PORTRAIT DU RABBIN MENACHEM ZEEV GREENGLASS « UN KABBALISTE À MONTRÉAL »

PAR GUILLERMO GLUJOVSLY AVEC LA COLLABORATION DE VIRGINIE BRAND

Guillermo Glujovsky

Ancien professeur en Sociologie à l’Université de Buenos Aires (Argentine) Guillermo Pablo Glujovsky, collabore au LVS et à ALEPH – le Centre d’Études Juives Contemporaines au sein de la CSUQ (Communauté Sépharade Unifiée du Québec). Il nous présente ici le portrait d’un rabbin kabbaliste qui vécut à Montréal.

Légendaire leader spirituel, enseignant, écrivain 1, kabbaliste et l’un des membres fondateurs du mouvement Loubavitch à Montréal, le rabbin Greenglass (1917- 2010), était reconnu par sa famille, ses amis et ses étudiants pour sa sagesse, sa perspicacité et sa compréhension profonde de l’être humain.

Né dans la ville de Lodz (Pologne) en 1917, dans une famille qui appartenait à la branche hassidique Alexander 2,  il fut attiré dès son très jeune âge par les études de la pensée hassidique et de la Kabbale dispensées par le rabbin Schneour Zalman Schneersohn (1898-1980). Grâce à ce premier contact avec le groupe hassidique Habad ou Loubavitch*, il a consacré toute sa vie non seulement aux études, mais aussi à transformer son apprentissage en « maasim tovim » (actions de bonté à l’égard d‘autrui). Envoyé par le Rabbi loubavitch, Menachem Mendel Schneerson (1902-1994),  à Montréal, il a fait partie du groupe fondateur du Collège rabbinique du Canada, école d’études hassidiques pour garçons, et de l’école pour jeunes filles, Beth Rivkah, institution dans laquelle il a travaillé comme enseignant presque toute sa vie.

Son existence était parsemée de nombreuses d’anecdotes et de miracles racontant notamment comment lui et d’autres ont été sauvés durant la Shoah. Ainsi son évasion de Varsovie à Shadlitz (Pologne), échappant aux coups de revolver des nazis, sa fuite dans la péninsule du Japon, et même en Chine, plus précisément dans la ville de Shanghai, où il s’était réfugié, dans la synagogue déjà existante du mouvement Habad, pour enfin arriver au Canada. Ces récits relatent aussi ses bénédictions et actes de guérisons qu’il a réalisés pendant qu’il habitait à Montréal.

Rabbi Menachem Zeev Greenglass © Mordechai Lightstone

Le kabbaliste de Montréal  

Le Rabbin Menachem Zeev Greenglass a commencé à suivre ses études de Kabbale quand il était très jeune et il les a poursuivies toute sa vie. Il est resté en contact plusieurs années avec un expert dans les études de Kabbale, qui vivait à Jérusalem, Rabbi Yeshaya Asher Zelig Margalios (Pologne, 1893 – Israël, 1969), auteur de trente volumes sur la Kabbale et lorsque ce dernier est décédé, le rabbin Greenglass a continué à être en relation avec son fils Rabbi Eliezer Margalios.

La sagesse du Rabbi Greenglass était telle qu’il fut souvent nommé et référé par le Rabbi Yeshaya Asher Zelig Margalios auprès de ses étudiants comme son ami de cœur, génie et maître de la Kabbale. Plus précisément, le titre du Mekoubal, de « Kabbaliste de Montréal », lui a été décerné par le dernier Rabbi du Loubavitch, Rabbi Menachem Mendel Schneerson, l’un des grands maîtres du judaïsme contemporain 3.

Le gendre de Rabbin Zeev Greenglass, David Cohen, rabbin de la synagogue qui porte le nom de son beau-père, située à Montréal (5150, Avenue Plamondon, rez-de-chaussée, dans le quartier Côte-des-Neiges) dans un entretien qu’il nous a donné récemment, nous explique la relation de son beau-père avec la Kabbale : « Rabbin Zeev Greenglass a pris la Kabbale comme un mode de vie, c’est à dire, que chacun de ses comportements quotidiens était imprégné par des habitudes qu’il a apprises de la Kabbale ». Et de poursuivre, « c’était un kabbaliste unique qui savait user de mots, de telle manière que s’ouvrent les portes du ciel ».

Bien qu’il ne fût pas reconnu publiquement pour ses dons de guérisseur, il y a des histoires que des fidèles ont gardées en mémoire qui témoignent de ses caractéristiques mystiques exceptionnelles. Nous mentionnons ci-dessous deux témoignages. Le premier tient à rester anonyme : « Un jour, j’ai reçu un appel étonnant du Rabbi Greenglass : « aujourd’hui, c’est mon anniversaire, et je vous adresse une bénédiction pour vous ainsi que votre famille! ». Quelques minutes plus tard, le téléphone sonna à nouveau, c’était mes parents – en voyage vers les États-Unis me disant qu’ils venaient d’avoir un accident! Leur voiture avait glissé dans un ravin, mais ils étaient sains et saufs! » Dès leur retour, les parents et notre témoin se rendent à la demeure de Rabbi Greenglass pour lui raconter ce qui s’était passé : il ouvre sa porte et les accueille avec un immense sourire, en disant : « je sais, je sais ».

Le deuxième témoignage est celui d’un membre de la communauté sépharade, Steve Maman (créateur d’une fondation pour venir en aide aux Yazidis : CYCI – The Liberation of Christian and Yazidi Children of Iraq) 4. Il raconte que sa relation avec le Rabbi Greenglass était intense, plus qu’amicale, étroite, « sans limites », à tel point que pour lui ce n’était pas nécessaire de lui raconter ses expériences positives ou ses mésaventures : parfois, ils communiquaient et se comprenaient sans même parler : « Aie confiance, tu sais que je sais » était la phrase la plus répétée par le Rabbi Greenglass lorsqu’ils se rencontraient.

 

Notes:

  1. Rabbin Menachem Zeev Greenglass a écrit le Sefer Ha Minhagim (Livre des Coutumes) avec Rabbi Leibel Groner (New York, 1932), un ouvrage de référence pour les membres du mouvement Loubavitch, concernant les pratiques et les coutumes du hassidisme.
  2. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le régime nazi a pratiquement annihilé tous les membres de cette branche hassidique de la région de Lodz (Pologne).
  3. Voir à ce sujet, Dovid Zaklikowki, « Montreal Kabbalist and Educator Passes Away at Age of 94 », Habad.org, 16.11.2011
  4. Voir à ce sujet dans le LVS de décembre 2017 ou en ligne sur notre site, Annie Ousset Krief, « Un philanthrope au service de la cause Yazidi. Rencontre avec Steve Maman »
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