Le prochain Darwin est-il un Rabbin?

 

Si on ne se tenait qu’au titre de son livre Every life is on fire 1 que l’on pourrait traduire par Toute la vie est en feu, on pourrait penser que Jeremy England est un adhérent du hassidisme, ce mouvement religieux juif du début du 18e siècle, se focalisant principalement sur la ferveur religieuse. Pourtant ce n’est pas le cas, England est un jeune physicien qui a acquis sa notoriété après avoir proposé une nouvelle théorie pour expliquer l’origine de la vie, ce qui lui d’ailleurs valut d’être surnommé par ses confrères et des journalistes « le prochain Darwin ».

La genèse de ma découverte de ce fascinant personnage ne manquait pas d’ironie : lorsque je prenais des nouvelles de mon frère, matheux, féru de science et philosophie vivant en Israël, il mentionnait dans la conversation que « Richard Dawkins, ce biologiste, partisan très farouche de l’athéisme, a dû ravaler sa pilule et faire figurer sur son site officiel un Juif orthodoxe qui révolutionne la théorie de l’évolution. » J’étais convaincu, je devais en savoir plus.

L’on sait que Jeremy a grandi sans affiliation religieuse particulière, son père n’étant pas Juif et sa mère descendante de rescapés de l’Holocauste, ne lui ont pas donné d’éducation religieuse particulière. Il a toujours été un petit garçon curieux et a découvert sa passion pour les sciences assez tôt. Mais lors d’un voyage en Israël, il fit la découverte des textes de la Torah, et conquis par l’étude, décida de vivre selon les préceptes du judaïsme. Il ira même plus loin et est ordonné Rabbin. Le judaïsme est aujourd’hui une partie intégrante de son identité.

Jeremy England a été introduit au monde public quand l’auteur Dan Brown a créé un substitut fictif de sa personne dans son livre Origin 2
dans lequel il donne une description de la nouvelle théorie de England « dissipation-driven adaptation », adaptation poussée par la dissipation d’énergie si l’on peut dire.

England n’est pas d’accord avec cette représentation de sa théorie, tout d’abord du fait que la description est vague, ensuite parce que cette même théorie est mise au centre d’arguments théologiques que Jeremy ne partage pas. Poussé par cette divulgation, Jeremy England sortit de sa carapace (ou de son labo) et fit paraître un article critiquant cette esquisse erronée de ses thèses dans le livre de Brown et par la suite publia un livre de vulgarisation de sa théorie pour dissiper toutes confusions. Il décida également de souligner son opinion sur la façon dont la science s’accorde avec sa religion. Son livre contient ainsi plusieurs explorations des miracles qui eurent lieu lors de la sortie d’Égypte, tout particulièrement ceux qui juxtaposent la transformation d’objets inanimés en objets vivants, thème central de sa théorie.

L’originalité de sa théorie est d’aborder le sujet de l’évolution des espèces, cantonnée principalement dans le domaine de la biologie, avec des outils de la physique, plus particulièrement la thermodynamique. Il explique que cela lui permet de reprendre une définition de la vie d’une manière plus précise d’un point de vue scientifique et surtout mesurable. L’une des implications majeures de cette théorie est que la vie a une grande probabilité d’existence, non une petite probabilité comme le présument certaines théories, dont le « fine tuning » qui postule qu’il aurait fallu des conditions extrêmement précises pour arriver à l’apparition de la vie sur Terre.
Ses recherches sont en phase de test et ne produisent pas encore de résultats, donc le sujet n’est évidemment pas clos.
Il m’est impossible de ne pas voir un accord parfait entre cette nouvelle avancée scientifique et les fêtes de Hanoukka. Bien qu’en général cette fête soit décrite comme le conflit entre la religion et la science, Israël et la Grèce, il serait utile de rappeler que chaque branche de la Menorah 3 qui était placée dans le Temple représente tous les savoirs profanes qui se tournent vers une lumière centrale, la Torah. Rappelons-nous aussi que Hanoukka n’est pas juste une pportun ité de manger des friandises (bien que j’y m’attèle religieusement) et de faire la compétition à d’autres célébrations hivernales en s’échangeant des cadeaux. Il est question de célébrer le feu qui anime toute la vie à travers ce symbole de la Menorah, un chandelier qui symbolise également les signes avant-coureurs de la délivrance finale décrits dans l’œuvre Kol HaTor 4 , qui seront, entre autres l’alignement entre profane et sacré, Torah et science. Peut-être que ce jeune scientifique de Boston a mis une première pierre à cet édifice, seul le temps nous le dira, en attendant n’oublions pas que toute la vie est en feu!

Notes:

  1. 1. 2020, édition Basic Books.
  2. 2. 2017, édition Doubleday
  3. 3. L’allumage des bougies de Hanoukka célèbre les miracles arrivés dans le temple et tout particulièrement avec la Menorah candélabre à sept branches. Les exégèses nous enseignent que les six flammes extérieures étaient penchées vers la flamme du milieu.
  4. Œuvre écrite par le Rabbin Rivlin de Shklov, étudiant du Gaon de Vilna et immigrant en Terre sainte. Le chapitre Sha’ar Be’er Sheva décrit les étapes de la venue du Messie à travers le développement de la science en Israël en parallèle avec l’excellence en Torah.
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