David Ouellette honoré par le gouvernement du Québec

Elias Levy

Elias Levy

 

 

 

 

 

 

Le 12 juillet dernier, le gouvernement du Québec a décerné à David Ouellette sa plus haute distinction honorifique : la Médaille de l’Assemblée nationale.
À cette occasion, le premier ministre du Québec, François Legault, lui a rendu un vibrant hommage.
« Cher David Ouellette, c’est avec fierté que je me joins au ministre Benoit Charette pour vous remettre la Médaille de l’Assemblée nationale, un hommage que vous méritez pleinement. Pendant de longues années, vous avez défendu de façon infatigable le peuple israélien dans les médias et auprès de l’opinion publique sans vous opposer aux aspirations légitimes du peuple palestinien. Vous avez fait montre d’une détermination sans faille pour combattre l’antisémitisme. Je suis convaincu que la communauté juive du Québec vous en est très reconnaissante. Sans jamais dévier de votre route, vous avez aussi protégé la réputation de la nation québécoise. Vous avez expliqué nos aspirations, notre histoire, notre façon de nous inscrire dans le monde. Mais ce que je retiens plus que tout, ce sont vos efforts pour rapprocher la majorité francophone et la communauté juive « trait d’union précieux.
Au nom du gouvernement du Québec, je tiens à vous remercier. » Directeur chargé de la recherche et des affaires publiques au Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA), David Ouellette est un analyste chevronné de la couverture du conflit israélo-palestinien par les médias et les réseaux sociaux. Il est aussi un fin observateur des mouvements islamistes radicaux.
Cet ardent défenseur d’Israël a contribué notoirement au rapprochement entre la majorité historique francophone et la communauté juive québécoises. À 53 ans, David Ouellette mène, avec beaucoup de courage et une grande dignité, un combat titanesque contre l’impitoyable maladie qui l’afflige depuis un an.

Bâtir des ponts entre les Québécois francophones et la communauté juive a toujours été l’une de vos grandes priorités. S’il est vrai que d’importantes avancées ont été réalisées à ce chapitre, de profonds points de désaccord semblent subsister entre les Québécois nationalistes et la communauté juive.

Effectivement, il y a eu d’immenses progrès au chapitre des relations entre Québécois juifs et non juifs, si on compare la situation d’aujourd’hui à l’état des relations qui prévalait il y a 30, 40 ou 50 ans. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire.  Ces relations continuent de payer le prix des désaccords, 

du manque de compréhension et des affrontements du passé. Ceux-ci pèsent encore sur les perceptions de part et d’autre. C’est tout du moins mon observation. Le travail réalisé ces dernières années par le CIJA en ce qui a trait à la formation de la relève dans la communauté juive m’a permis de constater qu’il y a une grande ouverture de la part des jeunes Juifs pour revoir ce qu’ils croient savoir du Québec, de la majorité francophone et du mouvement national québécois. Le CIJA encourage les jeunes professionnels juifs à s’impliquer davantage au sein de la société civile et à s’engager politiquement. De l’autre côté, les relations que j’ai tissées ces dernières années, en particulier avec des nationalistes et des intellectuels indépendantistes de premier plan, m’ont prouvé qu’il y a de la part de ces derniers énormément de bonne volonté et un désir authentique de rapprochement avec la communauté juive. Je suis optimiste pour le futur.

La vague d’antisémitisme qui a déferlé sur Montréal ce printemps vous a-t-elle surpris?

Ce que nous avons vécu à Montréal durant le dernier conflit armé entre Israël et le Hamas était absolument terrifiant et inédit. On n’aurait jamais cru que des Juifs seraient insultés, harcelés, agressés en plein centre-ville de Montréal, que des pro-Palestiniens survoltés se lanceraient à la poursuite de Juifs à Côte-Saint-Luc pour les tabasser, qu’on ciblerait des Juifs québécois sur les réseaux sociaux. Il faut rappeler que ce qui s’est passé à Montréal s’est produit aussi ailleurs en Occident, aux États-Unis, en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne… À Montréal, cette déferlante d’antisémitisme n’émanait pas de la majorité francophone québécoise. Je récuse l’idée de stigmatiser une communauté en particulier, mais en même temps on ne peut pas détourner le regard de la réalité. Tous ceux qui ont agressé, insulté, harcelé ou menacé des Juifs étaient issus des diverses communautés arabes de Montréal. Ce phénomène délétère extrêmement inquiétant pose un risque sécuritaire non seulement pour la communauté juive, mais pour l’ensemble de la société québécoise. Il va donc falloir trouver des solutions pour contrer cet antisémitisme venu d’ailleurs qui a importé dans les rues de Montréal le conflit israélo-palestinien. Ce à quoi nous avons assisté en mai dernier à Montréal, c’est ce que la France connaît depuis vingt ans, soit depuis la seconde Intifada palestinienne. Nous savons où cette vague de judéophobie a mené. Celle-ci ne s’est pas limitée à des affrontements dans la rue, elle a pavé la voie à des assassinats et des attentats djihadistes très meurtriers contre les communautés juives de France et de Belgique notamment.

Quelles leçons devons-nous tirer de cette période ardue et très sombre pour la communauté juive québé-coise?

C’est un signal d’alarme qui doit être en-tendu non seulement par la communauté juive, mais aussi par le reste de la société québécoise. On peut au moins se félici-ter du fait que le gouvernement du Qué-bec ait pris toute la mesure de la gravité de la situation. Sous le leadership du ministre respon-sable de la Lutte contre le racisme, Benoit Charette, notre  gouvernement a dénoncé très robustement cette re-crudescence d’actes antisémites et, dans ce contexte alarmant, a adopté la définition de l’antisémitisme de l’IHRA – Alliance internationale pour la mémoire de l’Holo-causte. Cette définition, qui est en train de devenir normative, a été adoptée par plus d’une trentaine de démocraties occiden-tales. Sa singularité : elle reconnaît qu’il existe une étroite corrélation entre l’antisé-mitisme et la stigmatisation de l’État d’Is-raël. Ce n’est pas une définition, comme le prétendent ses contempteurs, qui assimile toute critique d’Israël à de l’antisémitisme, mais elle reconnaît que l’hostilité à l’égard de l’État hébreu peut franchir parfois le seuil de l’antisémitisme. C’est ce que nous avons vécu à Montréal dernièrement alors que les Juifs étaient devenus des cibles par procuration pour les détracteurs d’Israël.

Quelles actions devrait-on envisager pour contrer cette recrudescence d’exactions antijuives?

Il y a une question fondamentale qui ne doit pas être éludée : les discours incendiaires et foncièrement antisémites de nombreux imams. Ces sermons religieux radicaux sont diffusés sur Internet. Il est clair qu’il y a aujourd’hui beaucoup d’incitation à la haine des Juifs et d’Israël dans les mosquées du Québec et du Canada. Il y a des organisations islamiques de premier plan, comme la Muslim Association of Canada, qui invite régulièrement à ses activités des prédicateurs islamistes très radicaux pour s’adresser aux jeunes musulmans. Mais, regrettablement, c’est un sujet épineux que les médias et les politiques préfèrent esquiver craignant d’alimenter la haine des musulmans qui est une réalité factuelle qu’on ne peut pas nier. Or, je ne crois pas que nous rendions service aux musulmans du Québec et du Canada en faisant fi des problèmes structurels qui sévissent au sein de leurs communautés.  Il y a une frange de la communauté arabo-musulmane qui adhère sans rechigner aux discours radicaux de ces imams intégristes, incompatibles avec les valeurs pluralistes et démocratiques de notre pays. Cette rhétorique abjecte et maladivement antisémite a indéniablement un impact sur les esprits vulnérables et, à terme, nuit à l’intégration sociale de ces communautés.  Le changement doit venir de l’intérieur des communautés arabes et musulmanes. C’est à elles de prendre leur distance par rapport à ces organisations dites « communautaires » qui martèlent sans ambages des discours radicaux et antisémites.

Le mutisme de la majorité des médias francophones québécois face à cette flambée d’antisémitisme était sidérant.

Ce silence était scandaleux. En dépit du fait que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), dont l’hyperbole n’a jamais été son credo opérationnel, a déclaré à maintes reprises que la situation était alarmante et qu’on devait prendre des mesures d’urgence pour assurer la sécurité des Juifs montréalais, les médias francophones ont préféré ignorer cette vague d’antisémitisme. À l’exception de quelques-uns, que je tiens à nommer : les médias de Québecor, le Journal de Montréal, la chaîne d’information en continu LCN, QUB Radio. Par ailleurs, ce sont des chroniqueurs connus pour leurs positions nationalistes qui ont rompu le silence. Le mutisme abyssal des autres médias était tellement insupportable que j’ai écrit à Radio-Canada pour leur demander comment la direction de cette société d’État justifiait celui-ci. J’ai reçu une réponse invraisemblable du nouvel ombudsman de Radio-Canada, Pierre Champoux : « Que probablement que Radio-Canada ne voulait pas jeter de l’huile sur le feu en parlant des inquiétudes exprimées par la communauté juive face à cette déferlante inédite d’antisémitisme ».

La délégitimation d’Israël s’accentue alors que ce pays n’a jamais été aussi bien intégré au niveau diplomatique sur la scène mondiale. Comment expliquer ce paradoxe?

C’est vrai. Israël n’a jamais été aussi bien intégré sur les scènes économique et diplomatique mondiales. Il s’est imposé comme un des leaders mondiaux de l’économie moderne fondée sur le savoir et la technologie de pointe. Au niveau géostratégique, Israël a pris sa place au Moyen-Orient, du moins par rapport aux pays du Golfe qui partagent désormais avec lui des préoccupations d’ordre sécuritaire : la menace nucléaire et expansionniste iranienne, l’extrémisme radical islamiste… En revanche, au niveau sociétal, Israël est de plus en plus dépeint comme un paria dans les médias et par une certaine intelligentsia acquise aux dernières tendances de la rectitude politique.  Il y a un prix social à payer pour défendre la légitimité d’Israël. On assiste aux États-Unis à un déclin du soutien de la communauté juive à Israël, surtout chez les jeunes juifs se targuant d’être progressistes. Ces derniers sont appelés à choisir entre leur appartenance au courant progressiste et leur identification avec Israël. S’ajoute à cet ostracisme le fait que les chantres du « racisme systémique assignent absurdement les Juifs à la catégorie des « blancs privilégiés » et des « oppresseurs » qui perpétueraient un racisme prétendument consubstantiel aux démocraties occidentales. Au Canada et au Québec, ce phénomène est, certes, moins développé, mais il existe et croît. À terme, la diabolisation d’Israël et l’effacement de la condition juive historique risquent de conduire à un nouvel ostracisme des Juifs. Le silence de la majorité des médias pendant la vague d’antisémitisme au mois de mai dernier en est certainement un symptôme inquiétant.

La passion pour la photographie de David Ouellette

David Ouellette a commencé à se passionner pour la photographie à l’âge de 12 ans. Au Collège Jean-de-Brébeuf qu’il fréquentait, il y avait un laboratoire de photos doté d’un studio et d’une chambre noire. Il photographiait ses camarades dans le studio et développait ensuite les pellicules dans la chambre noire. « C’est au Collège Jean-de-Brébeuf que j’ai appris les rudiments de la photographie. Cette passion pour la photo m’a accompagné toute ma vie. Pour moi, la photographie, c’est une échappatoire qui me permet de fuir les aléas du quotidien. J’aime photographier les villes, particulièrement Montréal. La photographie, c’est l’art de flâner, c’est une manière de m’approprier le monde. Elle me permet de donner un sens à des choses banales que nous côtoyons tous les jours, mais que nous ne regardons jamais deux fois. La photographie, c’est rendre intelligible le monde désordonné autour de soi », nous a-t-il confié.
David Ouellette voue une passion particulière aux appareils photo allemands de la marque « Leica », inventeur de l’appareil photo portatif 35 millimètres.

À l’ère incontournable du numérique, David Ouellette continue à faire de la pellicule. Il développe les négatifs et les numérise ensuite. Le numérique et la pellicule n’ont jamais été pour lui un choix homérique. Il préfère de loin la pellicule pour le piqué distinctif de son émulsion et son rendu plus imparfait, donc plus distant du réel, que le numérique.

David Ouellette n’a jamais exposé ses photographies par manque de temps.

« On m’a souvent invité à faire des expositions. Ça prend beaucoup de temps et d’énergie de préparer une exposition. Un ami photographe israélien que j’admire beaucoup, Michael Assoun, m’a proposé récemment de m’aider à préparer un livre qui colligera mes meilleures photos. Le seul hic : je trouve très difficile de faire une sélection de mes photos parce que je ne suis pas un bon juge dans ce créneau. Quand je publie mes photos sur les réseaux sociaux, je suis toujours très surpris de voir lesquelles sont populaires. Je n’arrive pas à juger moi-même de leur qualité ou des impressions qu’elles éveillent. »

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