Israël sur sa terre. Ce qu’en disent les Palestiniens

PAR Elias Levy

Elias Levy

Elias Levy

 

 

 

 

 

 

 
Entretien avec le rabbin Jacquot Grunewald

À 86 ans, le rabbin Jacquot Grunewald n’en démord pas! Natif de Strasbourg (France), ce sioniste invétéré, qui vit à Jérusalem depuis 1986, a publié dernièrement Israël sur sa Terre. Ce qu’en disent les Palestiniens (Éditions Tsipa Laor, 2020), un vibrant plaidoyer pour « le droit très légitime d’Israël à vivre sur sa Terre ancestrale ». Un essai brillant et décapant qui met en charpie l’argumentaire étayé par les Palestiniens dans leur narratif historique du conflit qui les oppose à Israël.
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Fondateur du magazine Tribune juive (France), le rabbin Jacquot Grunewald est l’auteur de plusieurs livres remarqués sur le sionisme, le conflit israélo-arabe et le dialogue judéo-chrétien.
Il a accordé une entrevue au LVS/La Voix sépharade depuis Jérusalem.

Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire ce livre?
L’ignorance effarante que beaucoup de gens ont au sujet d’Israël et du conflit israélo-palestinien. Très nombreux sont ceux totalement déboussolés lorsqu’on aborde cette question épineuse. À force d’entendre sans cesse les mots ignominieux d’« apartheid israélien », de « crimes odieux commis par les Juifs sionistes », de « terres volées aux Palestiniens », etc., on finit par être désabusé. Il y a aussi tant de jeunes, non juifs et juifs, dans les collèges et les universités qui tombent dans le piège de la propagande fielleuse palestinienne. Ce sont les principaux éléments qui m’ont motivé à écrire ce livre.
Je me suis aperçu également que l’histoire juive est très mal connue. Beaucoup de non-Juifs sont foncièrement convaincus que les Israéliens sont des colons étrangers sur la Terre d’Israël, que le lien plurimillénaire les reliant à celle-ci est superficiel. D’autres continuent à clamer qu’Israël est la résultante d’une aventure coloniale qui a débuté à la fin du 19e siècle. L’argumentaire des Israéliens me surprend aussi parfois. Récemment, une porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères a déclaré publiquement lors d’une rencontre avec les ambassadeurs en poste en Israël : « Nous, Juifs israéliens, vivons dans ce pays parce que Dieu nous l’a donné. » Franchement, ce n’est pas un argument à opposer à des gens qui sont très loin de penser que l’histoire est déterminée par Dieu. Par ailleurs, force est de rappeler que Dieu n’est pas représenté à l’ONU!

Votre livre s’adresse-t-il aussi aux Palestiniens?

Je suis bien conscient que je ne convaincrai pas les Palestiniens de quoi que ce soit avec ce livre. Je l’ai écrit à l’intention de tous ceux et celles qui ignorent l’histoire d’Israël et les réalités, trop souvent escamotées, du conflit israélo-palestinien. Pourquoi les Palestiniens ne se sont jamais préoccupés de créer leur propre État lorsque la Jordanie, et non pas Israël, occupait, de 1948 à 1967, la Cisjordanie, que nous, Juifs, appelons Yehuda Veshomron (Judée Samarie)? L’histoire des aliyot, montées vers la Terre d’Israël, est aussi très mal connue. Ce n’est pas un mouvement migratoire tombé de la dernière pluie. Des Juifs montent en Eretz Israël depuis des temps immémoriaux. Qui connaît l’histoire de l’Aliya de 150 rabbins au Moyen-Âge? J’ai aussi écrit ce livre pour les jeunes juifs qui sont confrontés tous les jours dans les campus universitaires à l’abjecte propagande palestinienne.

Les arguments que vous invoquez visent-ils en premier lieu à infirmer le narratif historique forgé par les Palestiniens?

Oui. « Israël sur sa Terre » est un fait irrécusable, dont j’apporte les preuves indéniables dans la première partie du livre : archéologiques, historiques, religieuses, juridiques, cadastrales… J’évoque aussi l’amour profond pour Eretz Israël exprimé au fil des siècles par d’éminents maîtres du judaïsme, indépendamment du courant messianique qui a été fort influent à certaines époques. Je rappelle aussi qu’aux 17e et 18e siècles, d’illustres écrivains non juifs, Chateaubriand, Lamartine, etc. ayant visité la Terre sainte, ne se sont pas offusqués du fait que des Juifs vivaient déjà sur ce territoire qui à l’époque était sous la houlette de puissances étrangères occupantes. Ils ont décrit ces derniers non pas comme des intrus usurpateurs mais comme des êtres viscéralement attachés à leur Terre ancestrale. À cette époque, personne ne mettait en doute la légitimité des Juifs sur leur Terre, alors que c’est l’un des principaux credos du narratif historique palestinien qui, selon moi, est totalement absurde. Celui-ci est l’un des obstacles majeurs à une entente de paix entre Israël et les Palestiniens. Si des personnes de mauvaise foi ne cessent de marteler que « les Juifs n’ont aucun droit sur la Terre de Palestine », pourquoi les Palestiniens négocieraient-ils avec nous? C’est ce que claironne aussi sans arrêt Mahmoud Abbas quand il affirme sans ambages : « Nous sommes les vrais descendants des Cananéens. » C’est scandaleux!

Mais ils seront nombreux à vous rétorquer que la cause nationale palestinienne est aussi très légitime.

C’est évident qu’Israël doit trouver un arrangement avec les Palestiniens, qui sont nos voisins depuis très longtemps. Mais ces derniers doivent cesser de raconter des histoires complètement fausses qui nient aux Juifs le droit le plus élémentaire de vivre sur la Terre de leurs aïeux. Depuis le début du contentieux qui les oppose à Israël, il y a plus d’un siècle, les Palestiniens ont catégoriquement refusé tous les plans de règlement qu’on leur a proposés : le partage de la Palestine en deux États, l’un juif, l’autre arabe, préconisé par l’ONU en 1947, les généreuses propositions de paix formulées par les gouvernements israéliens successifs… Le radicalisme palestinien est une constante de ce malheureux conflit.

L’accord de normalisation politique qu’Israël vient de signer avec les Émirats arabes unis et le Bahreïn a-t-il enhardi votre optimisme?

Il est certain que c’est un pas important qui a été franchi. Mais je ne suis pas persuadé que cette normalisation politique avec ces monarchies arabes du Golfe convaincra les populations d’Égypte et de Jordanie, nos voisins immédiats avec lesquels Israël a conclu des traités de paix, à nouer des liens étroits avec les Israéliens. Dans les deux cas, il s’agit d’une paix très froide. Force est de reconnaître que la politique menée par Benyamin Netanyahou depuis de nombreuses années, visant à conclure des accords avec des États arabes modérés, commence à porter ses fruits. Le langage commun des plus éloquents qui rapproche ces jours-ci Israël de plusieurs pays arabes sunnites est la menace iranienne. Nous avons là une réelle occasion d’avancer vers la paix à cause de cette menace lancinante émanant de Téhéran. S’il est vrai qu’un grand pas a été franchi, nous devons aussi admettre qu’Israël n’a pas réalisé des avancées majeures au chapitre du rapprochement avec les peuples égyptien et jordanien. Donc, n’exultons pas trop vite!

Comment envisagez-vous les perspectives futures des relations israélo-palestiniennes?

Aujourd’hui, la société israélienne est très divisée quant aux possibilités de parvenir un jour à conclure un accord de paix en bonne et due forme avec les Palestiniens. Une partie des Israéliens désespère d’un accord, alors que l’autre partie pense qu’il y a une réelle possibilité d’aboutir à une solution avec les Palestiniens. À la fin de mon livre, je plaide dans ce sens. Par ailleurs, l’un des éléments qui me paraît infiniment positif, c’est que, d’après tous les sondages d’opinion, les Arabes israéliens, qui représentent 20 % de la population du pays, ne demandent qu’une seule chose : s’intégrer à la société israélienne. Ils ont accompli des progrès notoires en ce qui a trait à leur niveau de vie et à leur intégration sociale. Ils travaillent dans une foule de domaines professionnels. Essayez de trouver une pharmacie à Jérusalem où il n’y a pas d’employés palestiniens. Nous avons pleinement confiance en les Palestiniens. Il arrivera un moment où ces derniers se rendront compte que leur vie ne mène nulle part. Quand les Arabes israéliens leur raconteront l’Israël dans lequel ils vivent et prospèrent, une contrée aux antipodes de celle imaginée par les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, nous parviendrons alors peu à peu à une solution.

Pourquoi avez-vous publié ce livre à compte d’auteur alors que vos ouvrages précédents sont parus dans des maisons d’édition françaises réputées?

C’est un signe manifeste de notre époque nébuleuse. Quand j’ai proposé le thème de ce livre à mon éditeur, Albin Michel, il m’a répondu : « Ce sujet n’intéressera pas grand monde. » Quand je l’ai proposé à d’autres éditeurs, l’un d’eux m’a répondu sans détour : « Les arguments que vous avancez dans ce livre pour défendre Israël ne nous ont pas convaincus. » Je lui ai alors répondu : « Mais mon objectif n’est pas de convaincre votre comité de lecture. Où bien le livre est bon ou il n’est pas bon! » Je suis donc arrivé à l’amère conclusion que je ne parviendrai pas à trouver un éditeur sérieux. Entre-temps, la terrible pandémie mondiale du coronavirus s’est abattue sur nous. J’ai préféré choisir alors le mode autoédition. 

A la veille de la célébration de Hanouka avez-vous un message à transmettre à la communauté juive de Montréal depuis cette majestueuse ville des lumières qu’est Jérusalem ?

La lumière est un thème magnifique. Les lumières symbolisent l’intelligence. Les lumières de Hanoukah, nous les exposons dans les fenêtres pour que les autres les voient de l’extérieur. Elles sont différentes des lumières du Shabbat qui servent à éclairer notre foyer pour que nous sentions dans nos vies la présence de ce jour sacré et des plus solennels. Je souhaite ardemment que les lumières de Hanoukah nous aident à comprendre avec intelligence la situation qui sévit aujourd’hui en Israël et au Moyen-Orient ainsi que la gravité des menaces qui planent sur le peuple d’Israël. J’espère que ces lumières éblouissantes éclaireront aussi l’intelligence de toute l’humanité.

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