l’auteur use peu a priori de ces connaissances-là, il réussit une fois de plus
à nous faire entrer avec humour et suspens dans ses univers fantastiques.
MARTINE GOZLAN
Quand Israël rêvait. La vie de Rachel Bluwstein, éd. du Cerf, 2018
Cette biographie, à la plume alerte, sur l’une des plus grandes poétesses de la littérature hébraïque Rachel (1909-1931) se lit comme un roman. Née en Russie, celle qui signera de son simple prénom ses textes, appartient aux pionniers de la « deuxième alya » — ces idéalistes qui « montèrent » en terre d’Israël au début du 20e siècle. Rachel vécut principalement dans une école agricole au bord du lac Tibériade. Envoyée pour se perfectionner en agronomie à Toulouse, elle se réfugia ensuite en Russie au cours de la Première Guerre mondiale pour enfin retourner en terre d’Israël en 1919. Malheureusement atteinte de la tuberculose, alors incurable, elle quitta le kibboutz Degania et c’est de sa chambre à Tel-Aviv où elle vivra jusqu’à la fin de ses jours qu’elle écrivit et su capter toute l’âme d’un peuple de retour et d’un pays en construction. Au travers de la vie pour le moins tumultueuse de Rachel, on croise toute une galerie de personnages parmi lesquels certains furent ses amants et qui tous l’admirèrent… Le pionnier Aharon David Gordon, Zaman Rubashov Shazar, futur président de l’État hébreu, l’activiste Uri zvi Greenberg, l’éditeur Berl Katznelson, le poète et essayiste Haim Nahman Bialik. On ne sort pas indemne de cette biographie, car à la lecture de la vie de Rachel et des autres pionniers, on mesure tout ce que l’on doit à ces femmes et ces hommes qui bâtirent avec dévouement et sacrifice un pays qui nous est cher.
On complètera cette lecture par le livre de Sari Klein, Génésareth, traduit de l’hébreu par Sonia Lévine, paru en 2018 aux Éditions Matanel et Berg International dont on salue ici, en matière de culture juive, la persévérance, la qualité et la diversité de leurs catalogues. Ce livre porte précisément le titre de la ferme-école du Kinéret (lac du Tibériade) où vécut Rachel et on retrouvera avec plaisir dans cet essai historique nombre de personnages cités dans la précédente biographie.
ROBERT BADINTER
Idiss, Fayard, Paris, 2019
Au travers de cet ouvrage émouvant, Robert Badinter rend hommage à sa grand-mère maternelle, Idiss, née en 1863 dans une partie du Yiddishland, au sud de l’Empire tsariste, en lisière de la Roumanie. Robert Badinter retrace le parcours difficile de ses grands-parents de Bessarabie à Paris et dépeint la vie des immigrés juifs en France jusqu’au décès de sa grand-mère durant la Seconde Guerre mondiale. En racontant sa biographie, Robert Badinter partage avec ses lecteurs le lien privilégié qu’il entretenait avec Idiss, l’amour inconditionnel qu’il lui portait et la transmission du judaïsme qu’il s’efforcera d’offrir à ses propres enfants. C’est avec une immense sensibilité que l’ancien garde des Sceaux nous fait voyager au cœur de son histoire familiale.
Salomé Georgiev Wolfowicz