MONTRÉAL – BEER SHEVA :
L’ENGAGEMENT DE LA COMMUNAUTÉ
SÉPHARADE UNIFIÉE DU QUÉBEC EN ISRAËL
PAR ANNIE OUSSET-KRIEF
Annie Ousset-Krief était Maître de conférences en civilisation américaine à l’Université Sorbonne Nouvelle à Paris. Elle réside maintenant à Montréal.
Un partenariat avec Israël a été mis en place en 1967 par les Jewish Federations of Canada – UIA (United Israel Appeal). Cette collaboration vise à établir des projets dans les régions d’Israël qui connaissent des problèmes économiques et sociaux. La situation est parfois dramatique pour certaines catégories de la population, notamment les enfants. Ainsi, un rapport de l’Institut national d’assurance (Bitouah Leumi) indique un taux de pauvreté élevé, avec environ 1,8 million de personnes, sur un total de 8 millions et demi d’habitants, sous le seuil de pauvreté, dont 764 000 enfants – soit 18,6 % des familles 1. Les Juifs canadiens se sont mobilisés aux côtés des Israéliens avec constance. Ainsi des investissements considérables (un milliard de dollars) au cours de ces décennies ont permis la création d’infrastructures cruciales pour le développement du pays : écoles, hôpitaux, résidences pour personnes âgées, bibliothèques, centres sportifs… Dans ce cadre, Toronto a été jumelé à la région d’Eilat, Bat Yam et Sderot, un autre partenariat « côte à côte » (coast–to–coast) engage également les villes de la côte atlantique canadienne, Vancouver, Winnipeg, Calgary, Ottawa, Edmonton et les villes de Galilée, et le troisième partenariat initié il y a vingt ans, associe Montréal à Beer Sheva et au Conseil Régional de B’nei Shimon, qui inclut treize petites communautés autour de Beer Sheva (y compris sept kibboutzim). La Communauté Sépharade Unifiée du Québec (CSUQ) occupe une grande place dans ce partenariat dirigé par la Fédération CJA, et pilote des programmes spécifiques, notamment Yahad et la Mission de Solidarité et le projet Bar Mitzvot.
Yahad organise des voyages en Israël pour les 15-17 ans. Le séjour dure trois semaines et inclut visites touristiques dans tout le pays, rencontres avec de jeunes Israéliens et bénévolat à Beer Sheva, la ville jumelée avec Montréal. Une partie du voyage est subventionnée par l’organisme Parnership2Gether de la Fédération CJA : les familles doivent acquitter la somme de 3 745 $ (transport et pension complète durant trois semaines), mais le coût réel est de 5 500 $. Les familles aux moyens modestes peuvent cependant demander des bourses auprès de la CSUQ – octroyées grâce à la générosité de donateurs. Une cinquantaine de jeunes participent ainsi à chaque voyage.
La première semaine du séjour se déroule à Beer Sheva pour permettre aux adolescents de découvrir une région en pleine expansion. Le programme inclut une visite du High-Tech Park, où sont installés entreprises de pointe et laboratoires de recherche; visite également du Cube de Rotschild à l’Université Ben Gourion, un centre tout à fait unique de formation à la relation sociale pour aider les responsables associatifs à être plus efficaces dans leurs actions. Ils effectuent une journée de bénévolat, parfois à la soupe populaire pour la distribution de repas, parfois dans des écoles pour servir les petits déjeuners aux enfants défavorisés… Une autre activité a été introduite l’an passé : la visite d’un Beit-Halochem (maison du combattant), centre de rééducation pour soldats blessés. Un match de ballon en fauteuils roulants a été organisé pour sensibiliser les jeunes à la réalité de la guerre et du handicap. Les évaluations de fin de séjour ont révélé que cette activité avait été celle que les jeunes Montréalais avaient préférée.
Permettre de découvrir Israël, de renforcer la judéité, d’être confronté à la réalité du pays, faire prendre conscience de l’importance de la solidarité, tels sont les buts de Yahad – un programme qui a connu un tel succès qu’il a été décidé d’organiser ces voyages sur une base annuelle – et non plus tous les deux ans.
Le deuxième programme d’envergure de la CSUQ est la Mission de Solidarité et le projet Bar-Mitzvot Israël, un volet spécifique de la Mission de Solidarité. La Mission de Solidarité est née à la suite de la seconde intifada, après septembre 2000 : dans l’urgence de la situation, il fallait apporter une aide logistique et montrer la solidarité des Juifs montréalais envers les Israéliens. La première action, effectuée à l’initiative de la congrégation Or Hahayim, à l’été 2001, fut d’aider la Magen David Adom : les dons collectés permirent d’acheter deux ambulances. Cette initiative se pérennisa rapidement et devint la Mission de Solidarité, une entreprise officielle et annuelle de la CSUQ, présidée par Marcel Elbaz de 2006 à juin 2018, puis par David Peretz. Le projet concernait en premier lieu un bénévolat social afin d’aider les plus vulnérables. Le travail se faisait conjointement avec des organisations israéliennes aux objectifs spécifiques : par exemple, offrir des climatiseurs à l’Institut des Aveugles (2009), un abri sécuritaire aux résidents de la région B’nei Shimon (2014), trois camions de distribution de nourriture, « les camions de la tsedaka » (2006) au centre Beth Moriah, des installations à la soupe populaire Be’er Sova, des équipements sportifs pour les handicapés au Centre Merkaz Yom Lanachim Kachim (2004) et au Centre Ilan (2010), des bourses pour étudiants… Des sommes considérables ont pu être rassemblées : en 17 ans, l’aide financière s’est élevée à plus de 754 000 dollars. L’une des manières de collecter des fonds était le Bazar de la CSUQ, présidé par Alain Mechaly et qui fut organisé chaque mois de mai durant une dizaine d’années. Pendant deux jours, les bénévoles tenaient un « super magasin » où se vendaient toutes sortes d’articles cédés par des membres de la communauté. Les profits de la vente des vêtements, meubles, accessoires, etc. allaient à la Mission de Solidarité.
S’est greffé sur ces missions le projet Bar Mitzvot, un programme particulier, impliquant une quarantaine de bénévoles. La CSUQ travaille en collaboration avec Orot Israël Institute, une ONG basée à Beer Sheva, dédiée à l’amélioration des conditions de vie des enfants du sud d’Israël, à leur éducation, et au renforcement de leur identité juive. Les bénévoles se mobilisent chaque année pour offrir à des enfants orphelins ou issus de familles défavorisées de Beer Sheva et sa région, une véritable bar-mitzvah 2. Six cent treize enfants ont ainsi bénéficié du projet depuis sa mise en place. L’année 2016 a été exceptionnelle : la CSUQ et son équipe de bénévoles extraordinaires, ont réussi à recueillir suffisamment de fonds pour permettre à 118 enfants de faire leur bar-mitzvah. Les dons collectés assurent la préparation à la bar-mitzvah et tout le nécessaire à la cérémonie : tefillins (phylactères), talits (châles de prière), sidourim (livres de prières), mais aussi des vêtements neufs. La cérémonie a lieu au Kotel, au Mur occidental à Jérusalem, puis une fête rassemble tous les enfants et leurs familles et les intervenants. Des cadeaux leur sont également distribués. C’est aussi l’occasion pour les volontaires montréalais d’aller à la découverte d’Israël : visite de Jérusalem, visite de la Knesset (l’Assemblée nationale), visite du lieu biblique de Shilo (proche de Jérusalem); puis pendant deux jours, ils voyagent dans le pays : Tibériade, Safed, Tel Aviv, Netivot, Beer Sheva. Ils prennent également part à des activités de bénévolat à Beer Sheva, à la soupe populaire, dans les garderies d’enfants et centres pour handicapés. Rappelons que les volontaires assument l’intégralité des frais de leur séjour. Ce sont des moments exceptionnels, que partagent Canadiens et Israéliens, unis dans la même volonté d’affirmer des valeurs communes et la force de la solidarité. La communauté juive montréalaise affirme ainsi son profond engagement pour Israël.
Le jumelage avec Beer Sheva se révèle être un succès de l’action collective, qui rassemble année après année des volontaires de plus en plus nombreux. La contribution au développement de la région est notable, et est saluée par tous les services récipiendaires. Le directeur de l’institution Orot Israel, le Rabbin Or Benshoushan, remerciait en ces termes la communauté sépharade : « la Torah nous enseigne le droit et le devoir d’être « responsables les uns des autres », une responsabilité qui a soutenu et renforcé le peuple juif pendant de nombreuses générations et à travers de nombreuses difficultés. Vous êtes un merveilleux exemple de cette responsabilité 3. »
Notes: