AUDI GOZLAN : UNE ALLIANCE SURPRENANTE ENTRE KABBALE ET YOGA

PAR ANNIE OUSSET-KRIEF

Annie Ousset-Krief

Annie Ousset-Krief

Annie Ousset-Krief  était Maître de conférences en civilisation américaine à l’Université Sorbonne Nouvelle à Paris. Elle réside maintenant à Montréal.

Il est avocat et professeur de yoga. Mais pas n’importe quel yoga : un yoga qu’il a lui-même créé, à partir des enseignements de la Kabbale. Audi Gozlan est un Juif orthodoxe sépharade (sa famille est originaire du Maroc), éduqué au Collège rabbinique du Canada à Montréal, une institution éducative Loubavitch*, avant de poursuivre des études de droit à l’Université de Montréal. Dès son adolescence, il a suivi les conférences et cours du Rebbe (rabbin) Menachem Mendel Schneerson (1902-1994), leader du mouvement Habad ou Loubavitch – une formation spirituelle cruciale dans sa vie. Il dédie son livre Kabalah Yoga, Embodying the Hidden Power of the Sacred Hebrew Letters (New Harbinger Publications, 2017), au Rebbe, qui éclaira de sa « lumière sacrée » sa jeunesse, un homme qui l’encouragea dans sa voie et lui donna inspiration et motivation.

Il a toujours pratiqué la méditation – comme le faisaient les pères du Judaïsme, souligne-t-il. Il a étudié le yoga pendant 20 ans, l’enseigne depuis une dizaine d’années et a graduellement établi le lien avec la kabbale, qu’il étudie depuis toujours. À la base de sa méthode de yoga, les enseignements de la kabbale sur le pouvoir des lettres hébraïques, véritables « formes sacrées ». Comme il l’écrit dans l’introduction de son livre, « le secret des lettres hébraïques réside en ce qu’elles sont la matrice pour toutes les réalités physiques qu’elles représentent et en ce qu’elles créent et renouvellent constamment toutes les formes de vie ». Elles contiennent l’énergie créatrice de l’univers. Dans Keter Shem Tov Hashalem 1, livre qui reprend les enseignements du Baal Shem Tov, fondateur du hassidisme au 18e siècle, figure la phrase « chaque lettre hébraïque a une âme, un souffle et un corps ». Le corps : chaque lettre comporte ce qui ressemble à des bras, des jambes. Le souffle : c’est l’énergie qui emplit la lettre. L’âme : c’est l’essence de la lettre, l’étincelle divine qui donne vie au corps. Audi Gozlan a alors commencé à dessiner les lettres comme des formes corporelles et imaginé des postures de yoga correspondant à ces formes. Tout son livre est illustré de figures qu’il a lui-même conçues, car il faut ajouter à ses nombreux talents, celui d’artiste.

Le yoga lui permet d’associer corps et esprit, de montrer « qu’avec les postures basées sur chaque lettre, associées à la méditation sur leur sens, vous pouvez accéder à leur sagesse immense et curative ». L’idée que les lettres puissent être des formes sacrées est ancienne. Audi Gozlan se réfère souvent au grand kabbaliste du XIIIe siècle, Abraham Aboulafia, dont l’œuvre est pour lui une source d’inspiration constante. Aboulafia pratiquait la méditation, basée sur des exercices respiratoires, en adoptant des postures spécifiques. L’un de ses étudiants, Nathan Shem Tov, dessina les lettres de l’alphabet hébraïque à partir des enseignements de son maître 2 : les lettres sont des postures corporelles. Yoga avant l’heure…

Audi Gozlan a une audience internationale. Il est déjà l’auteur de deux DVD : « Kabalah Yoga: Awaken your soul » et « Mystic Flow: the Chakra-Sefirot Connection ». Il anime régulièrement des ateliers aux États-Unis et au Canada, a eu une émission sur la chaîne de télévision ONE, « the Kabalah Yoga Show » est diffusé sur JoyTV et Vision TV. De nombreux magazines consacrés au yoga ont salué la publication de son ouvrage. Cette reconnaissance dans le monde non juif est le signe que sa méthode originale parle à tout le monde et a une portée générale importante. Quant au monde juif orthodoxe, il y a quelques réticences, mais elles restent limitées. Audi Gozlan a pu organiser avec succès un atelier à Outremont, avec les Hassidim Satmar – connus pour leur observance particulièrement stricte, un vrai défi. Il a voulu créer un yoga plus « casher », me dit-il. À savoir, un yoga acceptable pour des Juifs méfiants à l’égard de toute technique orientale, associée – à tort – à l’hindouisme et au polythéisme. Il a d’ailleurs l’approbation totale de son rabbin (appartenant au mouvement Loubavitch) pour son entreprise. Le message reste universel, et sa méthode renoue avec des techniques utilisées par les rabbins il y a des siècles. Il n’y a donc aucune contradiction entre judaïsme et yoga, entre kabbale et méditation. Il se voit comme l’instrument au service d’une plus grande vérité, le passeur d’un message spirituel qui doit apporter harmonie et paix au monde : « J’ai appris à me regarder non pas comme la source de mes talents ou de ma sagesse, mais comme l’instrument qui a été béni pour les utiliser afin de faire de ce monde un lieu plus beau » 3. Cela passe par l’éveil spirituel, la réalisation de son potentiel, dans la conscience de l’unité universelle, de l’harmonie entre le corps et l’esprit. « Notre corps est le temple, l’espace sacré qui abrite notre âme et permet à notre lumière intérieure de briller 4 », car nous avons tous un rôle à jouer dans ce monde.

 

 

Notes:

  1. Cité dans l’introduction de Kabalah Yoga, Embodying the Hidden Power of the Sacred Hebrew Letters, p.6.
  2. Ibidem, p.11.
  3. Interview donnée à ONE TV, septembre 2017.
  4. Kabalah Yoga, introduction p. 1.
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