Réfugiés Yezidis – Exilés – Damnés dans une Europe ébranlée. Tentative de témoignage par le théâtre
Quelques kilomètres nous séparent du rivage voisin
Quinze minutes de navigation
Un court instant
Pour espérer
Ou sombrer
Fermer les yeux
Toucher le sol Grec
Oublier la Turquie
Cracher sur les passeurs au lointain
Meurtriers des rivages
S’accrocher au sol
La traversée est achevée…
Ou ne fait que commencer
Nous avons fui le pire
Mais chaque étape
Est à nouveau un danger mortel
Quand pourrons-nous vivre ?
Quand pourrons-nous respirer sans risquer ?
Rêver de survie et de liberté
Protéger ma famille
Les mener
A bon port
Echouer
Sur l’île de Leros
Détenus dans le hotspot face au port
Nous sommes les nouveaux patients
Venus remplacer les sacrifiés
Ceux qui comme nous
Voyaient leurs noms effacés
Suppléés par des chiffres
Nous sommes la masse anonyme
Echouée
Détenue
Retenue
Par des barbelés
Nous parlons aux spectres
Que l’on nommait les fous
Et qui nus, courraient dans les allées
Devenues terrain de jeu
Quelques silhouettes ont survécu
Mais ne se risquent pas
A nous approcher
Ils savent que nous sommes condamnés
A l’attente
Au sacrifice
A désespérer
Afin que les autres
Ne franchissent plus la frontière maritime
Nous sommes arrivés trop tard
Le 20 Mars
Accord bilatéral funeste
A un jour près
Nous aurions pu
Accoster sur l’île
Puis repartir
Etre la dernière vague
Du flux
Fermer la marche
Des exilés
Nous aurions pu
Continuer
Notre route
Notre traversée
Jusqu’en Allemagne
Aux Pays-Bas
Et pourquoi ne pas rêver d’Angleterre ou de Canada
Mon frère nous a précédé
Il a atteint Hanovre
Rejoint Stuttgart
Et rallié Hambourg
Là-bas
Il n’a rien
Mais il nous attend
Il est libre
Il est sauf
Malgré le dénuement
Le jour d’avant
Un jour avant
Et nous aurions pu continuer
Par les Balkans
Et jusqu’à l’Allemagne
Mais la mer était trop agitée
Un bateau de pêcheur avant nous
S’était renversé
Les passagers
Sont portés disparus
Jusqu’à aujourd’hui