EL MAZAL DE LOS POBRES / LA CHANCE DES PAUVRES : UN ROMAN EN JAKETIA*

Hebraica Ediciones (Madrid)

PAR ELIE BENCHETRIT

Elie Benchetrit

Elie Benchetrit

« Ce roman est l’aboutissement d’un projet initié il y a plus de 40 ans afin de garder un tant soit peu vivante cette langue vernaculaire, la jaketia, utilisée pendant des siècles par les Juifs du nord du Maroc et dont il ne reste malheureusement que quelques expressions conservées par la première génération de ces familles qui ont quitté le Maroc, il y a plus d’un demi-siècle. Ce récit est également le témoignage, subjectif j’en conviens, d’une époque de ma vie ayant pour décor une ville mythique, Tanger, à un moment charnière de son histoire. Souvenirs d’adolescence, amours de jeunesse, évocation de personnages emblématiques avec également une certaine dose de fiction s’y sont donnés rendez-vous pour relater l’histoire de la vie et de l’exode d’une communauté éparpillée aux quatre coins du monde et qui, contre vents et marées, a tenu à garder vivante la mémoire d’un « paradis perdu ». Le roman a été présenté à Montréal, Madrid et Tel-Aviv, et le sera prochainement à Toronto. » Elie Benchetrit

Un domingo en torno a la fuente

Hoy domingo, la lucha de cada semana empezaba de nuevo. Rubén friendo buñuelos y Jola preparando los frojaldes, fijuelas, pastas reales ytortitas saladas y dulces, que habían adquirido tanta fama que hasta lasseñoras del bulevar venían a comprarlas. Jola tenía unas manos de oro yen varias ocasiones la llamaban para cocinar en las fiestas.

La mañana iba haciéndose más clara y las mujeres iban llegando pocoa poco a la fuente con cubos y cántaros para recoger el agua, ya que lagran mayoría de las casas de aquel barrio no disponían de agua corriente.

Todo esto ocurría en un alegre desorden coloreado con dichos, comentarios y un sinfín de maldiciones que iban cayendo como granizo sobre aquel o aquella que no se conformaba con los códigos establecidos, que no tenían nada que envidiar a la ley de la jungla.

En torno a la fuente estaban Azigüena Boaicha, reputada por sus maldiciones desde la Fuente Nueva hasta el callejón del Huerco, Rahel Belilti famosa por su ojo preto y que sembraba dolor y discordia en cualquier casa o familia. Se comentaba este respeto que varios hombres y mujeres habían enfermado misteriosamente sin que se pudiera determinar a ciencia cierta el origen del mal y que terminaron su carrera en el cementerio nuevo.

A Rahel la temían todos en la Fuente Nueva, y enfrentarse a ella resultaba una verdadera maldición. El temor que esta buena señora inspiraba a todo el mundo hizo que nunca tuviera necesidad de trabajar, pues cada cual la traía comida, dulces caseros y hasta a veces dinero, todo ello para no ser víctima de aquel terrible mal de ojo. No había casa judía, musulmana o cristiana en la Fuente Nueva que no tuviera colgado en el umbral una mano de cinco, una herradura de caballo o cualquier otro hierbajo o amuleto que se suponía que neutralizaba de alguna manera el maleficio de tan potente mirada. Rahel, además de todos los agasajos que se le hacían, tenía en su casa una verdadera consulta, igual que un médico, con la diferencia de que ella enfermaba a sanos en vez de curar a enfermos.

También estaba allí Rahma, la esposa de Haim el cambista, una matrona con un fenomenal apetito, que no paraba de comer ni de día ni de noche y que no andaba lejos de los ciento treinta kilos. Todas las ganancias de su desdichado esposo apenas servían para saciar su colosal apetito. Jola, la esposa de Rubén, acaba de llegar acompañada por Tammo la costurera, quien además de coser vestidos de señora a domicilio, se dedicaba igualmente a bordar bolsas de tefelimes y fundas para los sefarim. Tammo era intima amiga de Jola y se visitaban casi a diario, siempre llevando chismes sobre lo que ocurría en las casas ajenas. Jola siendo cocinera y Tammo costurera, sobra decir que mucho tenían que contar sobre las familias judías o francesas que vivían el bulevar.

No traes buena cara hoy día, amendrá, contame cual es el ma’asé, Jola, así me quedes tú. Seguro que el mal.logrado ma’al.lem del forno te shueó la oriza. Igualito que a mí la semana pasada, no sepas de mal, a la basura fe a parar. Así se los qlee la vida a los del farrán, les venga algo que les badree a todos ellos de una vez, les entre…

Güeno está, Tammo, no es nada de oriza, se trata de algo más importante, cosas de familia, otro baydabber, ya sabes… kahhrás y postemas es lo único que mos traen los hijos. No sepas de mal lo que estoy pasando. En fin más vale no immentar esto, bastante mal ya lo estas pasando con la mehná que le entró a tu marido Naftalí, que el Dió le haga tawil y remedio y que le veas sano y bueno con refuá shelemá ¡amén!

Tammo estaba bastante intrigada por el problema de Jola y no pensó ni un solo instante en su marido Naftalí, medio paralizado desde hacía unos meses. A este respecto se comentaba que Rahel le había echado el mal de ojo después de haber tenido una gran discusión con él.


 

Un dimanche autour de la fontaine

En cette journée de dimanche, la lutte quotidienne reprenait son cours, Réouven faisant frire ses beignets et Jola son épouse confectionnait les crêpes marocaines, fazuelos et gâteaux divers dont la renommée était telle, que même les dames de la haute société tangéroise venaient les acheter. Jola avait des mains en or et il n’était pas rare que l’on fît appel à ses services pour être aux fourneaux lors des nombreuses célébrations communautaires.

La clarté du jour s’installait peu à peu sur la place et les femmes arrivaient avec seaux et carafes pour s’approvisionner en eau, car la plupart des foyers de ce quartier ne disposaient pas d’eau courante. Tout ceci se déroulait dans une ambiance désordonnée et bon enfant pimentée de bons mots et de commentaires tranchants, à double sens et parfois des malédictions qui s’abattaient comme de la grêle sur celle qui ne se conformait pas aux codes en usage dans le quartier qui s’apparentaient souvent aux lois de la jungle.

Lors de cette journée, se trouvaient autour de la fontaine, Aziguena Boaicha, renommée au quartier pour ses malédictions, Rahel Belilti, fameuse jeteuse de sorts grâce à la puissance de son mauvais œil qui, dit-on, semait  douleur et discorde partout où il se posait. La rumeur courait que plusieurs hommes et femmes victimes d’un mal mystérieux dont on ignorait l’origine avaient rejoint précipitamment  l’au-delà au grand dam de la médecine.

Dans le quartier, tout le monde craignait Rahel et la confronter relevait d’un dangereux défi. La terreur que cette dame ténébreuse inspirait au voisinage avait fait qu’elle n’avait point besoin de travailler pour gagner sa vie. En effet, la plupart de ses voisines lui lui apportaientà manger des plats cuisinés, des gâteaux faits maison et parfois même de l’argent afin d’éviter d’être la prochaine victime de son mauvais œil perfide. Il n’y avait pas dans le quartier de famille juive, musulmane ou chrétienne qui n’accrochait pas sur la porte d’entrée de sa demeure, soit une main de Fatma, soit un fer à cheval et parfois même des herbes dotées de pouvoirs magiques, le tout destiné à neutraliser de quelque manière le maléfice de ce puissant regard. Précisons que Rahel en plus de toutes les offrandes qu’on lui faisait, disposait à son domicile d’un véritable cabinet de consultation à l’instar d’un médecin à la seule différence qu’elle rendait malades ceux qui jouissaient auparavant d’une bonne santé au lieu de soigner les vrais malades.

Rahma, l’épouse de Haïm, le changeur de devises, se trouvait également là ce dimanche. Cette matrone dont le poids dépassait les 130 kilos, avait un appétit hors du commun qui la poussait à manger à tout moment de la journée et parfois même de la nuit. Tous les gains de son malheureux époux étaient à peine suffisants pour satisfaire sa faim insatiable. Jola, l’épouse de Réouven venait d’arriver en compagnie de Tammo la couturière qui, en plus confectionner à domicile les habits pour dames de la haute société, brodait également les bourses pour les téfilim (les phylactères) et les parures pour les sifrés Torah (les rouleaux de la Torah). Tammo et Jola étaient des amies intimes et elles se rendaient visite au quotidien, en colportant les potins et ragots à propos d’autres familles, qu’elles fussent du quartier ou des endroits plus huppés. Jola la cuisinière et Tammo la couturière avaient donc beaucoup de choses à se raconter à propos des familles juives ou françaises qui faisaient appel à leurs services.

Jola mon amie, tu n’as pas bonne mine aujourd’hui. Qu’y a-t-il donc ? Quelle est donc la raison de ceci ? Je t’en conjure dis-le moi. Je suis sûre que ce maudit soi-disant maître du four communautaire a laissé ta dafina cuire à grand feu et a fini par la brûler. J’ai eu le même problème la semaine dernière, un vrai désastre elle a fini à la poubelle. Puisse-t-il brûler de tous les feux de l’enfer, qu’il soit maudit à tout jamais !

Arrête Tammo, il ne s’agit nullement de cela, c’est au contraire une tout autre histoire, des problèmes de famille, tu sais ce que cela signifie, des  tragédies et des chagrins, c’est le lot de misères que nous procurent nos enfants. Puisses-tu ne pas connaître ce que je vis en ce moment. Il vaut mieux ne pas en parler. Tu as assez de soucis avec la méchante maladie qui affecte ton mari Naftali, puisse l’Éternel lui faire retrouver sa santé amen !

Tammo était assez intriguée par l’attitude de Jola et l’idée ne lui effleura pas un seul instant d’avoir une pensée pour Naftali son époux, à moitié paralysé et dont on murmurait que Rahel lui avait jeté un sort lors d’une altercation qu’elle avait eue avec lui.

* Dialecte judéo-espagnol parlé par les Juifs du nord du Maroc où l’espagnol est prédominant et comprenant des mots et des expressions en hébreu et en arabe.


Pour toute information concernant l’ouvrage et pour achat, contacter : ebenchetrit@sympatico.ca


 

Top