Un minyan, office latino habad à Montréal

PAR Emmanuelle Yaël Belliard

 

 

 

 

 

 

Emmanuelle Yaël Beillard est une écrivaine installée à Montréal depuis 20 ans. C’est comme journaliste culturelle qu’une partie de sa carrière s’est déroulée à Radio-Canada et au Devoir.

Depuis une dizaine d’années, le docteur et rabbin Bernardo Kremer fait grandir et vibrer la communauté juive latino-américaine de Montréal. Grâce à son charisme hors pair et à sa chaleur humaine incommensurable, chaque premier shabbat du mois, il attire entre 70 et 130 juifs latinos dans la bibliothèque du Centre MADA à Montréal. Originaires de l’Argentine, du Chili, de l’Uruguay et du Mexique, à parts égales Sépharades ou Ashkénazes, ils se retrouvent pour prier dans leur langue et partager cette culture juive latino-américaine qu’’ils ont en commun. Se déplaçant des quatre coins de Montréal, de sa banlieue, et il y en a même qui font le voyage depuis Ottawa et passe tout le shabbat à Montréal.

Tous les dimanches matins, à 10 h 00, une vingtaine de ces fidèles suivent aussi les cours passionnants du Dr Kremer, des cours de Torah, de Tanya écrit par le fondateur du mouvement hassidique habad et de Shulchan Aruch, l’ouvrage de référence de lois juives dans le monde orthodoxe, avec à la clé un invité surprise, parfois des sommités venues de New York ou d’Argentine, qui viennent partager leurs expériences du défunt Rabbi de Loubavitch ou des petits miracles survenus lors de leurs voyages autour du monde. Les échanges et discussions se font toujours en espagnol, parsemé d’hébreu, de beaucoup d’humour et d’une décontraction très latino-américaine. Le Rabbin Kremer a un réel don pour mettre à l’aise et pour accueillir à bras ouverts tout nouvel arrivant désireux de se joindre à ce tout premier grand minyan, office Latino de Montréal.

Trois importantes vagues d’immigration

Les Latino-Américains se sont installés à Montréal au cours de trois vagues migratoires importantes. La première vague migratoire a eu lieu entre 1950-1970. La deuxième vague migratoire a débuté en 1973, à la suite des coups d’État au Chili et en Uruguay, et s’est étirée jusqu’en 1990. La troisième vague, de 1991 à 2011, a vu l’arrivée de familles qui fuyant les crises politiques et l’instabilité économique de leurs pays, cherchaient un bien-être ou un rapprochement familial.

De Buenos Aires à Montréal

En 2004, le Dr Kremer, a suivi cette importante vague migratoire juive latino-américaine en provenance de l’Argentine : « Nous avons quitté notre

pays pour des raisons diverses, et nous sommes allés à Montréal pour offrir une vie plus stable et meilleure à nos enfants », explique Bernardo Kremer. Originaire de la petite ville de Rio Cuarto dans la province de Cordoba en Argentine, il a grandi au sein d’une famille juive traditionnelle, mais non religieuse. Après ses 18 ans, il part faire des études de médecine à Cordoba et commence à fréquenter le mouvement habad et son Rabbin Yossi Turk, venu depuis New York pour réveiller stimuler la conscience religieuse des Juifs argentins. Kremer mène alors en parallèle des études de Torah et de médecine. Il rencontre sa femme, elle-même médecin, et ils se marient pour fonder une famille. Puis il part faire sa résidence à Buenos Aires, où une importante communauté juive lui ouvre les portes et l’aide à explorer certains aspects de la mystique juive. « Nous sommes restés environ dix ans à Buenos Aires, explique-t-il. Ma femme et moi avons beaucoup appris et approfondi nos connaissances sur le judaïsme en étant là-bas, car à l’époque, Buenos Aires était un centre important de la diaspora », explique-t-il.

Mais les crises politiques et économiques à répétition ont mis à bout la patience de beaucoup de Juifs argentins qui ont quitté le pays, surtout après le marasme économique de 2001. Le docteur Kremer et sa famille s’installent au Québec en 2004, où il décroche un poste de médecin de famille à l’Hôpital général juif de Montréal. Parallèlement à son travail, il décide de passer ses examens de semikha, ordination, pour devenir officiellement Rabbin en 2014. « Devenir rabbin est quelque chose de très technique, dit-il, il faut surtout étudier. Le plus important pour moi a toujours été d’approfondir ma relation avec Dieu, de travailler sur ce dialogue spirituel de manière quotidienne, J’aime emmener les gens dans ce dialogue, dans ce voyage passionnant et enrichissant », dit-il.

Bien avant de devenir Rabbin, beaucoup de personnes de la communauté latino-montréalaise ont fréquenté sur une base régulière le Dr Kremer : « Je connais Bernardo Kremer depuis de nombreuses années, explique Silvana Smejoff.  Je fréquente ce Minyan pour le charisme du Rabbin, pour les amis que je vois régulièrement et pour l’espagnol » explique-t-elle. Le monde juif a toujours su distinguer l’unité positive autour de valeurs communes. Ce minyan a donc toute son importance pour cette communauté juive latino-américaine qui désire s’intégrer ici et s’agrandir, tout en restant soudée autour de ce Rabbin-Docteur pas comme les autres.

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