Emmanuel Castiel et Chantal Bekhor, « Gourmet Végétarien », un entreprenariat en couple
Amélia Lecousy, une jeune historienne sépharade pleine d’avenir
PAR ELIE BENCHETRIT
Elie Benchetrit, journaliste et consultant en traductions.
Emmanuel Castiel et Chantal Bekhor forment un duo heureux dans leur vie de couple, et aussi dans leur vie professionnelle en tant que respectivement, Directeur général et Présidente d’une entreprise familiale qui prépare et commercialise des burgers végétariens surgelés. Leur entreprise située à Ville-Saint-Laurent, s’est dotée depuis l’an dernier d’une cuisine industrielle flambant neuve et elle emploie cinq personnes. Le financement, nous rapporte Emmanuel, a été réalisé grâce à leur propre mise de fonds ainsi qu’à des prêts bancaires.
Emmanuel est avocat de formation, diplômé en droit de McGill; il détient également un MBA. Il a travaillé dans le passé dans le secteur des produits de consommation, du marketing et des ventes. Il convient de souligner qu’il s’est également impliqué par le passé dans notre communauté, tradition familiale oblige.
Chantal quant à elle, a enseigné pendant dix ans l’anglais, les mathématiques et la robotique pour les élèves de 5e année des écoles JPPS. Il faut également signaler, et ceci a son importance, qu’elle est végétarienne depuis l’âge de 14 ans. Passionnée de bonne cuisine et surtout de l’utilisation de produits frais, goûteux et de bonne qualité, Chantal est la créatrice des recettes de ses produits dont elle supervise la fabrication. Emmanuel s’occupe de la distribution et du marketing. Il met en avant le fait que 5 % des consommateurs au Canada sont végétariens, sans compter les omnivores qui cherchent à réduire leur consommation de viande, ce qui représente un marché assez intéressant et en croissance constante. On peut trouver à l’heure actuelle leurs burgers végétariens non seulement dans les magasins d’aliments naturels, mais également chez Adonis en plus des 40 points de vente chez Metro et des 60 chez IGA. Pour une liste complète, visitez : www.vegetariangourmet.com
Vu le succès de leur gamme de produits qui, il faut le souligner, ne contient pas que du soya mais aussi et surtout d’autres composants végétariens comme des champignons, des fèves, des légumes frais, du quinoa, des lentilles et bien entendu des herbes aromatiques, Chantal et Emmanuel prévoient de diversifier leur gamme de produits en créant d’autres lignes. Des études menées par Emmanuel ont confirmé que les consommateurs sont satisfaits de la qualité de leurs produits, ce qui conforte le couple dans l’approche, la conception et la vision de leur entreprise.
Alors que nous sommes habitués à voir les jeunes de notre communauté réussir et exceller dans des carrières lucratives dont certaines plus conventionnelles que d’autres, il y a en d’autres, certes moins nombreux, qui optent pour s’aventurer sur d’autres chemins peu fréquentés, mais non moins captivants.Tel est le cas d’Amélia Lecousy, 28 ans, ancienne élève de l’École Maïmonide, née en France, sœur jumelle de Hannah, mariée depuis juillet dernier et fille de notre ancienne collègue à la CSUQ, Olga Lévy-Lecousy.
Cette jeune universitaire a obtenu la mention excellence lors de la présentation de son mémoire de Maîtrise en Histoire à l’Université de Montréal il y a 3 ans. Elle est aujourd’hui chargée de cours en Histoire médiévale à l’Université de Montréal.
Amelia s’est toujours passionnée pour l’histoire juive. Après des études en sciences humaines au Cégep de Saint-Laurent, elle a été tentée au tout début par la psychologie, mais elle a finalement choisi l’histoire. Elle a obtenu son baccalauréat en 2012 à l’Université de Montréal. Souhaitant approfondir ses études sur la période médiévale et tout particulièrement sa dimension juive, elle a consacré son mémoire de maîtrise en orientant sa recherche sur un thème peu connu des historiens avec pour titre : « Les intellectuels chrétiens face au Talmud : l’antijudaïsme chez Eudes de Châteauroux lors du Procès du Talmud à Paris, 1240-1248 ».
Amélia nous explique que l’historiographie s’est très peu focalisée sur les relations entre intellectuels juifs et chrétiens au Moyen Âge, puisque de nombreux historiens ont cherché à condamner l’antijudaïsme au Moyen Âge et à tisser un lien avec l’antisémitisme d’aujourd’hui, plutôt que de l’étudier pour lui-même. Au cours de ses recherches sur cette période, elle découvre que l’antijudaïsme se développe d’une manière très différente chez les intellectuels de l’époque. Il ne s’agit donc pas d’un antisémitisme classique, mais plutôt d’un antijudaïsme. L’antisémitisme en tant que tel, nous explique Amelia, a été inventé en 1879 par le journaliste et activiste allemand Wilhelm Marr dans un libelle nommé « La victoire du judaïsme sur le germanisme ». C’est au 19e siècle seulement, que l’antijudaïsme en devenant nationaliste, a pris le nom d’antisémitisme, lequel à son tour prend une nouvelle forme, à connotation raciale. L’antisémitisme est devenu une idéologie qui cible les juifs non plus en tant que religion, mais en tant que peuple. Quand elle a fait part de son hypothèse de travail à son directeur de mémoire, Philippe Genequand, celui-ci a encouragé Amélia à poursuivre ses recherches qui la mèneront pendant deux mois à Paris dans la prestigieuse Université de la Sorbonne et également à Lyon dans la non moins prestigieuse École Nationale Supérieure. Elle est mise en contact avec un important réseau d’historiens chevronnés tels que le professeur Alexis Charansonnet.
Titulaire de la Maîtrise, elle est actuellement chargée de cours en Histoire médiévale à l’Université de Montréal et elle a décidé, à partir de ses recherches, de poursuivre dans ce créneau en préparant actuellement un Doctorat dont le sujet portera sur « Le dialogue entre intellectuels juifs et chrétiens en France entre le 11e et le 13e siècle ». Elle veut démontrer l’existence de ce dialogue. Il s’agit pour l’historienne de mettre en lumière, une face méconnue de cette période afin d’illustrer le fait que Saint Thomas d’Aquin avait été au 13e siècle fortement influencé par le Guide des Égarés de Maïmonide. En mai 2016, Amélia a eu l’honneur de participer avec 3 000 universitaires au prestigieux 51e Congrès international d’Études médiévales qui s’est tenu à Kalamazoo au Michigan (É.-U.).
Emmanuel Castiel et Chantal Bekhor
ainsi qu’Amélia Lecousy
ont bien voulu répondre au
mini-questionnaire de Proust à la sauce
juive et sépharade
qui caractérise également cette rubrique.
• Parmi tous les textes de la littérature juive, de la Bible en passant par le Talmud jusqu’aux auteurs contemporains (Albert Cohen, Philippe Roth, Bob Dylan, par exemple) quel est le texte qui vous inspire et pour quelle raison ?
E.C. : Albert Cohen, pour sa description romanesque si colorée et détaillée du monde sépharade des Balkans. Je pense à Solal et aux Valeureux, sans oublier évidemment Belle du Seigneur.
C.B. : Pour moi, c’est Mordecaï Richler qui reste l’écrivain phare montréalais qui a su tellement bien relater et mettre en valeur l’univers juif du Mile-End.
E.L. : Sans hésitation, Gilbert Dahan, un des plus grands historiens et intellectuels juifs contemporains qui s’est penché sur la nature des relations judéo-chrétiennes contemporaines.
• La personnalité du monde juif, tous siècles confondus, qui vous a le plus marqué ?
E.C.: David Ben Gourion, sans aucun doute, il reste pour moi le bâtisseur de l’État d’Israël , une sorte de prophète moderne.
C.B. : Golda Meir, une femme d’action et de courage, une grande première ministre et une grande dame d’Israël.
E.L. : Maïmonide, un géant de la pensée juive qui a su dans son Guide des égarés concilier la foi et la raison.
• Y a-t-il une citation de la culture juive qui vous viendrait à l’esprit ?
E.C. : le 5e commandement de la Torah, « Honore ton père et ta mère »
C.B. : C’est pareil pour moi. Ce commandement constitue le pilier central de la famille.
E.L . : « Dans l’histoire juive, la coïncidence n’existe pas » d’Élie Wiesel.
• Quelle est la fête juive qui vous touche particulièrement ?
E.C. : Pessah (ou Pâque), fête de la libération et également du printemps et du renouveau, les repas en famille et bien entendu l’apothéose finale, la soirée de mimouna où nous recevons chez nous plus de cent personnes.
C.B. : Rosh Hashana (ou le Nouvel An), moment tellement solennel et propice à l’introspection et à l’amélioration de l’être humain.
E.L : Hannouka (ou la fête des Lumières), cette fête représente pour moi la profondeur de la foi et la force du miracle.
• Le trait de la culture sépharade que vous mettriez en avant ?
E.C. : Le bon sens et la notion du juste milieu, c’est à dire le contraire des extrémismes, l’esprit d’ouverture. En un mot l’enseignement de notre maître Maïmonide (1135-1204).
C.B. : Le sens inné de la famille, la générosité et bien entendu l’hospitalité en tout temps sans oublier l’ouverture vers l’Autre.
E.L. : La joie de vivre et le sens du partage.
• Après les nourritures spirituelles, les nourritures terrestres… Quel est votre plat préféré de la cuisine juive ?
E.C. : Le couscous encore et toujours, un plat emblématique et convivial.
C.B. : La mehasha, c’est un plat d’origine irakienne fait de feuilles d’oignon ou de vignes farcies avec du riz, des pois chiches et parfumé à l’aneth.
E.L. : La pastilla, un mets marocain qui fait partie de notre patrimoine culinaire, c’est un plat qui me transporte.