Rav Adin Steinsaltz (1937-2020), un géant contemporain du judaisme

PAR Lucie Chaix

Lucie Chaix

Lucie Chaix

 

 

 

 

 

 

Le 7 août 2020 est décédé à Jérusalem, à l’âge de 83 ans, le rabbin Adin Even Israël (Steinsaltz) des suites d’une pneumonie. L’œuvre majeure de sa vie a été la traduction, de l’araméen en hébreu, du Talmud de Babylone, une œuvre datant de plus de 16 siècles, soit 37 traités en 41 volumes. Sa traduction accompagnée de notices et de planches est également intégralement traduite ou en cours de traduction en anglais, en français, en espagnol et en russe.
Récipiendaire du prix Israël en 1988, le rabbin Steinsaltz a écrit plus d’une soixantaine d’ouvrages portant sur la pensée juive, la kabbale ou le hassidisme, voulant rendre ces sujets plus familiers à un public séculier. Citons par exemple en français : La Rose aux treize pétales, Hommes et femmes de la Bible et Introduction au Talmud1.
Le rabbin Adin Steinsaltz, né en 1937 à Jérusalem, dans une famille laïque communiste a grandi dans le quartier de Katamon, non loin de ses contemporains, les écrivains Amos Oz et A. B. Yehoshua. Son père n’était pas intéressé par la religion, mais a tout de même engagé un précepteur afin d’enseigner le Talmud à son fils, insistant que, bien qu’étant libre d’être un non-croyant, « aucun membre de ma famille ne saurait être un am haaretz [ignorant]2».
Le jeune Steinsaltz s’inscrit dans un lycée religieux, il devient orthodoxe et s’affilie au mouvement hassidique Chabad. Héritier d’une éducation sioniste laïque, il découvre par l’étude talmudique la langue du débat caustique et du raisonnement lucide, espérant qu’un jour ces modalités s’intègreraient à la culture israélienne.
Après des études universitaires en physique et en chimie à l’Université hébraïque de Jérusalem, ordonné parallèlement jeune rabbin, Adin Steinsaltz enseigne dans plusieurs établissements scolaires et devient à 24 ans le plus jeune directeur d’école en Israël. En 1965, à l’âge de 27 ans, il commence ce projet qui deviendra son œuvre majeure – traduire l’ensemble du Talmud babylonien en hébreu et accompagner cette traduction de nombreux éclaircissements sous forme de commentaires. Ce projet titanesque a été le sien pendant 45 ans à raison de 16 heures de travail par jour. Il a été terminé en 2010, alors que le rabbin Adin Steinsaltz était âgé de 73 ans. L’achèvement de cette œuvre a été marqué par une cérémonie (siyoum) mondiale en direct avec plusieurs villes dont celle de Montréal. Le centre d’études juives ALEPH de la Communauté sépharade unifiée du Québec associé au Centre d’éducation Bronfman avait organisé une journée d’études avant d’assister en direct de Jérusalem à cette émouvante cérémonie.
La traduction complète du Talmud en hébreu moderne avec son commentaire a été considérée comme révolutionnaire, rendant ainsi accessible ce texte à un plus grand nombre et suscitant une étude plus profonde de ce corpus essentiel dans la pensée et la vie juives.


Selon le rabbin Steinsaltz, mettre l’accent sur l’étude du Talmud au sein de la société israélienne apporterait un grand changement au sein de celle-ci. Du fait de sa construction en des discussions logiques et rationnelles, il considérait que le Talmud et son étude contribuaient à un équilibre personnel et sociétal.
L’accomplissement incontestable du rabbin Adin Steinsaltz a été de sortir le Talmud des murs de la yeshiva, centre religieux d’étude talmudique, et de rendre cette œuvre centrale de la loi juive accessible à tous et à toutes, tant ceux versés dans les textes de la tradition que ceux n’ayant que peu de connaissances en la matière.
Il convient également de noter que la traduction du Talmud par le rabbin Steinsaltz a permis à des milliers de femmes d’accéder à l’étude du Talmud, de développer leurs connaissances talmudiques et d’évoluer ainsi au sein du monde religieux de l’étude talmudique. Il est maintenant normal de voir l’édition Steinsaltz du Talmud3au sein de nombreux batei midrash, lieux d’études de différentes tendances et sensibilités religieuses juives.
Lors de l’annonce de son décès, le vendredi 7 août 2020, nombreuses ont été les personnalités à comparer le rabbin Steinsaltz au commentateur talmudique français du 11e siècle, Rachi de Troyes. Tous deux ont en effet permis au peuple juif, à des époques charnières et de manière exceptionnelle, de mieux comprendre l’un des textes fondamentaux de la tradition juive.
Que la mémoire du rabbin Adin Even Israël Steinsaltz soit source de bénédictions.

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